L'Iran s'apprête-t-il à se doter d'une base navale permanente en océan Indien? L'information, bien que vaguement évoquée par des sources iraniennes, n'a pas fait l'objet de commentaires politiques et pourtant, les tous récents exercices militaires conduits par la marine iranienne dans le nord de l'océan Indien, zone qui a d'ailleurs été en décembre 2019 le théâtre des manœuvres navales tripartites Iran/Russie/Chine, pourraient donner à croire qu'une « base » iranienne loin des eaux territoriales de l'Iran aurait toutes les raisons du monde à exister.
En effet, l'exercice naval particulièrement complexe qu'a mené l'Iran le 18 juin qui a impliqué simultanément des missiles côte-mer, mais aussi des missiles mer-mer tout en procédant pour la première fois au tir dans un environnement marin de sa batterie de missile antimissile Khordad-3 dit « tueur de Global Hawk » a laissé entendre que le pays envisage de se doter d'une DCA « mobile ».
Au fait le Khordad-3 monté à bord des bâtiments de surface, lesquels bâtiments ont testé avec succès des missiles de croisière nouvelle génération d'une portée de 280 kilomètre et tout ceci bien loin des côtes iraniennes ne pourrait pas être dû au hasard. Les experts ont relevé qu'une DCA « flottante », prévue pour prendre part à un face-à- face naval serait bien difficile à localiser et à frapper même si la partie d'en face use des meilleurs chasseurs du monde. Puis un dispositif de petite dimension qu'est Khordad-3 saurait être monté à bord de nombreux destroyers iraniens, mais aussi et surtout à bord des fameuses vedettes rapides iraniennes et jouer le rôle de bouclier anti-frappe aérienne si d'aventure une attaque « en essaim » devait viser les navires ennemis.
Les missiles formeront des anneaux défensifs mobiles qui agiront comme un mur défensif en mer et ces tirs peuvent être effectués à tout moment et depuis des points différents. Cette capacité peut être utilisée pour les unités et les installations côtières et terrestres, mais fournir surtout une sorte de couverture aérienne aux unités flottantes de la marine. Tout ceci cadre parfaitement avec l'idée d'une première base navale iranienne en océan Indien qui rappelons-le abrite l'un des principaux sites militaires anti-Iran des USA à savoir la base aérienne de « Diego Garcia » laquelle se fait parler de lui de temps à autre, par sa flotte B-52 ou F-35.
Mais le dernier exercice naval iranien en océan Indien n'a pas livré tout son secret : depuis l'incident qui a fait couler par « un missile ami », la corvette iranienne Konarak, il s'est écoulé à peine deux mois. Les experts n'ont pas publié les résultats de l'enquête, mais la piste d'une attaque électronique ennemie n'est pas à écarter. Khordad-3 vient d'être prémuni contre ce genre d'assaut. Son missile Taer-2 est un missile avec un système de guidage différent qui détecte et verrouille la cible sur la base d'une série d'images déjà enregistrées sur l'ordinateur du missile et le système de détection de cible. En cas de problème pour le système radar ou de déclenchement d'une guerre électronique de l'ennemi, le système cherchera sa cible en s'appuyant sur le système de senseur optique. Le missile utilise une ogive pour atteindre la cible. Bref le coup de Konarak, s'il vient vraiment du camp d'en face, serait ainsi quasi impossible.
Visiblement l'Iran est bien décidé à transférer le terrain de confrontation avec les USA, du golfe Persique vers des zones plus loin de ses côtes. Il s'agit d' une décision stratégique qui s'est illustrée fin mai début juin par l'envoi de six navires iraniens aux Caraïbes et au continent sud-américain. Et l'océan Indien ne fait pas l'exception à la règle surtout que c'est un espace particulièrement convoité par les puissances occidentales et où la Chine, l'allié de l'Iran, a une bonne présence militaire. C'est l'effort parfaitement légitime de l'Iran pour sa défense, mais aussi sa contribution à la fin désormais irréversible de la domination US sur les voies maritimes du monde.
Mais il y a plus : une base navale permanente iranienne en océan Indien ferait aussi partie d'un effort préventif dans le cadre de ce qui ressemble désormais à l'occupation de l'île stratégique yéménite de Socotra par Israël. Évidemment, l'île en question qui se trouve au confluent de Bab el-Mandeb, de la Corne de l'Afrique et du golfe d'Aden. Mais elle n'est pas non plus trop loin de l'océan Indien. Israël chercherait ainsi au Yémen de se doter d'une « profondeur maritime » propre à récompenser ce qu'il n'a plus depuis que l'axe de la Résistance s'impose en acteur géostratégique et militaire de poids en Asie de l'Ouest, à savoir la profondeur terrestre.