Mais quelle mouche a encore piqué Trump pour qu’il aille, avant même de digérer l’échec de son plan connu sous le nom de « Deal du siècle », s’attaquer à un dossier éminemment délicat comme celui du Golan ? Depuis qu’il a annoncé vouloir reconnaître l’annexion de ce plateau syrien ultra-stratégique par Israël, c’est la levée de boucliers partout : le camp anti-atlantiste (Syrie-Iran-Russie) plus la Turquie ont condamné cette annonce, une de plus, tout comme l’ONU et les alliés européens de Washington qui savent mieux que quiconque à quel point le Golan est viscéralement lié à l’identité syrienne.
Pour certains analystes, la reconnaissance de l’occupation israélienne des hauteurs du Golan a à voir avec la perspective d’un effondrement des amis « likoudistes » de Trump aux législatives du 9 avril. Reconnaissons que Netanyahu n’a plus rien à défendre en termes de bilan depuis que la Cisjordanie a elle aussi basculé de concert avec Gaza dans la lutte armée contre l’occupation. Il y a peut-être un peu de cela, mais ce n’est pas tout : le caractère quasi paniqué de l’annonce et le froid accueil que les milieux israéliens (à part le Likoud) lui ont réservé prouvent que tout ne va pas pour le mieux et qu’Israël sait parfaitement qu’avec l’armée syrienne et son allié russe déjà déployés au Golan, qui en plus est limitrophe du sud du Liban et donc du Hezbollah, toute annexion est militairement impossible à moins qu’il y ait une grande guerre, ce à quoi l’Amérique de Trump rechigne.
Alors pourquoi cette annonce ?
Certains analystes politiques y voient le contrecoup d’un plan que les stratèges du Pentagone, si futés soient-ils, viennent tout juste de saisir et d’en réaliser les impacts.
Alors que la ville de Baghouz, le soi-disant dernier réduit de Daech en Syrie, est sur le point de tomber sous les bombes US, le chef d’état-major iranien Mohammad Baqeri, le ministre syrien de la Défense Ali Abdullah Ayyoub et le chef d’état-major irakien Othman al-Ghanmi, se sont retrouvés cette semaine à Damas, la capitale syrienne. Dans quel objectif ? Sceller la réouverture des frontières entre l’Irak et la Syrie.
La visite du général Baqeri à Abou Kamal, sous l’œil impuissant des drones et des avions US, a dû sans doute réveiller les généraux américains. Car les points de passage d’Abou Kamal (Syrie) et de Qaïm (Irak) étant rétablis, les ressortissants iraniens et irakiens, tout comme les marchandises, pourront passer très facilement en Syrie, et ce, en toute sécurité.
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Israël pourra bombarder tant qu’il veut l’aéroport de Damas, plus aucun obstacle ne s’opposera au réapprovisionnement de l’armée syrienne en missiles de précision et autres équipements militaires nécessaires pour reconstituer sa force de défense. Avec l’ouverture d’un nouveau point de passage frontalier entre l’Irak et la Syrie, la présence US au point de passage d’al-Tanf perdra aussi toute son importance stratégique. Et si les États-Unis essaient de faire pression sur l’Irak pour que le pays cesse de commercer avec l’Iran ou la Syrie, Bagdad demandera le départ des forces de Trump de Mésopotamie. L’annonce d’une « judaïsation » du Golan occupé sera-t-elle à même de changer la donne? Bien sûr que non.
Le réveil des généraux américains est bien douloureux et il le sera encore plus quand ils verront l’armée israélienne avoir à mener une guerre sur un quatrième front, en plus du front nord, du front sud et du front intérieur : le front des Druzes, qui manifestent déjà depuis des mois leur souhait de revenir dans le giron syrien.