Se considérant comme une puissance transrégionale, la France a tenté de jouer le rôle de médiateur entre Téhéran et Washington. À cette perspective, l’administration américaine n’a pas semblé défavorable, en soufflant le chaud et le froid, jusqu’à ce fameux tweet de Trump daté du jeudi 8 août, tweet où l’intéressé s’en prend au président français et lui interdit de se poser en porte-parole de la Maison-Blanche.
Iran is in serious financial trouble. They want desperately to talk to the U.S., but are given mixed signals from all of those purporting to represent us, including President Macron of France....
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) August 8, 2019
« L’Iran a de graves problèmes financiers. Ils veulent désespérément parler aux États-Unis, mais reçoivent des messages contradictoires de la part de tous ceux qui prétendent nous représenter, parmi lesquels le président français Macron », a tweeté Donald Trump.
« Je sais qu’Emmanuel veut bien faire, comme tous les autres, mais personne ne parle pour les États-Unis à part les États-Unis eux-mêmes. »
Mais qu’est-ce qui a tant mis en colère le président Trump pour qu’il s’en prenne aussi violemment à son homologue français? Selon les observateurs, Emmanuel Macron a bien déçu Donald Trump. Du chef de l’Élysée, le président américain attendait une « fermeté » et un « radicalisme » que ce dernier n’a pas manifesté. S’il est vrai qu’en juin dernier, en pleine cérémonie de commémoration du débarquement, le chef de l’Élysée a choqué les partisans de l’accord nucléaire de 2015, en plaidant, en présence de Donald Trump, en faveur d’une renégociation du texte et de l’ajout d’une annexe balistique et régionale au texte original, il est aussi vrai que sa manière d’aborder par la suite la question iranienne n’a pas plu à la Maison-Blanche. À commencer par cette coalition de guerre que les États-Unis peinent à mettre en place dans le golfe Persique, rien que pour déclencher un vaste conflit militaire contre l’Iran et s’emparer dans le foulée de l’une des dernières voies maritimes stratégiques du Moyen-Orient qu’ils ne contrôlent pas encore? Cette guerre, les Américains veulent la déclencher aux frais de leurs alliés européens, ce dont la France semble être bien consciente. Paris a donc très subtilement décliné l’offre de Washington, plaidant pour une « coalition européenne » où son rôle serait réduit à un échange d’information. Paris a fait front commun avec Berlin en refusant de jouer le jeu américain, un double refus qui a bien déclenché le mécontentement de Washington.
Macron aimerait sans doute restituer à la France sa place et son poids d’antan sur la scène internationale en réunissant une médiation entre USA et l’Iran, mais pas au prix d’un enlisement dans les eaux du golfe Persique. Et puis, il y a cette perfide anti-européanisme primaire, ce mépris du vieux continent qu’affiche sans cesse Trump ; et sa tendance à humilier ses alliés, Trump en aurait voulu aussi à Macron surtout d’avoir fourni à son homologue iranien Rohani l’occasion de lancer un méga pied de nez à l’adresse de Washington, en déclinant l’invitation française à participer au sommet du G7. Al-Mayadeen a eu vent de cette invitation dont a royalement saisi Rohani pour rappeler à Trump que ce n’est pas les États-Unis qui décideront du quand ou du comment d’un nouveau dialogue, mais bel et bien l’Iran. Et puis il n’y aura pas de dialogue USA/Iran tant que les États-Unis n’auront pas levé les sanctions.
Tout ceci a mené Donald Trump à s’emporter contre « l’ami Macron » à qui il interdit désormais de se mêler du dossier iranien, et ce, au risque de provoquer une brèche de plus, dans l’édifice bien tremblant transatlantique. Mais ce faisant, il ouvre une royale voie à la France.
En effet, la rhétorique antifrançaise du chef de la Maison-Blanche a poussé le chef de la diplomatie française, d’habitude bien réservé sur ce genre de sujet, à sortir de ses gonds : « Sur l’Iran, la France s’exprime en toute souveraineté. Elle s’engage fortement pour la paix et la sécurité dans la région, elle s’engage pour permettre une désescalade des tensions et elle n’a besoin d’aucune autorisation pour le faire », a affirmé Jean-Yve Le Drian, en réaction aux récentes critiques formulées par Donald Trump.
Dans les heures suivant cette réaction française, la Chine a rompu son silence pour prendre fait et cause de Paris. Lors d’un entretien téléphonique avec Emmanuel Bonne, conseiller diplomatique du président français, Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères, a affirmé que son pays était disposé à coopérer avec la France pour apaiser les tensions dans le dossier nucléaire iranien, soulignant qu’il partageait avec Paris la conviction, selon laquelle, il fallait coup sur coup préserver le Plan global d'action conjointe (PGAC). C’est une prise de position bien significative au moment où les États-Unis et la Chine sont engagés dans une guerre totale qui dépasse peu à peu le simple volet économique. Pour les observateurs politiques, il est grand temps que la France revoie sa politique face à une Amérique qui le renie, jusqu’à ses droits souverains de vouloir respecter un accord au bas duquel elle a mis sa signature.