Le 23 juillet soit 4 jours, avant ce que le camp pro-US/pro-Israël tend de plus en plus à décrire comme un coup d'État anticonstitutionnel du président Saeïd, juriste de formation, la Tunisie, "État le plus endetté du monde" puisque le Printemps arabe en a fait un otage du FMI, a annoncé avoir remboursé l'emprunt obligatoire de 506 millions de dollars, 500 millions de dollars en principal et 6 millions en intérêt soit l'équivalent de 1.412,6 millions de dinars. Le rapport qui en a fait le FMI et publié par médias interposés portait l'empreinte d'une réelle amertume, car si tous les pays africains ou moyen-orientaux, classés "tiers-monde" se mettaient comme semble être sur le point de faire la Tunisie "à rembourser leur dette grâce à la levée sur le marché local, ou en d'autres termes en mobilisant leurs propres forces vives, qu'en serait-il alors du sort du FMI ou de la BM, ces caisses de détournement de fond des pays souverains et de la mise en cage dorés suivant les principes néolibéraux.
Le rapport affirmait surtout que l'emprunt avait comme garant les USA eux-mêmes et que ce modus operandi tunisien, n'ayant pas plu aux Américains, risquait de fermer de facto toute possibilité de prêts supplémentaire, surtout que Tunis refuse de "prévoir des réformes FMIstes", d'avoir même un calendrier pour de nouveaux prêts. Mais ce texte prenait ses lecteurs pour des simples d'esprit car par ce genre de contorsion, il visait à cacher un séisme : la marche de la Tunisie vers son indépendance, est-elle sur le point de rejoindre acte à la parole, de faire barrage au plan du "Grand Magreb" qui depuis le Hirak en Algérie suivie de la guerre libyenne de 2020, puis de la normalisation quasi- forcée du Maroc avec l'entité sioniste, tend à faire de l’Afrique du Nord un second Moyen-Orient à savoir une région bourrée de bases militaires, paravent honteux pour le pillage systématique de ses ressources.
Pour s'en convaincre, ça n'avait en effet qu'à se tourner vers l'Algérie et voir ce bastion anti-Israël faire l'objet d'une stratégie d'encerclement de l'axe US/Israël qui pour avoir agi et agir sous le masque de Rabat, n'en reste pas moins la première partie impliquée dans ces crises qui se succèdent au Maghreb: après avoir déployé des milliers de soldats aux portes de l'Algérie, et faire de l'armée marocaine désormais totalement placée sous commandement d’Israël une machine de guerre anti-Sahara, l'Amérique vient de jouer la carte de la Kabylie indépendante quitte à déclencher le déclic d'une guerre intermaghrébine comme en son temps la sale guerre Iran-Irak ( 1980). La Tunisie, telle que fondée par le clan des Frères musulmans, au lendemain du Printemps arabe, aurait-elle pu dire non aux Américains si une telle guerre éclatait et que les Yankee souhaitaient disposer du sol et du ciel tunisiens contre l'Algérie? En décembre l'ex-président US a fait signer à Tunis un accord militaire de 10 ans donnant du corps aux rumeurs récurrentes qui affirment que l'OTAN possède des bases depuis 2011 en territoire tunisien, bases évidemment déguisées par crainte d'une réaction algérienne.
En octobre dernier, l'AFP disait : "le chef du Pentagone, Mark Esper, a signé un partenariat de dix ans avec ce pays d'Afrique du Nord. Si les détails complets de l'accord n'ont pas été divulgués, il portera notamment sur une aide à la formation et le service après-vente d’armes sophistiquées pour lutter contre le terrorisme. La Tunisie est un allié majeur de Washington dans la région pour son soutien dans le dossier libyen... Les deux pays organisent régulièrement des exercices conjoints alors que les États-Unis ont investi plus d'un milliard de dollars dans l'armée tunisienne... En 2016, la Tunisie avait démenti un rapport du Washington Post selon lequel elle avait autorisé les États-Unis à faire fonctionner des drones depuis son territoire pour des missions en Libye contre le groupe terroriste Daech.
Mais une cour martiale en 2017 dans une affaire de harcèlement sexuel par un officier américain, rapportée dans la presse de la défense américaine, a confirmé publiquement la présence d'un escadron américain opérant des drones depuis une base tunisienne dans la région nord de Bizerte. "Ce genre de rapport, Saïed l’Indépendant, les lisait sans doute, mort dans l’âme, réfléchissant que la Libye pourrait être remplacée un jour par l'Algérie, maintenant qu'Israël n'est que l'ombre de lui-même dans un Moyen-Orient où la Résistance a fait de lui une bouchée de pain en à peine 11 jours de frappes balistiques. Surtout que l'Amérique en quête de trouver un lieu où caser son rejeton israélien, a eu même le culot de se servir de Riyad et d'Abou Dhabi pour faire infiltrer l'entité sioniste au sein d'une UA qui du temps du défunt Kadhafi était le symbole de l'antisionisme. La destitution du PM puis du chef d'un Parlement tunisien qui de concert avec les officines extraterritoriaux cherchaient ces derniers jours à déclencher une guerre civile, façon de préparer une intervention étrangère, une de plus en Afrique du Nord, a bien pris de court l'axe US/cie. D'où cette réaction faussement mesurée de Blinken, un secrétaire d'État qui se permet d'inviter le président d'un État souverain à "respecter la démocratie".
"Lors d'un entretien téléphonique, mardi 27 juillet, avec le président tunisien Kaïs Saeïd, le secrétaire d'État américain lui a conseillé d'adhérer aux principes de la démocratie et l’a appelé à se mettre à la table de négociations avec tous les acteurs politiques du pays. Le secrétaire d'État américain a mis l’accent sur le partenariat fort entre les États-Unis et la Tunisie et le soutien continu au peuple tunisien face au double défi de la crise économique et de l'épidémie de Covid 19, indique le communiqué du département d’État américain, cité par l'AFP.
En termes de soutiens au peuple tunisien, Saïd a dû avoir pas de choses à jeter à la figure de Blinken. Mais c'est le peuple tunisien qui le fera à sa place. Depuis 48 heures, ce dernier fait la sourde oreille aux appels à la manif lancés à tue-tête par les Fréristes. Aux dernières nouvelles, Kaïs Saïed bénéficie du soutien des institutions sécuritaires et militaires après qu'il a rencontré leurs dirigeants. Le mouvement semble soigneusement calculé. Ensuite, l’absence d’une prise de position directe de la part de la Confédération tunisienne du travail, l'une des branches politiques les plus influentes, indépendantes et efficaces du pays, par rapport à la démarche du président. Par contre, le secrétaire général adjoint de la Confédération a indirectement soutenu le président, déclarant que ses mesures n’étaient pas contre la Constitution et que le parti a adopté une position similaire. Puis, des dizaines de milliers de personnes ne sont pas descendues dans la rue pour soutenir la coalition "Ennahdha" comme on s'y attendait, et le petit nombre de députés ont rejoint le président devant le Parlement après sa fermeture par les forces de sécurité.
Le Tunisien Kaïs Saïed a intelligemment empêché les escalades et la propagation du chaos. Il a attendu que l'état de colère et de ressentiment populaire atteigne son paroxysme et que ses adversaires partagent leur conviction sur la faiblesse du parti pour prendre des mesures décisives comme celles qu'il a prises la nuit dernière : la destitution du Premier ministre "dissident" et le gel des travaux du Parlement plutôt que sa dissolution. Les points forts du président Saïed résident dans son indépendance, ses mains propres et les 73 % des voix (pour la plupart des jeunes) qu’il a obtenus lors des récentes élections présidentielles, sans oublier sa non-affiliation ni direction d'aucun parti politique et son rejet catégorique de la normalisation avec Israël. Un pressentiment dit qu'à l'interne, il y aura dans les jours, les semaines et les mois à venir une "désaméricanisation" galopante voire l'émergence d'un axe maghrébin anti-US/Israël, anti-Grand Maghreb.