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Pourquoi les régimes occidentaux, les médias et les ONG n'ont pas condamné l'attaque terroriste de Chiraz ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Iran

Par Ivan Kesic

Dimanche, un terroriste lourdement armé a tiré au sanctuaire sacré de Shah Cheragh dans la ville de Chiraz, dans le sud de l'Iran, tuant au moins deux personnes et en blessant plusieurs autres.

L'attaque terroriste a été condamnée par de nombreux pays, dont l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Irak, le Pakistan, la Turquie, la Russie, la Syrie, le Venezuela et certains États du Conseil de coopération du golfe Persique (CCGP).

Mais de nombreux pays occidentaux, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni, ont poursuivi leur position hypocrite sur le terrorisme – appliquant l'absurde binarité du « bon » et du « mauvais » terrorisme.

Le ministre iranien de l'Intérieur, Ahmad Vahidi, a condamné, un jour après l'attaque terroriste, les organisations internationales et les pays qui se posent en porte-étendard des droits de l'homme pour avoir observé le silence sur cet attentat terroriste.

« Le silence des organismes internationaux et des pays qui prétendent défendre les droits de l'homme encourage de tels actes terroristes », a-t-il dénoncé. Et de poursuivre :

« L'année dernière, nous avons été témoins d'un attentat similaire dans le sanctuaire sacré, où un groupe de nos compatriotes a été tué. Toutes les instances internationales et les pays qui se posent en porte-étendard des droits de l'homme ont observé le silence, ce qui encourage de tels actes terroristes ».

Le même jour, l'ambassadeur britannique à Téhéran a exprimé ses sympathies sur Twitter pour ce qu'il a qualifié d’« incident ». Comme s'il s'agissait d'un accident de la route ou d'une chute du toit.

Il a sciemment évité la connotation « terroriste » car les assaillants étaient de « bons » terroristes.

Les internautes iraniens du réseau social X dont l'ambassadeur d'Iran en Azerbaïdjan, Seyyed Abbas Moussavi l'ont dénoncé pour manque de sincérité et l’hypocrisie.

« Alors que vous appelez les attaques au couteau de "terrorisme" à Londres, vous fermez les yeux sur le vrai terrorisme », a-t-il écrit en réponse à la mesure adoptée par l’ambassadeur britannique. « N'oubliez pas non plus que sans le courage du martyr (Qassem) Soleimani, vous auriez ramassé des corps dans les rues de Londres tous les jours. »

La réaction de l'ambassadeur britannique n'est pas une omission négligente, mais fait partie de la terminologie officielle qui est soigneusement utilisée pour les attaques terroristes en fonction du lieu, du contexte et surtout des intérêts.

Dans sa couverture de l'attaque abjecte contre le sanctuaire de Shah Cheragh, en août de l’année en cours et en octobre de l’an dernier, la chaîne d'information BBC a mis le terrorisme entre guillemets, le qualifiant de « revendication » du gouvernement iranien comme s'il n'y avait pas de définition claire du terrorisme en tant qu’attaque contre des civils dans le but de semer la panique.

Pour la BBC et d'autres médias occidentaux, même le takfirisme est censé être un terme iranien, bien qu'il existe depuis longtemps en tant que terme scientifique qui réduit l'extrémisme idéologique de Daech à son noyau.

Au lieu de cela, la BBC insiste sur le préfixe sunnite pour les auteurs, donc dans ses rapports, le réseau a préféré l'usage de termes tels que « groupe djihadiste sunnite », « militants musulmans sunnites » et « sunnites radicaux ».

On retrouve une terminologie et une rhétorique identiques dans les médias gouvernementaux américains tels que Voice of America (VOA), Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) avec sa filiale Radio Farda, etc.

Les deux attentats terroristes à Chiraz en l'espace d'un an n'ont même pas été mentionnés par les réseaux de propagande du soft power opérant sous le couvert des droits de l'homme, comme l'« américain » Human Rights Watch (HRW) et le « britannique » Amnesty International.

Les deux organisations ont tendance à condamner les attentats lorsque la condamnation est en faveur des politiques de Washington et de Londres, mais lorsque ce n'est pas le cas, elles ont tendance à l'ignorer.

Traditionnellement, comme nous l'avons vu, les réactions de ces deux groupes ne surviendront que lorsque les tribunaux iraniens condamneront les auteurs de terrorisme, après quoi ils publieront des histoires clichées sur des procès inéquitables, des sanctions sévères et des violations des droits de l'homme.

Les racines de ces manipulations terminologiques remontent à 2001 lorsqu'un récit officiel sur le terrorisme avec un préfixe islamique a été formé pour les besoins de l'interventionnisme anglo-américain.

Pour tous les attentats commis par les terroristes takfiris, les épithètes privilégiées étaient « islamiste », ou « musulman », souvent accompagnées d'« extrémiste » ou de « radical » en raison d'une apparente neutralité.

Avec une telle propagande médiatique destinée aux masses ignorantes et à la manipulation de l'opinion publique, le soutien « démocratique » à l'agression militaire en Asie occidentale était facilement obtenu, et l'islamophobie rampante était un effet secondaire.

Il n'est évidemment pas dans l'intérêt du récit officiel anglo-américain d'utiliser un terme plus précis et spécifique qui ramène le problème à l'idéologie takfiri mais privilégie un terme religieux général qui généralise directement ou subtilement deux milliards de musulmans.

D'autre part, en construisant cette perception d'un monde binaire simplifié, une image de soi a été créée en tant que victime du terrorisme, et c'est pourquoi divers attentats en Occident, quels qu'en soient les motifs, sont indistinctement qualifiés de terroristes.

Toujours aux fins de la politique anglo-américaine, un autre récit médiatique a été créé sur le prétendu « conflit sunnite-chiite », qui a été intensivement utilisé pendant la guerre contre Daech en Irak et en Syrie, en particulier par HRW et ses organisations sœurs.

Des échos de ce récit sont visibles dans la couverture médiatique anglo-américaine des attentats terroristes à Chiraz, qui soulignent que le sanctuaire est chiite et que les auteurs sont « sunnites », une vile tentative de semer la discorde entre les deux convictions et la haine anti-sunnite, semblable à l'islamophobie en Occident.

Chose intéressante, de tels préfixes sunnites pour les terroristes de Daech ne sont jamais utilisés lorsqu'il s'agit d'attaques dans le monde occidental, mais exclusivement le préfixe islamique.

En d'autres termes, Washington et Londres présentent subtilement le terrorisme takfiri en Occident comme une conspiration islamique, et le même terrorisme takfiri dans la région de l'Asie de l’Ouest comme un conflit sectaire.

S'ils appellent ce terrorisme par son vrai nom, ainsi que s'ils qualifient les attentats en Iran de terroristes, la perception soigneusement construite de deux blocs mondiaux - l'un en tant que victime du terrorisme et l'autre en tant que fabricant de terroristes, s'effondrerait.

 

Ivan Kesic est un journaliste et chercheur indépendant spécialisé dans les affaires de l'Asie de l'Ouest.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV