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Zoom Afrique du 3 mars 2023

Les titres de la rédaction :

  • Nigeria : Bola Tinubu élu président du pays le plus peuplé d'Afrique
  • South African Airways prévoit de doubler sa flotte en 2023
  • Coopération : la Namibie et la Zambie relancent leur Comité conjoint du commerce et de l'investissement
  • Ouganda : le gouvernement prévoit une accélération de la croissance au cours des exercices 2022/23 et 2023/24

Les analyses de la rédaction :

Mali-ONU: Bamako enchaine !

Dans une note adressée le mercredi 1er mars 2023 au président du Conseil de sécurité des Nations unies, l'ambassadeur du Mozambique, Pedro Comissario Afonso, le gouvernement malien a annoncé sa décision de rejeter officiellement le statut de porte-parole de la France sur les questions concernant le Mali. Si cette décision est acceptée, la France ne pourra plus rédiger de résolutions et de déclarations concernant le Mali dans cet organe de l'ONU. 

Cette décision s'ajoute à d'autres que les autorités maliennes ont portées devant le Conseil de sécurité des Nations unies pour protester contre la France. Il s'agit notamment des saisines de cet organe les 12 janvier et 26 avril 2022, dans lesquelles les autorités maliennes ont fait état "d'actes hostiles, notamment la violation de son espace aérien par des aéronefs des forces françaises". Bamako avait également déposé une plainte auprès du Conseil de sécurité le 15 août, accusant Paris de se livrer à des "actes d'agression, de violation de l'espace aérien, de subversion et de déstabilisation". Le Mali est allé encore plus loin en demandant au Conseil de sécurité de tenir une réunion spéciale pour exposer les preuves du soutien de la France aux terroristes. 

"En attendant la réunion spéciale du Conseil de sécurité demandée par le Mali, le gouvernement [...] rejette officiellement le statut de porte-plume de la France sur toutes les questions examinées par le Conseil de sécurité qui le concernent", a déclaré le ministre malien des Affaires étrangères. 
La France porte la plume sur toutes les questions concernant le Mali au Conseil de sécurité depuis décembre 2012, lorsque la situation dans ce pays d'Afrique de l'Ouest était à l'ordre du jour du Conseil. 

Un diplomate a déclaré que tout membre du Conseil de sécurité de l'ONU, qu'il soit permanent ou non, peut demander la tenue de cette réunion spéciale. Cependant, jusqu'à présent, aucun membre permanent, même ceux qui sont censés soutenir les autorités maliennes, comme la Russie et la Chine, n'ont demandé la réunion. Il en va de même pour les dix membres non permanents, dont trois sont des États africains, à savoir le Gabon, le Ghana et le Mozambique. 

Après la France à l'ONU, c'est au tour de l'accord d'Alger et surtout de ceux qui sont censés être les garants de cet accord, comme l'ONU, d'être remis en cause. Les avertissements de Bamako continuent. 

Le communiqué signé le 24 février met en évidence les violations qui empêchent la sérénité nécessaire à un retour à l'ordre constitutionnel. Le document indique également que "tout sera mis en œuvre pour assurer la sécurité totale du Mali". 

Le document adressé à Ramtane Lamamra, le chef de la médiation algérienne, fait état de plusieurs violations de l'accord de paix par les mouvements signataires. Il s'agit notamment de l'installation de quartiers généraux, de la réouverture de postes de sécurité dans les régions de Kidal, Gao, Menaka et Tombouctou, de la délivrance illégale d'autorisations de voyage vers des sites d'orpaillage, de l'occupation d'Annefis et de l'opérationnalisation d'un tribunal islamique à Kidal. 

Le communiqué fait également référence à la collusion de plus en plus évidente des mouvements armés signataires de l'accord de paix avec des groupes terroristes. 

La lettre souligne que la médiation internationale n'a absolument pas condamné ces violations et que "les auteurs n'ont jamais été rappelés à l'ordre". Le gouvernement indique que, par ailleurs, les structures chargées d'accompagner la mise en œuvre de l'accord "n'ont jamais répondu aux attentes". 

Le communiqué précise qu'il s'agit de la Minusma, de l'observatoire indépendant et du groupe international d'experts. 

Et oui, Bamako ne laisse plus rien passer et n'hésite plus à dénoncer les tromperies que ce soit à l'ONU ou ailleurs. Cet accord d'Alger, que la majorité des Maliens contestent, non pas parce qu'ils sont contre la paix, mais parce que cet accord a été totalement fait sous l'égide de la France et contient donc trop de clauses contre la souveraineté du Mali, continue de faire partie du processus de sécurisation du territoire malien. 

Aujourd'hui, pour marcher avec un pays comme le Mali, il faut marcher droit.

Burkina: quels sont ces fameux accords signés avec la France? 

Ouagadougou a exigé le départ de tous les soldats français présents au Burkina Faso et dénoncé un accord de coopération militaire avec la France signé en 1961. 

C'est la fin d'un accord vieux de plus de soixante ans. Dans un communiqué de presse, le ministère des Affaires étrangères du Burkina Faso exige "le départ définitif de tous les militaires français en poste" au Burkina Faso dans un délai d'un mois. Cet ultimatum ressemble beaucoup à l'exigence de Bamako concernant le départ des soldats de l'opération Sabre. Mais il s'agit en réalité de dénoncer un autre accord, signé entre la France et le Burkina Faso - qui s'appelait alors Haute-Volta - le 24 avril 1961. 

Ce jour-là, un "accord d'assistance technique militaire" est signé entre les deux pays, alors que la Haute-Volta a acquis son indépendance un an plus tôt. Le document prévoit la présence de coopérants français dans plusieurs secteurs - défense, sécurité et protection civile - au Burkina Faso. Une sorte de transfert de compétences qui dure depuis six décennies et qui prévoit un soutien financier, matériel et humain à l'armée du pays d'Afrique de l'Ouest. 

La France a signé plusieurs accords de ce type en Afrique. Appelés "accords franco-africains de défense et d'assistance technique militaire (AMT)", ils ont été signés au moment de l'indépendance, entre le 22 juin 1960 et le 19 juin 1961 - en 1963 pour le Togo. Ils " constituent le réseau le plus solide et consacrent sur le terrain la notion, encore très abstraite, de coopération ", écrit le chercheur Camille Evrard. L'enjeu, entre autres, est d'obtenir la signature d'accords de coopération militaire dans la foulée des transferts de compétences, afin de maintenir la structure militaire de l'organisation coloniale tardive transformée en Communauté. 

"Dans cette mutation soudaine et précoce qu'a connue la Communauté, l'idée de coopération militaire a remplacé celle de domination de fait qui caractérisait jusqu'alors la position de la France. Le dispositif imaginé pour permettre l'indépendance de l'Afrique tout en conservant des outils d'influence s'appuie sur la loi constitutionnelle du 4 juin 1960, qui prévoit la possibilité pour les États de devenir indépendants tout en signant des accords d'adhésion à la Communauté dite "rénovée", poursuit le chercheur. 

L'argument du Burkina Faso s'inscrit dans la continuité du discours adopté au moment de la demande de départ des soldats de l'opération Sabre : le pays veut retrouver sa souveraineté, notamment en matière de sécurité militaire. Ce n'est pas nouveau : dans les années 1960, plusieurs pays avaient révisé leurs accords militaires avec la France pour retrouver leur souveraineté. A l'époque, Paris avait réussi à maintenir des troupes militaires sur le continent "grâce à des bases négociées, souvent laborieusement", rappelle Camille Evrard. 

Au Mali et à Madagascar, par exemple, la France a signé un accord militaire en juin 1960 qui, comme l'indique un rapport du Sénat français de l'époque, permet aux forces françaises "de circuler librement sur le territoire malien et malgache". En août 1960, le même type d'accord est signé avec le Tchad, la République centrafricaine, le Gabon et le Congo-Brazzaville. 

Le chercheur français précise toutefois qu'"il faut distinguer les accords de défense, qui fixent les conditions d'intervention des forces françaises sur le sol des États signataires, des accords d'AMT, qui prévoient l'aide nécessaire à la mise en place de leurs armées nationales". Chaque ancienne colonie française, après son indépendance, a réussi à négocier des accords différents avec Paris. 

Mais dans tous les cas, les accords, qu'ils soient de défense ou d'assistance militaire technique, stipulent le "devoir d'entraide des deux pays pour préparer et assurer leur défense", mais aussi la possibilité de "faire appel à la France", avec la signature, dans ce cas, d'accords particuliers. En 2022, après la rupture de ces accords, le Mali considère la présence française comme "illégale" et en violation de la souveraineté malienne. Un an plus tard, le Burkina Faso suit également cette ligne. Il est clair que les accords des années 1960 avaient pour but de rendre aux pays africains concernés leur souveraineté en matière de défense. Mais au fil du temps, ces pays ont perdu leur souveraineté et la France a évidemment profité de la situation pour s'imposer sans jamais demander l'avis des pays hôtes. 

La France a toujours agi en Afrique comme si elle était en terre conquise. Mais cette époque est révolue, et les allers-retours du président Macron en Afrique n'y changeront rien.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV