Second repli des Émirats en moins de dix jours : Après Aden, les Émirats arabes unis ont décidé de retirer leurs troupes de Sirwah à Marib, dans l’est yéménite. Un mois après la frappe au drone contre le méga pipeline saoudien suivie depuis, de 36 attaques au drone et au missile contre les aéroports, les bases militaires en territoire saoudien, et alors qu'Abou Dhabi connaît une fronde intérieure impliquant les proches de l'émir de Dubaï et de Charjah, Ben Zayed semble avoir été amené à revoir sa copie au Yémen. Les chasseurs émiratis, les troupes au sol des Emirats tout comme leurs bateaux de guerre ont largement contribué à l'agression saoudienne contre le Yémen et un retrait de Ben Zayed ne peut qu'être de très mauvaise augure pour la coalition.
Une source auprès du gouvernement démissionnaire yéménite a fait part le mercredi 3 juillet du retrait d’une partie des mercenaires émiratis, impliqués dans la guerre contre le Yémen, d’une base de l’est du pays.
« Une partie des sbires émiratis, stationnés sur la base militaire de Sirwah, située dans la province de Maarib s’en est retirée », a-t-on appris de la même source. Et de poursuivre : « Les troupes émiraties passent le relais aux militaires saoudiens ». La source n'a néanmoins pas précisé la raison de ce retrait.
Au cours de la semaine passée, diverses sources d’information à l'instar de Reuters et de Wall Street Journal ont fait état du départ du Yémen d’un nombre considérable de forces émiraties. Reuters a en effet annoncé que les forces émiraties avaient évacué le port d'Aden et la côte ouest du Yémen.
« Les Émirats arabes unis cherchent à s’extraire de la guerre qui dure depuis quatre ans et ils ont commencé ces dernières semaines à retirer des chars et des hélicoptères par crainte des représailles au cas où une guerre éclaterait entre les États-Unis et l’Iran », a rapporté aussi, le Wall Street Journal.
Cette semaine, Abdulkhaleq Abdullah, ex-conseiller du prince-héritier d’Abou Dhabi, a reconnu cette réduction d'effectifs et de présence militaire émiratie : « Les Émirats arabes unis ont en effet réduit leurs forces au Yémen et ce pour trois raisons : Premièrement, parce que le cessez-le-feu perdure à Hudaydah. Deuxièmement, parce que les forces qui appuient "le gouvernement yéménite légal" ont notablement amélioré leurs capacités. Troisièmement, parce que les combats ont perdu en intensité en 2019. »
Les deux dernières raisons sont jugées toutefois totalement infondées par les observateurs politiques qui voient désormais une extension des combats au territoire saoudien. En effet, le retrait d'Abou Dhabi se fait au pire moment : la guerre s'est déplacée sur le sol saoudien avec en corollaire les trois provinces stratégiques du sud, à savoir Najran, Jizan et Asir qui subissent des attaques quotidiennes. À Riyad, la décision d'Abou Dhabi est ressentie comme une trahison, les Émirats étant l'un des deux principaux piliers de la coalition. En effet, les stratèges de guerre saoudiens avaient bien misé sur les Émirats pour une reprise de leur offensive contre Hudaydah et ce, à l'effet d'amortir les pressions sur le sud saoudien. Or Abou Dhabi a lâché prise, estime Rai al-Youm qui ajoute : « L’émir de Dubaï, le cheikh Mohammed ben Rachid al-Maktoum, a joué un rôle crucial en la matière. De peur que son royaume ne soit la cible d’attaques militaires d’Ansarallah, le cheikh al-Maktoum, à la fois vice-président, Premier ministre des Émirats arabes unis et souverain de Dubaï, aurait demandé le retrait des troupes émiraties au prince héritier d’Abou Dhabi, le cheikh Mohammed Ben Zayed al-Nahyan. Ce dernier aurait ainsi rencontré le prince héritier d’Abou Dhabi pour lui faire part du fait que Dubaï ne pourrait supporter une attaque d’Ansarallah contre des installations vitales des Émirats. »
Et le journal d'ajouter : « Il est utile de préciser que ni l’ONU ni les pressions de la communauté internationale n’ont réussi à contraindre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis de respecter l’accord de Stockholm dont l’une des clauses porte sur la levée du blocus de l’aéroport de Sanaa. En effet, le retrait des troupes émiraties de l'est de Sanaa pourrait s'inscrire en ce sens. Équipée de missiles de croisière et de drones kamikazes, les combattants yéménites ont récemment frappé les aéroports d'Abha et de Jizan, dans le sud-ouest de l'Arabie saoudite. Ils ont attaqué aussi l'oléoduc saoudien reliant le golfe Persique à la mer Rouge en perturbant l’acheminement du pétrole. Et ils se disent déterminés à étendre leurs frappes aux Émirats. Les Émirats ne veulent pas risquer un effondrement de leur puissance économique. »
Mais Rai al-Youm n'en reste pas là : « Certains analystes estiment que de profondes divergences séparent la stratégie de guerre de Riyad et d'Abou Dhabi. Les Émirats ont soutenu les séparatistes sudistes face à Hadi et n'ont jamais accepté l'entente de Riyad avec les Frères musulmans yéménites. Mais malgré tout, ni Riyad ni Washington ne peuvent être contents du retrait émirati. Riyad a même fait disparaître le président démissionnaire Hadi pour faire dissuader les Émirats. Peine perdue. Américains et Saoudiens croient non sans raison que le départ d'Abou Dhabi fera gagner l'Iran et les Houthis. La coalition saoudienne explose, quatre ans après sa création et au pire moment puisque le sud saoudien est embrasé. Sont nombreux des commentateurs qu'y voient un coup de Ben Zayed contre Ben Salmane, coup destiné à allumer le feu sur le flanc sud saoudien à préparer la séparation de trois provinces du sud.