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Comment les sanctions de la CEDEAO contre le Mali ont échoué ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Comment les sanctions de la CEDEAO contre le Mali ont échoué ?

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

En réaction au coup d’État au Niger, quinze pays de la CEDEAO ont décidé de le sanctionner et ont agité la menace d’un « recours à la force ». Pourtant, les sanctions imposées précédemment par la CEDEAO et l’UEMOA au Mali n’ont pas affaibli le pays comme leurs instigateurs le souhaitaient ; elles ont au contraire contribué à redéployer l’économie malienne.

Dans un monde fracturé par la guerre et les turbulences géopolitiques, les nouveaux dirigeants du Mali, qui ont rompu les relations avec la France, ancienne puissance coloniale, ont en effet trouvé de nouveaux relais économiques. Il serait intéressant de se pencher sur les forces et les faiblesses du Mali au moment où il entame une impressionnante mutation géopolitique et se transforme en un modèle économique dans la région du Sahel.

Des sanctions illégitimes et illégales contre le Mali

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, CEDEAO, avait imposé en janvier 2022, de lourdes sanctions contre le Mali, au motif  que les Autorités ne pouvaient pas respecter la date limite de février 2022 pour les élections visant au retour des civils au pouvoir. Dans une volonté manifeste de nuire au Mali, la CEDEAO avait décidé, le 9 janvier 2022, un embargo drastique contre le Mali : gel de ses avoirs au sein de la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, BCEAO, fermeture des frontières avec les Etats membres de l’organisation, suspension de toutes les transactions, à l’exception des produits médicaux et pharmaceutiques. Elle a décidé en plus le retrait de Bamako des ambassadeurs de tous les pays membres, comme pour rompre tout compte afin d’asphyxier le Mali au plus vite. Selon les dirigeants maliens, par ces sanctions, la CEDEAO cherchait deux choses : une mise à genoux rapide du gouvernement malien et favoriser une grogne sociale et, par ricochet, un autre coup d’Etat militaire.

Autant de mesures radicales prises par les dirigeants de la CEDEAO, qui n’ont pas manqué de faire l’amer constat de l’échec de la transition malienne, dont la mission première était d’organiser, dans le délai de six mois qui lui était assigné, des élections ouvertes qui devaient déboucher sur la passation du pouvoir aux civils.

Depuis, bien que l’illégalité et l’illégitimité des sanctions aient été unanimement reconnues par tous, l’organisation sous régionale, manipulée à l’évidence par Emmanuel Macron, le président français, s’est obstinée à continuer ses actions coercitives voire oppressives contre le Mali et les Maliens durant sept longs mois. La levée des sanctions le 3 juillet 2022, loin de relever d’une approche généreuse, a été imposée par les effets pervers subis par les autres pays qui recevaient de plus en plus les affres de l’embargo infligé au Mali comme un boomerang sur leurs faces économique et sociale.

La CEDEAO, en adoptant des sanctions injustes contre le Mali et son peuple, aux antipodes de son propre Traité et des textes de l’ONU, a montré son vrai visage. Des sanctions synonymes d’agressions contre un pays déjà en situation d’agression depuis une décennie par des terroristes soutenus par des puissances étrangères bien identifiées, au point de perdre le contrôle des deux tiers de son territoire national. Agressions sur agressions : économiques, sociales, politiques, monétaires, tueries en masse. L’objectif était bien clair : faire plier les autorités de la Transition malienne.

Levée des sanctions contre le Mali : échec et mat pour la CEDEAO et Macron

Les Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO réunis en session ordinaire ont décidé en juillet 2022, comme l’on pouvait s’y attendre, de lever immédiatement les sanctions économiques et financières imposées au Mali.

L'Organisation ouest-africaine a également ordonné la réouverture des frontières et le retour des ambassadeurs des Etats membres rappelés après l'annonce des sanctions début 2022.

Les autorités de la Transition malienne, tout comme de nombreux observateurs de par le monde avaient vigoureusement dénoncé que les sanctions de la CEDEAO avaient été, non pas influencées, mais dictées par Macron, depuis l’Elysée.

Plusieurs voix s’étaient levées pour condamner l’attitude de la CEDEAO qui avait semblé répondre aux ordres de Macron en imposant les sanctions au Mali. Cependant, malgré les nombreuses pressions étrangères pour diaboliser les Autorités et les attaques directes lancées par certains dirigeants ouest africains, le gouvernement de transition a survécu à la tornade avec le soutien d’une grande partie du peuple malien et des peuples africains.

La CEDEAO a ainsi  échoué dans sa stratégie de pression contre le Mali. L’échec est d’autant plus fort pour l’organisation sous régionale que le Mali a fait preuve de résilience et sert d’exemple à d’autres pays pour le recouvrement de leur souveraineté  pleine et entière.

En plus, si les sanctions contre le Mali n’étaient pas levées, le dimanche 3 juillet 2022, tous les pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) allaient connaître des tensions sociales.

Les sanctions contribuent paradoxalement à redéployer l’économie du Mali

Martin Griffiths, le Britannique qui gouverne l’OCHA, l’Office des Nations unies pour les affaires humanitaires, annonçait une catastrophe avec la fin de l’accord de la Mer Noire pour les exportations de céréales ukrainiennes. Ce serait l’Afrique au premier chef qui en pâtirait, le Sahel bien sûr et le Mali en particulier.

Mais il semble qu’en dépit des sombres prédictions formulées pour cette nation sahélienne, elle parvienne à maintenir des soutiens extérieurs au fur et à mesure que ses orientations l’incitent à la diversification des partenaires. Si la France, tiède en matière d’assistance au Mali depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, a complètement interrompu l’aide publique au développement en 2022, la Russie a envoyé une cargaison de 50 000 tonnes de céréales en juin 2022. En 2023, ce sont 25 000 tonnes qui sont arrivées. Ces livraisons sont d’autant plus importantes que les grains russes sont cédés à 220 dollars la tonne contre 292 dollars pour les fournisseurs européens.

A vrai dire, les sanctions de la CEDEAO contre le Mali n’ont pas affaibli le pays comme leurs instigateurs le souhaitaient. Elles ont certes accru les inégalités, mais le Mali demeure le pays de la région qui connaît les plus faibles écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres.

Ainsi, 80 % des recettes budgétaires sont consacrées aux dépenses de sécurité, de salaires des fonctionnaires et de paiement des intérêts, selon le Fonds monétaire international (FMI). En effet, la part des dépenses publiques dans le PIB ne cesse d’augmenter tandis que celui-ci enregistre une croissance appréciable sans intensification de l’appui extérieur. Malgré le contexte difficile et les multiples chocs internationaux qui l’ont frappée depuis 2020, l’économie malienne s’est quand même montrée résiliente.

D’après le FMI, la croissance économique du pays a été supérieure à 3 % en 2021 et à 3,7 % en 2022. De plus, les perspectives à court terme restent positives, avec une croissance du PIB réel attendue à plus de 5 % en 2023 et 2024. Celle-ci devrait être soutenue par une robuste production agricole et aurifère, malgré la persistance des risques baissiers liés à la sécurité, à la volatilité des prix internationaux des matières premières, le resserrement des conditions financières mondiales et les risques liés au climat.

Contre toute attente peut-être, l'économie malienne a montré des signes de résilience malgré les sanctions de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et l'inflation alimentaire élevée.

Pour les économistes, cette résilience de l’économie malienne s’explique par l’ingéniosité de ces dirigeants. Ils estiment que les secteurs pourvoyeurs de ressources tels que l’agriculture, l’or ont contribué à rendre cette économie plus résiliente.

 

Ghorban-Ali Khodabandeh est journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV