Où en sont les relations Téhéran-Paris, plus d'un an après le retrait US de l'accord de Vienne et alors que Paris, toujours apathique, laisse entendre qu'il irait lui aussi emboîter le pas aux États-Unis ? Interrogé par l'IRNA, l'ambassadeur français en poste à Téhéran, M. Philippe Thiébaud, en visite à Ispahan, a pourtant bien reconnu que le retrait US n'a pas seulement nui à l'Iran, mais aussi aux sociétés françaises.
À Ispahan où l'intéressé se trouvait en visite, la société Vinci a perdu en effet un contrat de 120 millions de dollars qui l’engageait à reconstruire l'aéroport de la ville et qui a été suspendu par crainte des États Unis. M. Thiébaud n'a pas eu le temps ou l'envie de se souvenir d'autres contrats de taille que le pétrolier Total ou le constructeur Renault ont perdus en Iran et ce, au détriment des Français pour cause de suivisme de l'Élysée envers Washington.
La vérité est que les relations Paris-Téhéran traverse une mauvaise passe sans qu"il y ait de vraie divergence, si ce n'est le fait que le pouvoir politique français n'agit plus de son chef mais pour le compte des liens transatlantiques.
Rare démonstration de cette crise, le Leader de la Révolution islamique a critiqué il y a deux jours cette soi-disant tentative de médiation du président Macron entre Téhéran et Washington, alors qu'un jour ne se passe sans que les États-Unis d'Amérique ne rallongent leur liste de sanction contre l'Iran.
« M. Macron est soit naïve soit complice des États-Unis » quand il nous demande de se mettre à la table des négociations avec une Amérique qui veut notre anéantissement », a dit en substance l'ayatollah Khamenei.
Le constat est bien triste: la France d'Emmanuel Macron a perdu tout crédit au yeux de l'État et de la nation iranienne. Le lundi 4 novembre, le conseiller pour la politique étrangère du Leader, Ali Akbar Velayati, y est revenu: « L'Iran n'a plus aucune confiance ni en la France ni en les autres pays signataires du Plan global d'action conjoint (PGAC). »
À lire aussi : L’Iran lance 30 nouvelles centrifugeuses
Lors d’une interview exclusive avec France 24 en langue arabe, Ali-Akbar Velayati a réitéré la détermination de l’Iran à réduire ses engagements nucléaires puisque les signataires européens n'ont rien fait pour sauver l'accord: « Si les autres parties de l’accord, des Européens, ne remplissent pas leurs engagements dans les domaines discutés dans l’accord, l’Iran concrétisera sans hésiter ses réductions et ce, à la date promise. Le problème vient du fait que ni la France ni les autres membres européens de l’accord ne remplissent leurs promesses, nous n’avons donc aucune confiance en les paroles du gouvernement français et de son président », a dit le conseiller qui est revenu sur la fameuse ligne de crédit de 15 milliards de dollars promise par la France, mais désormais enterrée:
« La France assistait à toutes les négociations nucléaires ; on s'attendait donc qu'elle remplisse à temps ses engagements. Mais comme l’Allemagne et les États-Unis, elle ne l’a pas fait. Nous n’avons donc plus confiance en la France. Tout ce que nous avons vu de ce pays et des autres pays européens, n’était que des promesses vides jamais suivies d'action. Ils n’ont rien fait de positive. Pas seulement la France, mais aussi tous les Occidentaux, qui ont foulé au pied leurs engagements. Et qui plus est, ils exigent que l’Iran diminue sa présence dans la région, région à laquelle il appartient et d'où dépend sa survie. La France et ses paires occidentaux exigent aussi que l'Iran renonce à des pans entiers de sa défense nationale alors qu'aucun pays au monde ne se trouve confronté autant que l'Iran à des menaces sécuritaires aussi majeures. C'est là une exigence insensée et illogique. »
La colère anti-État français est grande en Iran ne serait-ce que par les points obscurs qui entachent la politique iranienne de Paris: « À renfort de ces campagnes médiatiques et politiques, la France et les paires européens s’efforcent de faire croire au monde entier qu’ils veulent établir la paix et apaiser les tensions.
Mais enfin du compte ce qui leur importe, ce serait surtout de redorer leur blason sur la scène nationale où ils rencontrent de réelles difficultés. Notre expérience des États-Unis et des trois membres européens du PGAC (Allemagne, France et Grande-Bretagne) nous dit qu’ils ne respectent pas leurs engagements.
Si les États-Unis ont multiplié les sanctions à notre égard, les Européens en ont fait autant en suivant à la lettre ces mêmes sanctions et en mettant sur la table des négociations des dossiers non inclus dans le PGAC. Une médiation française n'aura donc aucune chance de succès tant que nous ne constaterons pas une démarche positive et sérieuse de la part de la France. En attendant, nous resterons convaincus que la France ne fait que remplir son rôle dans un jeu politique, dont les ficelles sont tirées à Washington. »