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L'hypocrisie flagrante de l’Occident sur la liberté des médias

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Shabbir Rizvi

Les dernières semaines, on a été témoin de changements spectaculaires dans l'alignement géopolitique en Afrique, en particulier au Niger.

Le ressentiment croissant face à l'ingérence occidentale a conduit au renversement du président pro-occidental Mohamed Bazoum et à l’arrivée au pouvoir d’une junte militaire.

Mais ce n'est pas tout. Le sentiment anti-occidental a grandi avec des manifestants brûlant des drapeaux français et scandant des slogans devant l'ambassade de France à Niamey, la capitale du Niger.

L'Occident a condamné la prise de contrôle du pays par la junte. Pendant des siècles, la France a maintenu un contrôle colonial sur des pays comme le Niger. Une grande quantité de ressources sont extraites de ce pays enclavé d'Afrique de l'Ouest et amenées en France, alimentant son économie tout en maintenant la stagnation du Niger.

La junte militaire a désormais interdit l’exportation de ces précieuses ressources vers la France. La France est naturellement furieuse - l'UE subit déjà un revers économique majeur en raison de son insistance obstinée à laisser traîner la guerre en Ukraine, en jetant des milliards de dollars dans des armes.

Aujourd'hui, elle doit faire face à la charge supplémentaire de maintenir ses industries en crise - un aveu flagrant des pratiques coloniales du pays à ce jour.

Alors que le Niger interdit l'exportation de ressources naturelles clés comme l'uranium vers la France, les médias français et occidentaux se tournent vers Internet et les ondes pour salir la junte.

Le sentiment anti-occidental est en ébullition après des décennies d'abus occidentaux et d'hyper-exploitation des pays africains. C'est un phénomène complètement organique, et donc l'Occident devra utiliser ses appareils médiatiques pour contrer et étouffer les ressentiments.

Les médias occidentaux ont lancé une campagne agressive pour accomplir cette tâche. Répétant les récits des régimes occidentaux, des médias français tels que France 24 et Radio France Internationale (RFI) ont condamné la junte tout en utilisant des tactiques alarmistes pour attirer le soutien à l'intervention occidentale.

Ils ont également cherché à réaffirmer leur soutien aux structures coloniales françaises et étrangères au Niger - tout en menaçant ceux qui souhaitaient briser les chaînes du colonialisme par une intervention militaire.

En réponse, la direction de la junte au Niger a décidé d'interdire les médias français hostiles. Les responsables français ont fustigé cette décision : « La France réaffirme son engagement constant et déterminé en faveur de la liberté de la presse, de la liberté d'expression et de la protection des journalistes », a annoncé le ministère français des Affaires étrangères.

Un porte-parole de l'Union européenne a dit pour sa part que « cette mesure constitue une grave violation du droit à l'information et de la liberté d'expression ». « L'UE condamne fermement ces violations des libertés fondamentales. »

Ces déclarations pourraient à vrai dire devenir une sorte de livre apprenant à comment être hypocrite. Maintes et maintes fois, l'UE et le collectif occidental ont déclenché des campagnes de censure de masse, interdisant des médias et arrêtant des journalistes.

Ce n'est que l'année dernière que l'UE a carrément interdit les agences de presse russes RT et Sputnik.

Les fournisseurs de satellites de l'Union européenne ont également collaboré directement à des campagnes de censure des médias.

Cela fait moins d'un an que la société française de satellites Eutelsat a retiré Press TV des ondes. Les pays occidentaux permettent effrontément aux médias qui affirment leurs propres objectifs impérialistes de rester en ondes et sans censure. Cela inclut les médias qui promeuvent l'ingérence et la violence des étrangers dans d’autres pays.

La chaîne « Iran International » - qui bénéficie d'un financement important de l'Arabie saoudite - a joué un rôle important dans la mobilisation du soutien occidental lors des émeutes ratées soutenues par l'étranger en Iran l'année dernière.

Basé à Washington DC, le média a poussé des récits anti-iraniens, rapportant des informations trompeuses, notamment détournées de leurs contextes. Il s'agit d'un outil de propagande ouvert créé spécifiquement pour attaquer un pays souverain.

Cependant, il est accueilli par l'Occident à bras ouverts. Pas une seule sanction n'a été prononcée à son encontre.

Si un média rend service aux États-Unis et à l'UE, il sera autorisé à fonctionner sans aucun obstacle. Si vous critiquez les objectifs de l'empire de quelque manière que ce soit, vous pouvez être sanctionné, banni, censuré, labellisé « média d'État ».

Votre site Web même peut être entièrement saisi, comme cela a été le cas avec Press TV.

Pour le crime de journalisme en Occident, vous pouvez être enfermé dans des conditions horribles, menaçantes pour votre survie.

L'Occident semble avoir complètement oublié comment il a traité avec Julian Assange qui a dénoncé les crimes de guerre des États-Unis, comment il l’a sali et mis en isolement ?

Si vous êtes aligné sur les objectifs de l'Empire américain, vous pouvez même vous en tirer en tuant des journalistes - et les responsables occidentaux essaieront de rendre inaperçu l’événement.

Lorsque les forces d'occupation israéliennes ont délibérément assassiné la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, les États-Unis ont traîné des pieds pour publier une déclaration, affirmant finalement qu'ils ne peuvent pas dire avec certitude comment la mort par balle s'était produite - bien que toutes les preuves disaient qu'elle avait été prise pour cible par des soldats du régime.

Et qui peut oublier Jamal Khashoggi, un journaliste américain qui a effectivement rendu service à l'Occident – seulement parce qu'il a provoqué la colère de l'Arabie saoudite, il a été torturé, assassiné et démembré sur les ordres du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS).

Au lieu d'exiger une explication ou même de condamner l'acte, les États-Unis ont accordé au dirigeant saoudien l'immunité face à ce meurtre.

La « liberté de la presse » est une parodie en Occident. Une blague sans punchline (Phrase choc, ndlr). La liberté de la presse dans l'UE et aux États-Unis n'existe pas - pas vraiment.

À travers des failles, des transactions obscures et une hypocrisie pure et simple, les régimes occidentaux ont toujours le dernier mot sur ce que les médias peuvent opérer et ce qu’ils ne peuvent.

Cela se résume au simple objectif de faire avancer ses propres intérêts.

Sachant cela, il ne faut pas s'étonner que le Niger ait interdit les médias coloniaux français. Leur fonction spécifique est de porter les intérêts de la France à l'étranger. Leur objectif n'est pas de faire du journalisme honnête et objectif ou de poser des questions difficiles. Leur but est de maintenir et de pousser l'opinion publique sur leur propre régime. Une classification plus honnête de leur travail serait la sténographie de régime.

La France et le reste de l'UE peuvent condamner les actions du Niger autant qu'ils le veulent, mais ils ont finalement créé un précédent en interdisant les médias.

L'Occident ira jusqu'à tuer des journalistes, puis il pointera du doigt de cette même main ensanglantée les pays qui refusent de lui donner la tribune.

En fin de compte, le monde peut s'attendre à plus de doubles standards de la part de l'Occident.

La question qui se pose est la suivante : si le rôle des médias occidentaux est de mener à bien leurs missions impérialistes plutôt que de questionner et de rapporter, alors pourquoi quiconque devrait permettre à des médias hostiles d'opérer dans son pays ?

 

Shabbir Rizvi est un analyste politique basé à Chicago, spécialisé dans la sécurité intérieure et la politique étrangère des États-Unis.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV