TV
Infos   /   Afrique   /   Zoom Afrique   /   L’INFO EN CONTINU

Zoom Afrique du 30 décembre 2022

Zoom Afrique du 30 décembre 2022

Télécharger 📥

Les titres de la rédaction :

  • Sénégal : mise en service officielle de l’axe routier Tambacounda-Goudiry-Kidira
  • Le Burkina Faso et le Japon s’accordent sur un projet de 8 millions $ pour la construction de centres de santé
  • Somalie : le gouvernement déclare illégales les activités pétrolières de l’Américaine Genel Energy au Somaliland
  • RDC : les autorités annoncent la détection et le démantèlement d’un réseau d’espionnage des services rwandais

Les analyses de la rédaction :

1. Le racisme de Josep Borrell met en évidence l’échec de l’UE à engager l’Afrique 

Lors d’une réunion de la commission du Parlement européen chargée de lutter contre l’ingérence étrangère au début du mois, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, a déclaré que la sincérité du soutien des Africains à la Russie était douteuse puisqu’ils « ne savent pas où se trouve le Donbass ou peut-être ne savent-ils même pas qui est Poutine ». Cela souligne non seulement la frustration de l’Europe face à la position de l’Afrique sur la Russie au cours de 2022, mais aussi l’attitude raciste et condescendante profondément ancrée des Européens envers les Africains. 

À en juger par ses apparitions publiques, on constate que l’actuel chef de la diplomatie de l’UE fait plus souvent référence à la « question africaine » que ses prédécesseurs. On se souvient que Borrell avait également fait une autre remarque raciste récemment en parlant de l’Europe comme étant un « jardin » au milieu d’une « jungle » mondiale. 

C’est avec beaucoup d’optimisme que le premier sommet Union européenne-Union africaine a été organisé au Caire en 2000. Toutefois, la tenue des sommets suivants est devenue moins fréquente et le cinquième n’a même pas eu lieu avant 2017. Le sixième sommet n’a eu lieu que cette année, cinq ans après le cinquième. Ce n’est que lors du sixième sommet qu’il a été décidé que l’UE investisse 150 milliards d’euros en Afrique, principalement dans les infrastructures, l’éducation et la santé. Ces fonds ne sont certes pas négligeables, mais ils ne font pas non plus époque face à la domination économique quasi inégalée de la Chine sur le continent. 

Fin 2021, Pékin a publié le livre blanc « La coopération Chine-Afrique dans une nouvelle ère », qui contient des données sur la construction de plus de 10 000 kilomètres de voies ferrées, 100 000 kilomètres de routes, près de 1000 ponts, 100 ports, 150 000 kilomètres de réseaux de communication, et bien plus encore. En outre, le plan chinois comprend un « corridor équatorial » stratégique, un chemin de fer qui reliera l’océan Indien à l’Atlantique – de Dar es Salaam en Tanzanie, à l’est, à Port Lobito en Angola, à l’ouest. 

Par conséquent, bien que les 150 milliards d’euros promis par l’UE soient considérables, il ne s’agit que d’un petit investissement si le bloc veut rattraper la Chine. 

En outre, bien que Borrell puisse penser que l’Afrique est naïve en matière d’affaires mondiales, les Africains n’ignorent pas que l’intérêt récent de l’UE pour leur continent est motivé par des considérations géopolitiques égoïstes — empêcher la croissance de l’influence chinoise et isoler davantage la Russie. 

Pour une raison étrange, l’UE a été surprise que les États africains ne veuillent absolument pas suivre la voie de l’Occident en rompant leurs relations avec Moscou à cause de la crise ukrainienne. En effet, pas un seul pays africain n’a imposé de sanctions à la Russie malgré la pression de l’Occident. Cette situation est particulièrement frustrante pour l’Europe. 

L’Europe a cru à tort que la position de l’Afrique vis-à-vis de la Chine pouvait s’expliquer par des facteurs économiques. Cela a conduit à la fausse croyance que si les investissements en Afrique s’intensifiaient, le continent se détournerait de la Chine et se rapprocherait de l’Europe. Cependant, comme la Russie n’a pas une présence économique aussi profonde en Afrique que la Chine, cela démonte la croyance européenne selon laquelle l’Afrique pourrait se retourner contre la Chine par la coercition économique. 

Cet échec devrait obliger les Européens à réfléchir en profondeur à ce qu’ils n’aiment pas faire, car ils nient le fait que la suprématie et l’exceptionnalisme antérieurs de l’Europe ont pris fin et ne sont plus tolérés par le reste du monde, notamment dans les anciennes colonies. 

C’est également pour cette raison que le président russe Vladimir Poutine, en réponse à Borrell, a fait remarquer que si l’Occident savait où se trouvait l’Afrique et quelle était la condition de ses habitants, alors « il n’interviendrait pas dans l’approvisionnement du continent africain en nourriture et en engrais russes, dont dépendent en fin de compte les récoltes dans les pays africains et qui sauvent des centaines de milliers de personnes de la famine ». 

Malgré la conviction de l’UE que le bloc restera un acteur géopolitique clé en Afrique, le continent a décidément pris une voie différente, en promouvant, et en renforçant ses liens avec la Chine, la Russie et le format plus large des BRICS. L’Europe a déjà une histoire ternie de colonialisme en Afrique, et plutôt que de se comporter de manière humble envers l’Afrique, en particulier avec les centres de pouvoir émergents comme l’Égypte, elle continue de manière condescendante en faisant allusion au fait que les Africains ne sont pas assez avancés pour comprendre les affaires mondiales. 

Borrell est manifestement frustré par les grandes relations de Moscou avec l’Afrique, sinon il n’aurait pas fait référence tant de fois à l’étendue de la coopération afro-russe. Mais ses remarques racistes et arrogantes à l’égard des Africains, tout en affirmant ensuite qu’il souhaite une coopération, ne changeront pas la réalité, car les liens entre la Russie et l’Afrique datent de plusieurs décennies. Les relations actuelles de Moscou avec l’Afrique sont la continuation directe de son héritage soviétique anti-impérialiste, ce dont la plupart des Africains se souviennent et qu’ils apprécient toujours. 

Les Africains n’oublient pas non plus que, lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, Borrell a prétendu à tort que la Russie menaçait la sécurité alimentaire du continent en rendant impossible l’exportation de céréales depuis les ports de la mer Noire — une explication que les Africains eux-mêmes n’ont pas acceptée de la part du diplomate européen. 

Quoi qu’il en soit, si les Africains sont certainement ouverts à des liens plus étroits avec l’Europe, cela ne se fera certainement pas au prix d’une rupture des liens avec la Russie. C’est une réalité dont l’Europe n’a pas encore pris pleinement conscience et qu’elle ne semble pas près d’oublier. C’est pourquoi Moscou continuera à avoir un avantage sur l’Occident en Afrique en 2023 et au-delà. 

2. RDC : nouveau réseau d’espion rwandais démantelé 

Les autorités congolaises ont affirmé avoir détecté et démantelé un réseau d’espions au service du Rwanda dans la capitale de la République démocratique du Congo, Kinshasa. 

Leurs identités ont été officiellement dévoilées par le vice-ministre de l’Intérieur assisté des porte-paroles de l’Armée et de la Police sur les antennes de la Télévision d’État, mardi. 

Parmi les 4, figurent deux (02) espions rwandais dont l’un est soldat de l’armée rwandaise, mais agissant sous la couverture d’une ONG de développement dénommée « African Health Development Organization » (AHDO). 

« Ces espions avaient non seulement infiltré quelques officiers des Fardc [Forces armées de la RDC], mais aussi des personnalités politiques d’envergure, ainsi que des opérateurs économiques et membres de la société civile », a déclaré le porte-parole de l’armée, Sylvain Ekenge. 

« Le Téléphone crypté du militaire rwandais, après exploitation par les enquêteurs, a révélé que ce dernier a eu accès aux différents sites stratégiques de la capitale, et ce, en complicité avec certains officiers généraux et supérieurs des Fardc », a-t-il ajouté, affirmant que d’autres espions sont recherchés, « d’autant plus que l’ONG sus-évoquée avait ouvert des antennes dans la province du Kwango, Kwilu, Kasaï, Nord-Kivu et Sud-Kivu ». 

« L’acquisition, par ces espions, d’un important patrimoine foncier dans le périmètre de l’aéroport international de N’djili et de la base militaire de Kibomango a laissé entrevoir la préparation d’un plan machiavélique similaire à celui qui a été à la base de l’assassinat de Juvénal Habyarimana (ancien président rwandais) et de son homologue burundais », a pour sa part indiqué le vice-ministre de l’Intérieur Jean-Claude Molipe. 

Il s’agit de Juvenal Biseruka, Moses Mushabe, Remy Sengiyumva et le colonel de l’armée congolaise Mugisha Ruyumbu tous poursuivis pour espionnage, abus de confiance, incitation des militaires et corruption. 

Les autorités ont indiqué que tous les services de sécurité demeurent en « alerte maximale afin de poursuivre, sans relâche, le travail de démantèlement de tous ces réseaux des criminels rwandais qui travaillent visiblement » pour insécuriser la RDC et « déstabiliser ses institutions » démocratiques. 

Le vice-ministre de l’Intérieur a réitéré l’appel à la vigilance et à la défense de la patrie. 

Les autorités rwandaises en froid glacial avec Kinshasa n’ont pas encore commenté ces accusations. 

Depuis plusieurs mois, Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23 qui se sont emparés de larges territoires dans la province du Nord-Kivu. 

Début décembre, le président congolais Félix Tshisekedi avait affirmé que le régime rwandais, avec Paul Kagame à sa tête, « est l’ennemi de la République démocratique du Congo ». 

Sans sa violente diatribe, Tshisekedi avait affirmé que les Rwandais « ont besoin de notre solidarité pour nous débarrasser et débarrasser l’Afrique » de Kagame qu’il considère comme faisant partie « des dirigeants rétrogrades ». 

Après des mois de tensions, les Nations unies ont confirmé les accusations de Kinshasa sur le soutien du Rwanda aux rebelles. 

Kigali continue donc de profiter de la situation pour continuer ses tentatives de déstabilisation de la RDC. À l’heure actuelle, une discussion est-elle encore possible avec Kigali ? 

3. Mali : Bamako ne cède pas face à Abidjan 

Ce 29 décembre débute le procès des 46 soldats ivoiriens emprisonnés au Mali. Depuis plusieurs mois, ce dossier envenime les relations entre Abidjan et Bamako. 

L’affaire empoisonne les relations entre le Mali et la Côte d’Ivoire depuis près de six mois. Ce 29 décembre, les 46 soldats ivoiriens encore détenus au Mali, où ils ont été arrêtés le 10 juillet dernier, sont jugés par la Cour d’assises de Bamako. Trois d’entre eux — des femmes — avaient été libérés sur ordre du président de la transition, Assimi Goïta, en septembre. Les autres sont toujours accusés de mercenariat, malgré les tractations d’Alassane Ouattara, le président ivoirien, qui espérait voir ses compatriotes rentrer au pays avant un possible procès. 

Ce dernier débute, donc, finalement aujourd’hui. Jeune Afrique assure que l’instruction a été confiée à un juge antiterroriste et qu’elle a été clôturée il y a près de deux mois. Accusés de « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État », les 46 soldats risquent entre cinq et vingt ans de prison. 

Les discussions entre Abidjan et Bamako ont pourtant duré jusqu’à la semaine dernière. Le frère Ouattara, Téné Birahima Ouattara, est venu au Mali en sa qualité de ministre de la Défense, avec Fidèle Sarassoro, directeur de cabinet du président. La délégation ivoirienne, épaulée par le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, a compté sur le soutien de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui menace le Mali de sanctions si les soldats ne sont pas libérés ces prochains jours. 

Malgré ce soutien et la médiation togolaise, aucun protocole d’accord n’a été accepté. Selon des sources proches du dossier, Bamako reproche notamment à la Côte d’Ivoire de n’avoir pas effectué les déplacements nécessaires à Bamako. 

Abidjan continue de demander la libération de ses mercenaires. Une demande restée sans succès dans une sorte de dialogue de sourds qui avait vu les relations entre les deux capitales, se dégrader fortement autour de ce dossier, au point de nécessiter une médiation internationale. La facilitation a été menée de main de maître par la diplomatie togolaise qui a multiplié les initiatives et qui a finalement réussi à faire asseoir les deux protagonistes autour d’une table, le 22 décembre dernier, à Bamako, pour des négociations qui ont abouti « à la signature d’un mémorandum d’accord pour promouvoir la paix et œuvrer au renforcement des relations d’amitié » entre les deux pays. 

Un accord plein de sous-entendus, mais qui laissait entrevoir la possibilité d’un dénouement heureux de l’affaire. C’est dans ces conditions que les mises en cause ont été appelées à comparaître hier devant la Cour d’assises de Bamako pour ce qui apparaît comme un bon arrangement dans le cadre d’un procès qui s’est tenu à huis clos, loin des regards indiscrets. Car, sans être dans le secret du prétoire, il y a des raisons de croire que le verdict de la Cour sera en adéquation avec le contenu de l’accord du 22 décembre dernier, obtenu par la délégation ivoirienne conduite à Bamako par le frère cadet du président Alassane Ouattara, mais dont les termes restent encore secrets. 

Autant dire que cet accord a pu donner un coup d’accélérateur au dossier judiciaire qui n’était, dès lors, pas loin de ressembler à une simple formalité juste établie pour respecter la forme. Quoi qu’il en soit, on peut dire que la raison a triomphé. Et c’est d’autant plus heureux qu’on semble s’acheminer vers un happy end qui devrait être non seulement un soulagement pour les familles de ces soldats, mais aussi un acte fort pouvant contribuer à la décrispation des relations entre ces deux voisins qui se regardaient depuis plusieurs mois, en chiens de faïence.

Une fois de plus, la force du dialogue aura permis d’entrevoir le dénouement d’une affaire très sensible qui aurait pu exploser à tout moment. Un dossier dont les secousses telluriques ont été ressenties dans tout l’espace régional. On ne saura peut-être jamais si l’ultimatum de la Cedeao qui avait donné au Mali jusqu’au 1er janvier 2023 pour libérer les soldats ivoiriens, a été pour quelque chose dans l’accélération du dossier.

Mais à l’heure de la décrispation, il faut plutôt se féliciter d’un tel aboutissement qui permet à toutes les parties de garder la tête haute. Il s’agit maintenant de tirer toutes les leçons d’une situation qui, au-delà de ses conséquences dommageables au triple plan politique, économique et socio-culturel, aurait pu tourner à l’humiliation pour l’une ou l’autre des parties. 

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV