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Zoom Afrique du 13 avril 2022

Zoom Afrique du 13 avril 2022

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Que veut dire l'insistance des Occidentaux pour impliquer l'Afrique et particulièrement le Sénégal dans leur conflit ukrainien ?

Actualité en Afrique :

  • Burkina Faso : le chapeau de Saponé certifié en indication géographique protégée
  • Burkina Faso : le russe Nordgold cesse ses activités à la mine d’or Taparko, en raison de la situation sécuritaire
  • Sénégal : Wärtsilä signe un accord avec Malicounda Power pour garantir la fiabilité d’une centrale électrique
  • Le Nigeria envisage de rejoindre le mécanisme du différentiel de revenu décent dans le cacao

Analyses de la rédaction :

1. Mali: l'Occident dans de sales draps!

En cherchant absolument des prétextes pour prolonger leur présence au Mali, dans le seul but de trouver un moyen pour pouvoir déstabiliser le gouvernement malien, les Occidentaux ne s’attendaient pas du tout à se faire prendre la main dans le sac.

À la grande joie des Maliens, l’Union européenne qui fait ses bagages. Josep Borrell, le chef de sa diplomatie, a annoncé, lundi 11 avril, mettre fin aux missions de formation et d’entraînement de l’armée.

La place des Occidentaux et de l’ONU au Sahel et au Mali est sérieusement compromise. L’Allemagne ne fait pas exception.

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a prévu de rencontrer le président de la Transition, Assimi Goita, lors d’un déplacement cette semaine au Mali au moment où Berlin sent sa place menacée. Le but de ce voyage est notamment « de se faire une idée précise de la situation politique et sécuritaire » en vue de décider du maintien ou non de la Bundeswehr, dont le mandat sur place expire en mai, selon un porte-parole du ministère. Des entretiens sont prévus avec le président Assimi Goïta et le chef de la diplomatie Abdoulaye Diop.

Comme la France ou les autres pays européens, l’Allemagne s’en fout de la situation sécuritaire du pays et encore moins de la montée en puissance des Fama. Ce qui intéresse ce beau petit monde, c’est de voir rapidement un nouveau gouvernement fantoche se mettre sur place avant que les autorités actuelles ne mettent au grand jour les nombreux secrets liés aux vraies raisons de la présence occidentale au Mali.

L’indignation des pays occidentaux quant à la récente offensive contre les terroristes de l’armée malienne à Moura le prouve amplement. Selon certaines sources, Mourah était devenu une base terroriste d’où les attaques terroristes contre le Mali et même les pays voisins. En d’autres termes, cette offensive a carrément chambouler tous les plans des Occidentaux. Le Mali leur a simplement montré que la seule chose qui leur reste, c’est bien la fuite.

Encore une tentative de déstabilisation du pays qui a échoué. Ce 10 avril, trois ressortissants européens suspectés de « terrorisme » ont été interpellés dans le centre du Mali lors d’opérations menées contre des terroristes, a annoncé mardi soir l’armée malienne. « Le détachement Fama de Diabaly a procédé à l’interpellation de 5 suspects, dont 3 ressortissants européens », affirme un communiqué de l’état-major général des armées. Le communiqué ne précise pas l'identité de ces suspects européens interpellés à Diabaly, une localité située à environ 300 km au nord-ouest de Bamako.

Qui sont-ils ? Que faisaient-ils auprès des terroristes ?

Cela nous fait également penser à un évènement survenu récemment.

Dans une autre opération contre les terroristes, un hélicoptère de l’armée malienne a tiré plusieurs roquettes et il s’avérait qu’« à proximité» de là, il y avait des Casques bleus britanniques, ont indiqué mardi 12 avril les autorités britanniques. Un incident qui alimente encore une fois les questions sur l’avenir de la mission de l’ONU au Mali.

« Il s’agit d’un événement qui a eu lieu le 22 mars », a-t-il ajouté, en parlant « de coups de feu tirés par un hélicoptère des forces armées maliennes dans la zone de Tessit, à proximité d’un détachement de la Minusma ». « Il n’y a pas eu de blessés, les Casques bleus étaient en sécurité à tous points de vue », a-t-il assuré. À la question d’une éventuelle implication dans cet évènement de paramilitaires de la société russe Wagner, le porte-parole a indiqué ne pas savoir. Interrogé pour savoir s’il s’agissait du premier incident de la sorte entre des Casques bleus et des forces maliennes, il a indiqué ne pouvoir le dire.

Mais que font-ils près des terroristes ? Évidemment, si les Fama attaquent des groupes terroristes et qu’au passage, il y a des soldats britanniques de l’ONU qui sont également présents aux côtés des terroristes, c’est clair qu’ils vont aussi se prendre une raclée.

En bref, les Occidentaux ont tout intérêt à quitter le Mali au plus vite et d’arrêter de vouloir à tout prix mettre en place des plans de déstabilisation du pays. Ça ne marche pas, le gouvernement et le peuple malien forment un bloc anti-néocolonialiste. Ce qui veut dire qu’ils n’arriveront pas à déstabiliser ce pays qui a décidé de prendre son destin en main.

 

2. À l'Afrique de s'imposer au monde !

Une politique agressive, menée sans complexe, avec de l’audace auprès des pays européens importateurs, pourrait autoriser des investissements nouveaux et colossaux pour pomper le maximum de gaz sénégalais.

Les pays européens ont mis en branle une panoplie de mesures pour punir la Russie de l’opération militaire contre l’Ukraine. Mais les sanctions économiques ne sont pas encore très efficaces et pour cause ! L’Europe reste dépendante de la fourniture de gaz par la Russie et tous les experts considèrent qu’aussi longtemps que les vannes du gaz russe ne sont pas fermées, Vladimir Poutine pourra continuer à défier le monde. Seulement, la main des dirigeants européens tremble à l’idée de couper le gaz russe.

En effet, plus de 45% du gaz consommé dans l’espace de l’Union européenne et du Royaume-Uni (soit 155 milliards de m3 par an) proviennent de Russie, alors que ces pays n’arrivent pas encore à trouver des moyens de substitution. Il faut dire que les sources d’approvisionnement en gaz sont assez régulières, les contrats signés sont fixés sur plusieurs années. Du reste, l’Union européenne avait, en quelque sorte, livré sa sécurité stratégique pour ne pas dire son destin, entre les mains de sa principale rivale, la Russie, quand elle a décidé non seulement d’une politique de fermeture de centrales nucléaires notamment en Allemagne, mais aussi manqué de développer en échelles suffisantes des énergies alternatives.

Aujourd’hui, la réalité géopolitique impose une autre attitude à l’UE, qui préconise désormais de tout mettre en œuvre pour stopper net sa dépendance au gaz russe dans le plus court terme.

Le Président américain, Joe Biden, à l’occasion de sa dernière tournée en Europe, a décidé de voler au secours de ses alliés européens pour leur livrer du gaz. Les États-Unis et l’Union européenne ont acté un partenariat pour accroître leurs échanges. L’objectif commun : affaiblir Vladimir Poutine. « Poutine utilise les énergies produites en Russie pour prendre en otage les pays qui l’entourent et il utilise les profits pour financer sa guerre », a déclaré Joe Biden. Pour s’approvisionner en gaz russe, les Européens payent plus de 250 millions d’euros par jour à la Russie.

D’ici la fin de l’année, les États-Unis s’engagent à livrer à l’Europe, 15 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz naturel liquéfié, ce qui correspond à 10% du gaz russe importé par les Européens. D’ici 2030, l’objectif est d’en livrer 50 milliards par an. Cependant, ce type d’énergie coûte cher. Joe Biden a tenu à préciser que les livraisons seront faites au prix du marché qui, par ailleurs, flambe et en outre, on sait qu’il faut transporter le gaz américain par bateaux puis le transformer dans les usines. Ainsi, la solution n’est valable qu’à court terme, encore que l’Europe va fermer les yeux sur les méfaits et autres dégâts environnementaux provoqués par l’exploitation du gaz de schiste américain. Qu’à cela ne tienne, l’Europe qui voudrait arrêter d’importer du gaz russe au plus tard en 2027 s’y prépare activement, comme l’Allemagne qui se met à construire à Hambourg, à la quatrième vitesse, un terminal pour méthaniers.

Les autres pays fournisseurs de gaz ont atteint leurs limites en exportation et devraient développer de nouveaux gros investissements pour pouvoir satisfaire les demandes européennes. C’est le cas des pays du nord de l’Europe (Norvège, Danemark) et de tels projets demandent plusieurs années pour leur mise en œuvre. De son côté, l’Algérie, qui fournit 13% du gaz consommé en Europe, ne peut pas faire plus, avec des installations d’un autre âge pour ne pas dire obsolètes, et donc aux capacités non extensibles. Le Nigeria se trouve dans la même situation. Parmi ces “diverses sources” courtisées par les Occidentaux, se trouve aussi le Qatar, le deuxième exportateur mondial de gaz liquéfié (Gnl), après les États-Unis. Même si son pays est déjà au maximum de ses capacités de production et fournit principalement ses partenaires asiatiques dans le cadre de contrats de longue durée, l’Emir Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani joue la prudence. Il sera difficile pour le Qatar, malgré ses énormes réserves, de combler une éventuelle fermeture de robinet russe. Doha a indiqué qu’il n’a pas de capacités de production inemployées, donc il ne peut que fournir du gaz qui aurait dû aller vers des pays asiatiques, comme l’Inde et le Bangladesh. L’Iran jouit d’importantes capacités de production et d’exportation de gaz. Il partage avec le Qatar les 9700 km² d’un immense champ gazier baptisé “South Pars” (3700 km2 dans les eaux territoriales iraniennes et le reste aux Qataris, qui l’appellent “North Dome”). Seulement, les pays européens redoutent fortement de tomber de Charybde en Scylla en réglant leur dépendance vis-à-vis de la Russie par une autre dépendance vis-à-vis de l’Iran.

La solution pour se libérer de Poutine est donc de se tourner vers de nouveaux marchés fournisseurs de gaz et parmi eux, le Sénégal semble être le mieux placé. Dans la pratique, pour développer un projet gazier, il faudrait au préalable trouver et s’assurer d’un marché.

Les énormes volumes de gaz qui vont donner au Sénégal un nouveau statut mondial

Le potentiel gazier du Sénégal est énorme. Les experts considèrent que les ressources en gaz estimées au Sénégal sont de classe mondiale. Le Sénégal est parti pour être un grand pays exportateur de gaz. Le champ de Grand Tortue-Ahmeyim (Gta), partagé entre le Sénégal et la Mauritanie, découverts en 2014, est estimé aujourd’hui contenir entre 15 et 20 Tcf de ressources gazières, soit entre 530 et 700 milliards de m3 de gaz prouvés. British Petroleum (BP) considère que le potentiel de ce gisement de gaz naturel est beaucoup plus important. Un autre gisement Yaakar-Teranga, au large de Cayar, découvert en 2016, révèle des ressources déjà prouvées de l’ordre de 700 milliards de m3. Aux dires d’experts, le potentiel de Yaakar-Teranga serait bien plus colossal que celui de Gta. D’autres poches de gaz sont identifiées au large des côtes sénégalaises comme à Sangomar (Fatick). Des gisements de gaz on shore (sur terre) sont aussi identifiés au Sénégal comme le gisement de Ngadiaga (Thiès).

La consommation totale en gaz du continent africain est de 153 milliards de m3 par an, selon la Bp Statistical Review of World Energy, publiée en juin 2021. Cela donne une bonne idée sur l’importance des réserves de gaz du Sénégal. Au demeurant, il faudra plus d’exploration et de recherche pour confirmer ou infirmer une telle évaluation. Ce qui est certain c’est que le potentiel confirmé est suffisant pour lancer un très gros projet gazier. C’est l’une des raisons-clés qui ont fait que Bp, la troisième plus grande compagnie pétrolière privée dans le monde après ExxonMobil et Royal Dutch Shell, soit entrée dans ce projet et qu’elle ait pris la direction des opérations en détenant 53% des parts contre 27% pour l’Américain Kosmos Energy.

Dans les milieux des hydrocarbures, le sentiment le mieux partagé est que le Sénégal n’a pas encore effectué assez de recherches pour découvrir tout le gaz que devrait renfermer son bassin sédimentaire. Par exemple, la compagnie italienne Eni n’a pu trouver la possibilité de lancer des recherches au Sénégal. Eni convoitait un permis de recherches dans le secteur de l’Agence de gestion et de coopération (Agc) mise en place par le Sénégal et la Guinée-Bissau pour mutualiser leur potentiel. Seulement, les activités de l’Agc se sont trouvées bloquées du fait de la volonté de la Guinée-Bissau de renégocier l’accord de coopération. L’instabilité politique en Guinée-Bissau n’a pas non plus aidé à faire avancer le dossier. En outre, la polémique née de l’octroi d’un permis pétrolier accordé à Total n’a sans doute pas manqué de pousser le gouvernement sénégalais à faire montre de plus de prudence. On peut également considérer qu’au corps défendant du gouvernement, l’option de rendre plus inclusives et transparentes les conditions d’octroi de nouveaux permis avait été en cours d’élaboration. Ainsi, Eni a été obligée de se rabattre sur la Côte d’Ivoire où elle vient de faire de belles découvertes.

Les premiers méthaniers de gaz extrait des gisements de Gta devront être remplis fin 2023. Ces productions constituent la phase 1 de chacun de ces deux projets majeurs.

La production de Gta sera de 2,5 millions de tonnes de gaz liquéfié et pourra être portée au double à la phase 2 et au quadruple à la phase 3 du projet. Le gaz extrait en 2023 sera destiné au marché asiatique où BP a déjà signé des contrats de fourniture. C’est dire que d’ores et déjà, une politique agressive, menée sans complexe et même avec de l’audace à revendre, auprès des pays européens importateurs de gaz, pourrait autoriser des investissements nouveaux et colossaux pour pomper le maximum de gaz du Sénégal en laissant évidemment des miettes au Sénégal.

Le Sénégal a l’avantage d’avoir un gaz « propre », très apprécié sur le marché et sa situation géographique le favorise au détriment des États-Unis, du Qatar ou du Mozambique. Les pays occidentaux et particulièrement les pays européens comptent donc sur l’Afrique, qu’ils ont toujours méprisée, pour se sortir du pétrin. Mais est-ce que Washington ne va pas profiter de la situation pour justement déstabiliser encore plus les pays d’Afrique pour justement empêcher les Européens de se servir dans les sous-sols du continent africain ?

Tout comme le Sénégal, le Mozambique est également dans la liste des Occidentaux. La France a tout tenté pour s’implanter là-bas, mais le gouvernement mozambicain a refusé. Et pour couronner le tout, lors du vote contre la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Occident a réellement tremblé en voyant que les pays d’Afrique ont plus opté pour une abstention que plutôt se ranger derrière eux contre la Russie. Car évidemment, le détachement de l’Afrique par rapport à l’Occident.

Il est clair qu’avec la montée en puissance du terrorisme sur le continent, il est clair qu’il n’y a pas eu de vote organisé pour soutenir l’Afrique. Il n’y a pas eu de campagne de don d’arme en tout genre pour combattre le terrorisme. Au contraire, au lieu de fournir des armes, ils ont imposé des sanctions et des embargos. Pour que tout le monde comprenne bien, c’est comme si l’Occident poussait l’Ukraine à combattre la Russie et qu’en même temps ils leur imposaient un embargo sur les armes.

Pour ceux qui ne savent pas évidemment c’est délirant, mais ceci est réel et reflète exactement la politique occidentale en Afrique.

L’Afrique a toujours été dénigrée, malmenée, pillée, humiliée et on en passe…la seule chose qu’on espère, c’est que l’Afrique profitera de ce conflit occidental pour s’unifier et s’imposer au monde.

 

3. Le Sénégal pour remplacer le gaz russe?

Que veut dire l’appel au secours de l’Ukraine au Sénégal ?

Ce 11 avril 2022, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky et le Chef de l’État Macky Sall se sont entretenus au téléphone. Lors de leurs échanges rendus publics par la Présidence de la République dans un tweet, les deux hommes ont « évoqué l’impact de la Guerre en Ukraine sur l’économie mondiale et la nécessité de privilégier le dialogue pour une issue négociée du conflit. » Le président Zelensky aurait aussi formulé son souhait auprès du Chef de l’État Macky Sall, Président en exercice de l’Union Africaine, de faire une communication dans ce sens auprès de ses pairs de l’Organisation Continentale. Ainsi, donc après les Européens, les Américains et les Asiatiques, le président Zelensky veut convaincre les Africains à ‘’soutenir sa guerre.’’

Poids lourd diplomatique et économique ouest-africain, le Sénégal est également à la tête de l’Union africaine pour un an. Sa position sur l’opération militaire russe en Ukraine est donc centrale et largement scrutée. Le pays s’en tient à une neutralité. Même s'il n'est pas le seul pays africain à s'être abstenu lors du vote à l'ONU sur l'Ukraine, le Sénégal a en revanche largement fait réagir les observateurs par le positionnement diplomatique mis en avant, à savoir la neutralité.

La question a été posée de savoir s'il s'est agi d'une volonté de s'affirmer différemment sur la scène internationale ou d'un désir de calmer le jeu au niveau régional et local. L'Assemblée générale de l'ONU (AGNU) votait une résolution intitulée « Agression contre l'Ukraine », dont le texte pensé par l'Union européenne avec l'Ukraine exige « que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine et retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires » d'Ukraine.

Si une très large majorité des 193 pays participants a voté pour condamner « l'agression de la Russie contre l'Ukraine », 12 pays africains n'ont pas pris part au vote et 17 pays du continent se sont abstenus dont le Sénégal. Dakar n’a pas voté en faveur de la résolution condamnant l'opération russe en Ukraine. Cette abstention a surpris nombre d’observateurs. Elle pourrait s’expliquer en partie par la position du Sénégal à la tête de l’Union africaine. Mais les considérations intérieures ne doivent pas être négligées et occultées.

Une abstention qui fait paniquer l’Occident

À l’instar de beaucoup d’Africains, les Sénégal jugent que cette guerre, qui se déroule en Europe, est une crise secondaire pour les nations africaines. Si les États-Unis et surtout l’Union européenne (UE) sont en première ligne, c’est en partie parce qu’ils subissent directement les conséquences de cette guerre. L’Afrique est généralement en retrait dans ce que l’on pourrait appeler « la guerre des autres ». Silencieux, la plupart des États africains ne se sont pour le moment exprimés qu’à l’occasion du vote de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, qui exige « que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». Par ailleurs, il n’est compréhensible, pour la plupart des Africains, que le monde entier soit resté muet face à ce qui s’est passé en Irak, en Libye, en Syrie et qui se passe encore en Israël, se mue soudainement en défenseur de l’Ukraine. C’est du deux poids deux mesures pour bon nombre d’Africains.

Les Africains en général n’ont pas compris et aimé le traitement réservé à leurs frères au début de l’opération russe. Et ils ont exprimé via les réseaux sociaux leur préoccupation face à la très grave et dangereuse situation créée en Ukraine. Le 28 février, face aux images relayées d’abord sur les réseaux sociaux, puis reprises par des médias, de ressortissants africains victimes de racisme et de mauvais traitement aux frontières ukrainiennes, Macky Sall et Moussa Faki Mahamat avaient alors encore exprimé leur préoccupation et rappelé que « toute personne a le droit de franchir les frontières internationales pendant un conflit ». Ils jugent le traitement différent appliqué aux Africains « inacceptable, choquant et raciste et en violation du droit international ».

L’évolution des contestations au niveau régional pourrait être une autre explication à cette abstention. Depuis plus d’une décennie, un sentiment anti-occidental déferle sur le continent africain, notamment au Sénégal. Dakar ne peut plus faire abstraction de cette nouvelle donne qui chamboule la configuration politique. En appliquant les sanctions de la Cédéao, Dakar a fermé le corridor Dakar-Bamako. Cette décision, du fait de l’embargo de la Cédéao, a fait du Sénégal une cible des partisans de la junte et des anti-Français.

À Dakar, au sein des milieux urbains et de la classe politique devenue virulente depuis les émeutes de mars 2021, Macky Sall, comme tous les chefs d’État de la Cedeao, est catalogué à tort ou à raison, comme étant « l’homme de main de la France ». Son régime est la cible d’une vaste contestation au sein des partis de l’opposition, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce que l’on qualifie de « sentiment anti-français » a une très forte résonance au Sénégal, notamment au sein de la jeunesse urbaine et des élites intellectuelles. Ce « sentiment » alimente les prises de position pro-russes chez certains jeunes qui ont soutenu les putschs au Mali et en Guinée au nom de la contestation de l’impérialisme occidental.

Au Sénégal des responsables publics dénoncent avec virulence l’impérialisme français et une certaine volonté de la part des Occidentaux d’imposer une démocratie à leur image, en insistant surtout sur des questions de liberté, de genre... Ces derniers ont mis en place un mouvement qui a émergé depuis près d’un an dans la société civile pour appeler à la criminalisation de l’homosexualité et à la fin de l’impérialisme. Cette organisation, ‘’And Samm Jikko Yi’, composée d’imams, d’associations islamistes, de militants d’extrême-gauche, de syndicalistes, d’hommes politiques ou encore d’activistes, a pris de l’ampleur et appelle à voter contre la majorité à toutes les élections. Et ce ne sont pas les dernières locales qui prouveront le contraire. Ses leaders font le tour du pays pour vilipender le pouvoir en place, qu’ils accusent de dérouler un agenda pro-LGBT en se pliant aux injonctions de l’Occident (et notamment de la France), accusé de vouloir imposer des valeurs jugées contraires à la morale et à la religion du pays. Ce discours critique contre le président Macky Sall bénéficie d’un large écho au sein de la société sénégalaise et peut faire mal lors d'élections à venir comme les législatives prochaines.

À deux ans du terme de son mandat, le président Macky Sall est appelé à prendre davantage d’épaisseur internationale tout en tenant compte d’une opinion nationale exigeante, de plus en plus attentive aux enjeux internationaux et souvent à la merci des stratégies de désinformation qui pullulent sur internet.

En effet, le discours de plus en plus virulent, surtout des jeunes, dénonçant l’impérialisme occidental, gagne des partisans un peu partout dans le pays. En outre, l’image de chef d’État à ‘’la solde de France’’, la pression exercée par les partisans de la lutte ‘’anti-homosexualité’ avec des conséquences électoralistes, Macky Sall, doit faire preuve de dextérité et d’agilité afin de réconcilier les postures divergentes vis-à-vis de la Russie, dont l’image ne cesse de séduire la rue en Afrique de l’Ouest.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV