Parallèlement au barrage de la Renaissance et aux actions des terroristes pro-Israël de Daech au Sinaï, l'axe US/OTAN pousse l'armée égyptienne dans un autre conflit d'usure : la Libye. À quelle fin ?
Le président égyptien avertit que les villes de Syrte et de Benghazi sont des lignes rouges de l'Egypte et qu'elle juge donc légitime son intervention en Libye pour faire face aux Turcs.
Alors que les conflits entre les forces de l’Armée nationale libyenne (ANL) du général Khalifa Haftar et celles du Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj ont cessé, et ce depuis peu de temps, et que les deux parties se sont lancées dans des négociations non officielles pour mettre fin aux conflits, des nouvelles font part de la préparation des bases aériennes de Mitiga et d’al-Watiya à l’ouest de Tripoli pour accueillir les chasseurs de l’aviation turque, ce qui a provoqué l’ire des autorités égyptiennes. On dit que l’armée turque qui a considérablement contribué à l’avancée des forces du GNA, en leur fournissant une grande flotte de drones d’attaque, envisage d’expédier en Libye nombre de ses F-16 pour ainsi aider les forces du GNA à prendre le contrôle du croissant pétrolier de l’Est libyen et de la base aérienne d’al-Jufra, au Centre libyen, soit double objectif du président turc Recep Tayyip Erdogan pour son expédition militaire en Libye.
L’intervention turque ne reste pas, toutefois, sans réponse. Lors de sa visite sur la base militaire de Sidi Barrani, non loin des frontières avec la Libye, le président égyptien Abdelfatah al-Sissi a réaffirmé que l’Egypte avait toute légitimité à intervenir en Libye et que les villes de Syrte et de Benghazi sont une ligne rouge.
En fait, ce sont les Turcs qui permettent aux forces du GNA de se lancer à l’assaut de Syrte, marquant la frontière entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque et de menacer Benghazi (capitale de la Cyrénaïque) en anéantissant les forces du Maréchal Haftar et leurs alliés.
Or une intervention militaire égyptienne pour tenter d’empêcher la chute de Syrte et de Benghazi aura pour conséquence une confrontation avec la Turquie. Même si les deux pays sont en très mauvais termes, voire en état d’hostilité, il demeure peu probable qu’ils veuillent en arriver jusqu’à une confrontation fort hasardeuse en Libye et il est fort à parier que les Turcs se contenteront d’appliquer leurs nouvelles tactiques asymétriques mêlant drones d’attaques et coups de main musclés aux forces locales tandis que l’Egypte est plutôt tentée par une campagne de raids aériens en soutien aux forces de Haftar.
Cela veut dire que le conflit ne changera pas de nature mais qu’il va durer dans le temps.
Importance de la base Sidi Barrani
La base aérienne de Sidi Barrani qui se situe à la frontière occidentale de l’Egypte avec la Libye permet à l’armée égyptienne d’entrer facilement dans le pays, sans aucune restriction d’ordre logistique et sans avoir besoin de parcourir une grande distance pour s’approcher très vite des lignes de contact avec les forces soutenues par la Turquie.
C’est depuis cette même base que les chasseurs Mirage 2000 de l’armée émiratie effectuaient pendant l’année dernière et effectuent toujours leurs vols logistiques sans avoir besoin d’un ravitaillement en vol.
Cependant, les photos diffusées de la base après la visite du président égyptien montrent le déploiement d’équipements militaires, ce qui traduit la ferme volonté de l’armée égyptienne d’entrer en combat dès que le Caire sentirait une menace au-dessus du gouvernement de Haftar dans l’Est libyen.
Les photos montrent un grand nombre de chars M1A1 Abrams et de véhicules blindés M113, nécessaires pour une possible intervention directe de l’armée égyptienne et des unités de la DCA Buk-M2 et Tor-M2 contre les chasseurs ou les drones armés Bayraktar TB2 de l’armée turque.
L’Egypte compte aussi sur sa puissance aérienne et ses chasseurs de pointe Rafale, Mig 29 et F-16, ce qui lui donne une suprématie par rapport à son rival turc.
Que fait, entre temps, la Russie ?
Etant donné que l’un des deux objectifs d’Ankara et du GNA est la main mise sur la base aérienne d’al-Jufra, le soutien politique et militaire de la Russie aux forces du Maréchal Haftar est très déterminant d’autant plus que les forces soutenues par la Turquie se trouvent actuellement à environ 150 km de cette base où sont stationnés, d’ailleurs, les Mig-29 et les Su-24 russes, transférés depuis la Syrie en Libye.
Photo: Mashregh News
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Ceci dit, si un jour les armées russe et égyptienne décident de riposter, alors que les forces du GNA et de la Turquie avancent vers l’Est, les conflits actuels pourraient se transformer en une véritable guerre entre les puissances en lice en Libye.