Les députés français ont adopté dans la soirée du 5 décembre la suspension de la réforme des retraites portée par Élisabeth Borne, inscrite à l’article 45 bis du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026. Ce hiatus a recueilli une large majorité, mais la question centrale du financement demeure sans réponse.
Les députés de l’Assemblée nationale française ont adopté, le 5 décembre, la suspension de la réforme des retraites prévue à l’article 45 bis du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Le texte a été voté par 162 parlementaires, contre 75 oppositions, sur 237 suffrages exprimés pour 283 votants.
Le scrutin est intervenu plus tôt que prévu dans la soirée. À l’ouverture de la séance publique de 21h30, le ministre chargé des Relations avec le Parlement a demandé l’examen prioritaire de cette disposition, très attendue par la gauche, accélérant ainsi le calendrier des débats.
Une suspension déjà votée… puis supprimée
Ce vote n’est pas une première. En première lecture, l’Assemblée nationale avait déjà adopté la suspension de la réforme des retraites, avant que le Sénat ne supprime cette mesure. Lors de la seconde lecture, les députés ont donc dû réintroduire la disposition dans le texte transmis par la chambre haute.
La suspension de la réforme dite « Borne » a été remise sur la table via des amendements déposés par plusieurs groupes politiques : le gouvernement, Les Républicains, le parti socialiste, le Rassemblement national et le groupe Liot.
Concrètement, la suspension gèle jusqu’au 1er janvier 2028 l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et 9 mois, ainsi que le nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une pension à taux plein, fixé à 170 trimestres. Ce gel maintient donc les règles actuelles pour plusieurs générations, retardant l’application progressive du relèvement de l’âge légal à 64 ans et de la durée de cotisation à 172 trimestres.
Un coût identifié… mais une équation budgétaire instable
En introduisant cette suspension par lettre rectificative au PLFSS, le gouvernement avait évalué son coût à 100 millions d’euros en 2026, puis à 1,4 milliard d’euros en 2027. Pour compenser cette dépense, l’exécutif envisageait initialement deux leviers : une rallonge de 100 millions d’euros sur la surtaxe exceptionnelle visant les complémentaires santé, et le gel des pensions de retraite.
Mais dès la première lecture à l’Assemblée, ce schéma a été profondément modifié. Les députés ont supprimé la rallonge de 100 millions d’euros sur les mutuelles et assurances santé, estimant qu’elles n’avaient pas à financer la suspension de la réforme au détriment des cotisations des assurés. Ils ont également rejeté le gel des pensions de retraite.
Pour équilibrer la mesure, les parlementaires avaient alors introduit une hausse du taux de CSG sur les revenus du capital, avec un rendement estimé à 2,8 milliards d’euros, jugé suffisant pour couvrir le coût de la mise en pause.
Le Sénat défait, l’Assemblée ajuste
Au Sénat, le dispositif a été largement remanié. Les sénateurs ont rétabli la surtaxe exceptionnelle d’un milliard d’euros sur les complémentaires santé, mais sans y adosser les 100 millions d’euros destinés à financer la suspension. Surtout, ils ont supprimé l’article 45 bis, refusant tout hiatus de la réforme des retraites.
De retour à l’Assemblée pour la seconde lecture, l’équation budgétaire a de nouveau évolué. Les députés ont validé la surtaxe exceptionnelle d’un milliard d’euros sur les complémentaires santé, telle que réintroduite par le Sénat, mais ont définitivement écarté les 100 millions d’euros initialement prévus pour financer la suspension en 2026.
Une CSG revue à la baisse, des recettes affectées ailleurs
Concernant la CSG sur les revenus du capital, le gouvernement est parvenu à infléchir la position de la majorité parlementaire. Alors que les députés envisageaient de rétablir la hausse de 1,4 point votée en première lecture, un compromis a été trouvé autour d’un amendement gouvernemental.
Présenté comme visant à « sécuriser des recettes » tout en évitant un impact sur les classes moyennes, ce dispositif ne générerait plus que 1,5 milliard d’euros, contre 2,8 milliards initialement attendus. Problème : ces recettes supplémentaires sont affectées à la branche autonomie, et non à celle des retraites.
Le gel des pensions rejeté, le flou persiste
Dernier élément venu compliquer l’équation : juste avant d’adopter la suspension de la réforme des retraites, les députés ont rejeté, tous bancs confondus, les amendements prévoyant le gel des pensions de retraite et des prestations sociales, inscrits à l’article 44 du PLFSS.
Or ce gel constituait l’un des principaux leviers de financement envisagés dans la version initiale du texte gouvernemental. En l’absence de cette mesure et de recettes dédiées clairement identifiées, la suspension de la réforme devra donc être financée en piochant dans d’autres économies ou recettes du PLFSS.