Le "Sultan" a tout faux? Alors qu'en Syrie, les forces et mercenaires d'Ankara s'embourbent, pris entre une Amérique bideniste pro-Kurde et une armée syrienne déterminée à tout restituer avec l'aide de ses alliés. En Irak, les flirts avec le PM Kazemi n'ont pas donné pas grand chose si ce n'est une multiplication des frappes aériennes turques sans faire avancer d'un iota Ankara à Sinjar.
Dans le Caucase sud ni les exercices conjoints avec Bakou ni le centre de surveillance du cessez feu avec la Russie n'ont servi la cause d'Erdogan qui avait promis à l'axe US/OTAN d'embraser les frontières sud de la Russie et nord-ouest de l'Iran à la faveur d'un "corridor terroristes" étendu entre Idlib et le Haut-Karabak. Mais la déculotté la plus royale aura eu lieu de loin en Libye où après être servi de tremplin pour l'OTAN à l'effet que celle-ci créée des bases d'entrainement de terroristes mais aussi des bases aériennes sur les frontières de l'Algérie et du Sahel, Erdogan se voit écarté d'emblée de la scène par un semblable de coup d'Etat éliminant tous les "pions pro-Turquie" à Tripoli. Et dire que la Turquie frériste d'Erdogan se laisse déposséder de l'une de ses dernières cartes à savoir son prétendu attachement à la cause palestinienne, en quémandant à l'entité sioniste dégel et soutien.
Le rédacteur en chef du quotidien en ligne Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, s'est attardé sur ces évolutions pour affirmer que le "Sultan Erdogan est désormais nu : "L'atterrissage du premier avion de ligne israélien d'El Al à l'aéroport international d'Istanbul après 10 ans de rupture a curieusement coïncidé avec l'élection d'un conseil présidentiel et d'un nouveau Premier ministre libyen à la fin d’une réunion à Genève. Mais cela reflète un changement accéléré des positions du président turc Recep Tayyip Erdogan après les énormes pertes résultant de sa politique étrangère qui a donné lieu à l'isolement de la Turquie".
"Il est à noter que tous les alliés d'Erdogan dans le dossier libyen, tels que Fayez al-Sarraj, chef du Conseil de la présidence, le ministre de l'Intérieur Fathi Bashagha et le ministre de la Défense Salih al-Nimroush ont perdu leurs postes dans le nouveau cabinet libyen. Le soutien militaire turc au gouvernement de Fayez al-Serraj a commencé après la signature, le 27 novembre 2019, d'un accord controversé entre Ankara et Tripoli qui prévoit une coopération renforcée en matière de sécurité et la démarcation des frontières maritimes entre les deux parties."
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"Après la réunion du Comité consultatif issu du Forum du dialogue politique libyen à Genève, le gouvernement d’al-Sarraj a perdu deux avantages : son prestige juridique international et sa présence dans la région orientale de la Libye. En Libye, ce changement a été précédé de deux événements majeurs sur la carte des alliances régionales du président Erdogan, le premier étant l'accord de réconciliation entre l'Arabie saoudite et ses alliés --les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte--, et la chute de la maison Trump, allié de la Turquie. Le nouveau président américain,Joe Biden est un allié historique des Kurdes et des Arméniens, et n'a guère d'amitié avec le dirigeant turc.
Eu égard à ces changements régionaux et internationaux, Erdogan a été amené à normaliser avec le régime de Tel-Aviv. Il a dépêché son chef du service de renseignement, Hakan Fidan, à Qods pour donner un coup de pouce aux relations commerciales et sécuritaires avec Israël. Et quelle humiliation quand on sait à quel point le soi-disant soutien d'Erdogan à la cause palestinienne constituait un fond de commerce pour lui".
"Or les Israéliens ne font pas de concessions gratuitement. Depuis plus d’une décennie, la Turquie est l’un des critiques les plus acerbes d’Israël sur la scène internationale. La rhétorique anti-israélienne des hauts fonctionnaires, dirigée par Erdogan, a frôlé le drame. Ankara a également pris des mesures qui ont mis en colère les fonctionnaires israéliens notamment en apportant son soutien au Hamas. Mais sans plus. Ankara n'a jamais franchi le stade de la parole.
Récemment, Erdogan a adopté un ton sensiblement différent à l’égard d’Israël, exprimant son intérêt pour l’amélioration des relations avec son ancien allié. « Notre cœur souhaite que nous puissions améliorer nos relations avec eux », a-t-il ainsi déclaré en décembre. Cette évolution est due à des changements mondiaux et régionaux qui ont mis Ankara dos au mur : isolée de l’Europe et de nombreux États arabes, la Turquie est confrontée à une Maison-Blanche potentiellement hostile ayant des visées putschistes à son égard. Israël a eu trois exigences principales dans les discussions avec la Turquie. La première est une vieille revendication : la Turquie doit cesser de permettre au Hamas de planifier des activités militaires depuis son territoire. La Turquie a accepté d’interdire au Hamas de mener toute activité non politique en 2016. Selon le journal israélien Yediot Aharonot, il n'y aura pas de dégel dans les relations entre la Turquie et Israël jusqu'à ce que le premier ferme le bureau d'Istanbul du Hamas. Israël veut également que la Turquie soit plus transparente sur ses activités à Qods-Est. Enfin, Israël demande à Erdogan et aux responsables turcs de modérer leur rhétorique anti-israélienne, en particulier en ce qui concerne la politique à Gaza."
Et Raï al-Youm d'ajouter : " Le journal britannique The Times a publié il y a deux semaines un rapport révélant que les autorités turques avaient informé le mouvement Hamas de sa nouvelle position et exigé le départ de plusieurs de ses cadres, la dissolution de certaines entreprises et organisations affiliées, et la cessation de toutes leurs activités à partir du territoire turc. C'est ainsi que finit l'aventure d'Erdogan, le pro-Palestinien. Pour le rappel, les responsables de l'aéroport d'Istanbul ont arrêté un cadre du Hamas et l'ont renvoyé à destination d'où il venait. Décidément le Sultan a tout faux."