L'OTAN est-elle sur le point de mourir? Alors que l’OTAN fait face à des défis majeurs tels la montée en puissance de la Chine, Washington et Ankara mettent le feu aux poudres, en laissant croire à la mort imminente de l’alliance Atlantique. Il s’agit d’une hypothèse confirmée implicitement par le président français et le secrétaire d’État américain.
Sur fond d’évolutions marquées par l’intervention militaire de la Turquie en Syrie, le retrait des troupes américaines de certaines de leurs bases dans le nord syrien mais aussi l’émergence de la Chine en tant que puissance majeure susceptible de dépasser l’Amérique dans les années à venir, les deux déclarations faites la semaine dernière ont tous deux gravement mis en péril l’avenir du traité de l’Atlantique nord,relève Abdel Bari Atwan, rédacteur en chef du journal extrarégional, Rai Al-Youm.
La 1ère déclaration est celle d’Emmanuel Macron, président français qui lors d’un entretien sans précédent à The Economist a décrit une Alliance atlantique en état de « mort cérébrale » et incapable de s'imposer.
Mais, la 2nde déclaration est pire encore puisqu'elle appartient au secrétaire d’État américain qui n’a pas tardé à sauter sur l’occasion pour évoquer le sujet lors d’une conférence de presse à Leipzig en Allemagne à l’issue de la commémoration de la chute du mur de Berlin. Ce dernier a en effet rappelé les propos de Donald Trump selon lesquels l’OTAN est une organisation « obsolète » et que ses membres devraient mieux « partager le fardeau » de son financement.
L’échec du plan américano-européen, l’escalade des différends entre les membres de l’OTAN sur la récente intervention militaire turque dans le nord de la Syrie ainsi que la décision du président turc, d’acheter le système russe S-400 qui contrevient complétement à la politique d’armements de l’Alliance ont tous contribué à un chaos similaire à celui qui a entraîné l’effondrement du pacte de Varsovie, a indiqué Atwan qui a dit qu’il ne pensait pas que le prochain sommet de l’OTAN prévu pour début décembre à Londres puisse y remédier.
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump dont les politiques sont caractérisées par un anti-européanisme primaire et un intérêt grandissant pour la région de l’Asie de l’Est semble avoir poussé le président français à adapter cette nouvelle approche qui a pour but d’établir un partenariat stratégique avec la Russie et de mettre en place un système de défense européen indépendant des États-Unis, estime Atwan.
Mais ce n’est pas une première. L’unité et la survie de l’OTAN sont d’ores et déjà menacées par des crises dangereuses. Il est intéressant de noter que derrière ces crises se trouve cette même Turquie qui a envahi en 1974 Chypre et divisé le pays pour créer la République turque de Chypre. Une démarche qui a valu à Ankara trois années d’embargo sur les armements. Tout comme la France et l’Allemagne qui ont annoncé stopper les ventes d’armes à la Turquie en signe de protestation contre l’offensive turque dans le nord de la Syrie, a rappelé Atwan.
Le rédacteur en chef de Rai Al-Youm a évoqué la question posée par Emmanuel Macron à laquelle lui-même n’avait pas de réponse : « Je ne sais pas, mais c’est quoi, l’article 5 demain ? C'est-à-dire que si Damas décide de répliquer à la Turquie (membre de l'OTAN), est-ce que nous allons nous engager, c'est une vraie question ».
Selon Atwan, Macron se souvient bien du fait que l’OTAN a humilié la Turquie alors qu’elle se préparait à un affrontement militaire avec la Russie après le crash d’un de ses avions près de la frontière turco-syrienne en 2015. Ce qui a poussé Erdogan à se rendre à Moscou pour d’abord présenter ses excuses auprès de son homologue russe Vladimir Poutine puis signer avec lui un nombre d’accords stratégiques à savoir, l’achat des système de défense antiaérienne S-400, le projet du gazoduc Turkish Stream ainsi qu’un accroissement des échanges commerciaux de plus de 100 milliards de dollars.
C’était en effet ainsi que la Turquie d’Erdogan a complètement tourné le dos à un OTAN dont elle était l’un des principaux fondateurs, menaçant l’Europe d’un flux de migrants syriens. Cette crise s’exacerbera et l’OTAN finira certes par s’effondrer. L’adhésion de seulement deux de ses membres (le Royaume-Unis et l'Australie) à la coalition maritime qu’ont créée les États-Unis pour contrer l’Iran dans les eaux du golfe Persique constitue l’une des meilleures preuves à cet égard, a fait remarquer Atwan. A vrai dire, la double malédiction de la Libye et de la Syrie ne laissera pas l’OTAN échapper au malheur venant de la destinée. Personne ne pleurera le sort de cette Alliance Atlantique dont l’existence rime avec le renversement du sang des musulmans en Irak et Syrie et en Afghanistan, conclut Atwan.