Alors qu'en Libye, les troupes takfiristes d'Ankara se sont fixées l'objectif de s'emparer de Syrte, les observateurs politiques s'attendent à ce qu'un coup de théâtre brise un peu ce triomphalisme précoce US/OTAN en Méditerranée: le fils de Kadhafi est sorti des limbes affirmant qu'il s'opposerait net à ce que la Turquie et donc l'OTAN s'emparent de la Libye. Cité par Al-Mayadeen, le responsable politique du «Front de lutte libyen», Ahmed Qaddaf al-Dam, l'un de ses proches, a souligné que Saif al-Islam Kadhafi, "ne resterait pas les bras croisés à assister au naufrage de la Libye". Une nouvelle carte vient d'être rabattue?
Alors que la presse atlantiste ne cesse de vanter les vertus des drones turcs qui auraient cloué au sol les Pantsir russes et apporté à Erdogan et à l'OTAN une méga victoire en Libye, dont les répercussions, espère cette même presse, devraient se faire sentir aussi en Syrie, le ministre turc de la Défense s'est entretenu vendredi avec le secrétaire général de l'OTAN de la Syrie, de la Libye.
Hulusi Akar et Jens Stoltenberg ont également abordé des coopérations mutuelles Ankara/ Alliance et leur perspective future, en vue de la réunion ministérielle de l'OTAN qui se tiendra les 17 et 18 juin 2020 par téléconférence et on devine contre qui ces coopérations sont orientées : il y a d'abord la Russie contre qui l'OTAN annonce, par la voix turque, vouloir se doter de deux bases permanentes au bord de la Méditerranée.
Selon Yeni Safak, la Turquie se prépare à transformer la base d'al-Watiya en une base permanente pour y déployer des systèmes de défense aérienne et des drones de combat. Ce ne serait évidemment pas cette fois des MIM-23 Hawk, identiques à celles qu'Erdogan possède à Idlib qui feraient leur apparition à al-Watiya : on s'en doute bien que les Patriot américains finiront par débarquer à al-Watiya avec tout ce que cela comporte en termes de menaces contre les intérêts russes dans la gazifère en Méditerranée. Yeni Safak évoque une autre base, celle que OTAN/Turquie comptent ériger dans le port de Misrata, où des "navires de la marine turque" seront stationnés et avec eux évidement les navires de guerre US/atlantistes.
Tout ceci fera de la Turquie, le "copropriétaire d'entreprises libyennes" produisant du pétrole à partir de champs offshore dans la zone économique exclusive de la Libye. Ce qui, d'après Ankara, explique le caractère parfaitement "indispensable" de "la présence de navires de guerre turcs pour garantir la sécurité des opérations de forage". C'est une perspective de tensions permanentes que fait brandir la Turquie et qui implique non seulement la Russie contre l'OTAN mais aussi des pays de l'OTAN entre autres (Grèce, Chypre d'une part, Turquie de l'autre...).
Ce vendredi, Ankara en a d'ailleurs donné un avant goût : les forces armées turques ont organisé des exercices en mer Méditerranée pour ce que le ministère turc de la Défense a appelé "le fait de tester et de développer la capacité de la Turquie à commander et exécuter des opérations à longue distance". Les médias mainstream n'ont évidement pas évoqué qu'au QG des opérations, les officiers américains et britanniques et israéliens dirigeaient les opérations, préférant comme depuis le début de l'affaire libyenne, occulter ce facteur US/OTAN derrière le masque du Sultan.
N'empêche que le communiqué du ministère turc qui ne fait d'ailleurs aucune mention de la Libye, souligne que les exercices ont couvert un itinéraire de 1 050 milles marins ou 2 000 kilomètres des eaux territoriales de la Turquie et se sont poursuivis pendant huit heures. « Huit frégates et corvettes, ainsi que 17 avions ont participé jeudi à ces exercices, baptisés «Haute mer» que la Turquie dit avoir «mené avec succès», enfin presque. Le ministère qui diffuse des photos montrant des chasseurs F-16 et des avions-radars en train de décoller, et des navires de guerre escortés par des hélicoptères, se gardent bien de rapporter comment les F-16 escortant les avions cargo turcs évitent d'entrer dans le ciel libyen par crainte d'avoir à faire face à des surprises anti-aériennes russes, selon des sources militaires comme Avia.pro. Les lieux de l'exercice n'étant pas précisés, certaines sources arabes en Afrique du Nord ont estimé que la manœuvre s'est déroulée près de la Libye.
"Les chasseurs F-16 turcs n'ont pas pu pénétrer dans l'espace aérien contrôlés par les systèmes de défense aérienne russes et soviétiques. Après avoir reçu des notifications d'entrée dans la zone touchée, les avions de combat turcs ont dû se retirer d'urgence et partir dans la direction opposée, se rendant compte que chacun des avions qui se trouvaient dans le rayon de destruction de la défense aérienne de L'ANL pourraient être visé. L'ANL dispose des systèmes Buk-M2E, qui ont une portée de destruction considérablement plus grande que les missiles armés de chasseurs F-16 turcs"; dit Avia.pro.
Mais la manœuvre aérienne et navale de l'axe atlantiste ne vise pas tant la Russie qui ne fait pas partie de la zone que l'Algérie et la Tunisie. Les deux bases aérienne et navale que l'OTAN va ériger en méditerranée auront une emprise totale sur le ciel et l'espace maritime de l’Algérie et ce dont on aurait aimé que le président algérien parle lors de son allocution du jeudi soir 11 juin largement diffusé dans la presse. Cité par Yabiladi, le président algérien s'est exprimé sur le dossier libyen, défendant une contribution des pays voisins à la solution de la crise. Mais le président Tebboune a aussi très clairement affirmé que l'ANP (armée nationale populaire) pourrait participer à une opération extraterritoriale si la sécurité algérienne était en jeu : «La participation de notre armée hors des frontières ne veut nullement signifier faire partie des coalitions militaires dirigées contre un Etat spécifique ou devenir le gendarme du monde, mais plutôt se tenir en permanence pour défendre la souveraineté nationale et les intérêts de l’Algérie». Un premier avertissement algérien vient d'être lancé...