Alors que la France s'apprête à envoyer son ministre des Affaires étrangères au Liban tenter sa chance, après le cuisant échec US à liguer la rue libanaise contre la Résistance, et ce, malgré sanctions, manipulations, menaces et ingérences, un incident bien significatif vient de se produire à la Bekaa, le cœur battant du sud du Liban: des "assaillants armés" ont ouvert le feu sur les soldats libanais et en ont tué un.
Qu'un soldat libanais tombe sous la balle des hommes armés, cela ne peut qu'avoir un message : "l'armée libanaise ne contrôle plus trop la situation" puisqu'"elle est éclipsée par le Hezbollah" dont "les armes seraient à l'origine de tous les maux du Liban". Ce message se devrait d'ailleurs d'être celui que le ministre français des A.E compte faire passer lors de sa toute prochaine visite à Beyrouth et qui, formulé en langage médiatique mainstream devient ceci : « Paris attend toujours de sérieux signes positifs de la volonté des autorités libanaises de faire face à l'escalade de la crise dans ce pays ». Cela signifie que Hassan Diab devra mettre à la porte le Hezbollah, couper les liens avec la Syrie, mettre définitivement une croix sur ses relations avec l'Est et tout ceci pour quelque 11 milliards de dollars promis à la conférence de Cèdre de 2018 à Paris et un crédit supplémentaire de 20 milliards que le FMI dit vouloir débloquer.
Mais si, en croyant aller droit au but, l'axe US/Israël/OTAN rendait-il service et sans trop le savoir à la Résistance?
L'orientaliste sioniste, Zvi Barel, s'en alarme dans un article publié dans les colonnes de Haaretz: « Tout comme la guerre dans la guerre de notre armée contre la présence iranienne en Syrie qui n'a fait que servir l'Iran à déployer un "anneau balistique" tout autour d'Israël lequel anneau vient d'être complété par le déploiement de la DCA iranienne, cette bataille économique contre le Liban pour bouter le Hezbollah hors de l'équation risque de lui servir de tremplin. Comment? Les deux derniers discours de Nasrallah ont tracé à peu près les grandes lignes du mécanisme que lui et son allié iranien comptent mettre au point pour castrer la Loi César ».
« Certes cette loi concerne la Syrie, mais à part Israël, la Syrie reste l'unique voie d'accès du Liban au monde extérieur. Cette loi interdit aux Libanais de commercer avec les Syriens et les USA vont même jusqu'à empêcher la FINUL de faire ses achats au sud du Liban. On parie que l'Etat libanais finisse aussi par se soumettre à cette loi rien que pour éviter les foudres de l'Occident. Mais qu'est-ce qui pourrait empêcher le Hezbollah, en parfaite harmonie avec le gouvernement Diab, d'agir de son propre chef pour appliquer le mécanisme de troc que proposait tout récemment Nasrallah? », s'interroge l'auteur qui ajoute :
« On sait que le Hezbollah est parfaitement capable de surmonter la Loi César s'il décide d'importer lui-même par exemple le pétrole syrien ou tout bonnement le pétrole que l'Iran envoie régulièrement en Syrie comme il l'a fait pour le Venezuela, sans l'US Navy puisse l'en empêcher. Autrement dit, le Hezbollah peut contrôler les passages frontaliers entre le Liban et la Syrie, recruter des réservoirs de pétrole et devenir importateur. Pour les Etats-Unis, cela signifierait une violation flagrante de la Loi César et une déclaration de guerre. Mais le Hezbollah a-t-il réellement peur de la guerre surtout quand elle est destinée à sauver les Libanais de la famine? Personne, même les courants les plus occidentalisés au Liban ne sauraient lui reprocher une telle bataille et c'est là que tout argument en faveur du désarmement du Hezbollah devient caduc: cette arme, Nasrallah l'utiliserait pour protéger les Libanais ».
« Au train où vont les événements, la Loi César risque de ne pas connaître un sort mieux que la décision du président Trump de cesser toute aide à l'armée libanaise, au lendemain de la désignation du nouveau Premier ministre Diab. La Maison Blanche a suspendu ses « aides » financières et militaires à l’armée libanaise, affirmant que ces aides renforceraient le Hezbollah. Or en ce faisant, les Etats-Unis ont ouvert grand les portes sur des contrats d'armement possibles et à signer entre le Liban d'une part, l'Iran et la Russie de l'autre, une perspective propre à mettre fin à l'influence euroaméricaine sur l'armée libanaise ».
« On sait que les aides militaires US ou française ne sont jamais allées au delà des armements de seconde main et sans importance, de nature à rendre le Liban totalement inoffensif pour Israël. Sans le ciel libanais, les frappes de l'Armée de l’air contre la Syrie seraient infiniment plus difficiles à mener. Un éloignement de l'armée libanaise de l'axe occidental revient à mettre fin aux infiltrations dans les établissements politiques et sécuritaires du Liban, aux prétextes pour pouvoir maintenir une présence militaire permanente au Liban. Il revient aussi à permettre des transactions libres des Libanais dans le secteur de l’énergie et autres ressources économiques; bref à préparer les conditions à une dépendance du Liban. Et tout ceci ne fera que nuire à Israël. La Loi César, le Hezbollah est sur le point d'en faire une redoutable arme retournée contre Israël : outre qu'une implication chinoise dans l'économie libanaise est potentiellement dangereuse pour les projets gaziers d'Israël, cela pourrait aussi permettre au Hezbollah de se doter d'un arsenal autrement redoutable : capacités de transaction économique! »