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Syrie: le pétrole, la guerre et les sournoiseries américaines

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
L'Utilisation des bombes au phosphore blanc par la coalition US en Syrie. ©iuvmpress

Les nouvelles sanctions américaines interdisant à l’Iran et à la Russie de faire du commerce de pétrole avec la Syrie peuvent être considérées comme une continuation de la même bataille de renseignement et de sécurité qui visait à empêcher la Syrie de devenir un pôle énergétique dans la région.

La ville d’Abou Kamal, située près de la frontière irako-syrienne, a été la première grande ville à avoir été occupée par Daech en 2013. Près de cette ville et de l’autre côté de l’Euphrate se trouve la localité de Hajin, où des affrontements opposent les Kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) aux derniers résidus de Daech. Cette bataille se poursuit depuis des mois de manière douteuse sans aucun résultat malgré les frappes aériennes de la coalition mondiale dirigée par les États-Unis prétendument contre Daech, alors que les forces de l’armée syrienne et ses alliés, y compris le Hezbollah libanais, l’Iran et la Russie, ont depuis longtemps nettoyé Abou Kamal de la présence des éléments de Daech.

C’est peut-être aussi une drôle de plaisanterie de l’histoire que les lieux ayant marqué le début et la fin de l’un des groupes terroristes les plus importants de l’histoire soient si proches, mais ces deux villes partagent un autre point commun important : elles recèlent d’importantes ressources de pétrole, une substance qui, avec le gaz, a joué un rôle important dans le déclenchement de la crise syrienne et qui est maintenant devenue un élément décisif.

Pétrole et encore pétrole

La localité de Hajin et la ville d’Abou Kamal font partie d’une vaste région de l’est de la Syrie où se trouvent la plupart des ressources pétrolières syriennes. Une grande partie de cette région, située de l’autre côté de l’Euphrate, est contrôlée par les Kurdes soutenus par les forces américaines. Ces trois dernières années, de nombreuses bases militaires ont été construites sous le commandement des États-Unis dans la région.

Ce n’est peut-être pas un hasard si les Américains ont choisi de construire des bases militaires en Syrie dans les régions pétrolières, d’autant plus que le Trésor américain a sanctionné la semaine dernière un certain nombre de sociétés et de particuliers qui tentaient de créer un mécanisme financier pour transporter du pétrole en Syrie.

Les Américains ont prétendu que l’Iran avait transféré de l’argent de la banque russe Mirbank par l’intermédiaire de deux particuliers et d’une société pharmaceutique dans la zone franche de l’île de Kish, puis avait fourni au gouvernement syrien et à certains de ses alliés du pétrole via une entreprise de courtage pétrolier russe.

« Les tentatives d’incriminer l’aide apportée pour fournir du pétrole à la Syrie, dont les forces armées se battent depuis 8 ans contre le terrorisme, doivent être considérées comme un soutien aux groupes terroristes », ont affirmé les Russes, pointant du doigt le département d’État américain.

Pour mieux comprendre les actions des États-Unis, que ce soit sur le terrain ou à travers les sanctions, nous devons examiner le rôle du pétrole ou, plus largement, de l’énergie en Syrie.

Une guerre pour un gazoduc

La Syrie n’a jamais été considérée ni au XXe ni au début du XXIe siècle comme une grande puissance dans le secteur du pétrole et du gaz. En réalité, avant le début des troubles en Syrie, la production pétrolière du pays était limitée à 400 000 barils par jour, dont environ 250 000 étaient consommés à l’intérieur du pays.

Cependant, le rôle de la Syrie dans les équations énergétiques au Moyen-Orient a progressivement changé depuis 2005, lorsque la production et l’expansion de l’utilisation du gaz dans le monde, en particulier dans la région du Moyen-Orient, ont mis en évidence la nécessité de nouveaux corridors énergétiques vers l’Occident.

Dans la région du golfe Persique, l’Iran et le Qatar, qui détiennent actuellement près de la moitié des réserves conventionnelles de gaz naturel identifiées dans le monde, ont augmenté leurs investissements dans le champ gazier de Pars-Sud afin de produire davantage.

Malgré les investissements consentis par les deux parties pour exporter du gaz naturel liquéfié (GNL), Téhéran et Doha avaient cependant besoin d’un gazoduc pour atteindre les marchés assoiffés de pétrole de l’Europe occidentale et rivaliser avec la Russie pour l’approvisionnement en gaz de l’Europe.

De leur côté, les Américains ont également tout intérêt à réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe.

Depuis 2006, après la révolution de couleur en Ukraine, la Russie se sert du gaz comme d’un levier de pression sur les pays européens. Le Qatar, soutenu par les principales sociétés pétrolières et gazières occidentales, ainsi que l’Arabie saoudite ont proposé la construction d’un gazoduc reliant la Syrie à la Turquie et à l’Europe, proposition qui n’a pas été approuvée par la Syrie.

Parallèlement, le président syrien Bachar al-Assad a signé en 2009 un contrat avec l’Iran et l’Irak, qui permettait le transfert du gaz iranien à la Syrie et ensuite à l’Europe. Cela aurait conféré à l’Iran et à la Syrie un avantage stratégique que ni l’Occident ni le Qatar n’auraient pu accepter. 

La base aérienne d’al-Oudeid au Qatar, en tant que centre de soutien, a joué un rôle important dans le transfert d’armes à la Turquie et à des groupes terroristes. Le Qatar a également fourni une grande partie des véhicules tactiques de Daech en payant des marchands kurdes soutenus par le Parti démocrate du Kurdistan et en les achetant à des sociétés telles que Toyota.

Bien que près de sept ans se soient écoulés depuis le début de la guerre, la Syrie n’a pas perdu de son importance pour le transport du gaz. L’Iran continue d’exporter du gaz via l’Irak et il sera désormais possible de lancer de tels projets en Syrie, maintenant que l’ensemble du territoire syrien, du centre d’Abou Kamal à la frontière avec le Liban et à la côte méditerranéenne, est contrôlé par le gouvernement syrien.

Par ailleurs, les Russes envisagent de travailler avec la Syrie dans le domaine de la production et du transport de gaz. En 2014, ils ont signé un accord exclusif d’exploration de l’énergie avec Bachar al-Assad. La Syrie espère exploiter les riches sources d’énergie découvertes en 2005 par une entreprise énergétique au large des côtes de la Méditerranée.

C’est là que nous pouvons voir pourquoi les Américains tentent de limiter toute activité pétrolière en Syrie, en particulier de la part de l’Iran et de la Russie. La transformation de la Syrie en pôle énergique dans la période d’après-guerre, et ce avec la participation de l’Iran et de la Russie, est tellement dérangeant pour les Américains qu’ils cherchent à arrêter tout commerce d’énergie en imposant des sanctions.

Quel rôle joue le Golan dans la guerre de l’énergie en Syrie ?

La Syrie, de son côté, a les yeux rivés sur le Golan, où le régime israélien espère trouver une partenaire pour le champ gazier Léviathan en Méditerranée, où la compagnie Genie Energy, dirigée par le général Efraim Eitam, ancien ministre israélien des Infrastructures, est en train d’explorer du gaz de schiste.

Les principaux investisseurs de cette société espèrent trouver des ressources gazières dans cette région. Si cela se confirme, les motifs poussant le régime israélien à annexer cette région à la Palestine occupée et à contrer l’arrivée des forces du Hezbollah libanais dans cette région seront multipliés par cent. Ce régime espérait acheminer dans les années 1970 du pétrole jusqu’au port de Haïfa par un pipeline.

L’hypocrisie des États-Unis dans la contrebande de pétrole par Daech

Sans tenir compte du rôle géopolitique de la Syrie dans le transfert d’énergie et des tentatives des États-Unis pour mettre fin à toute activité de la Russie et de l’Iran dans cette région, la sournoiserie de Washington, qui a fermé ses yeux sur la contrebande de pétrole syrien par Daech pour des raisons économiques, ne doit pas être oubliée. 

Bien que, selon les résolutions des Nations unies, Daech soit reconnu comme étant un groupe terroriste et que toute transaction financière avec ce groupe soit interdite, les exportations de pétrole se poursuivaient depuis les champs pétroliers du nord de la Syrie.

Il était intéressant de noter que ceux qui aidaient Daech à exporter le pétrole étaient les alliés des États-Unis dans la région.

De nombreuses preuves ont montré que ce pétrole syrien était importé clandestinement dans les ports français, mais aucune mesure sérieuse n’a été prise pour sanctionner les personnes et les sociétés turques, israéliennes et françaises impliquées dans cette contrebande.

Les sanctions sont le prolongement de la lutte des terroristes contre le gouvernement légitime syrien

Il ne fait aucun doute que les oléoducs, les gazoducs et les champs pétroliers et gaziers joueront un rôle important dans la Syrie d’après-guerre. Les Américains ont déjà commencé une nouvelle phase de la guerre pour empêcher Damas de jouir de ses immenses ressources.

Des infrastructures énergétiques, notamment les corridors d’exportation de gaz, sont en train de prendre forme et la Syrie jouera sans l’ombre d’un doute un rôle clé sur le marché de l’énergie. Par conséquent, les sanctions unilatérales américaines contre les entreprises russes et iraniennes pourraient être considérées comme s’inscrivant dans le cadre de la bataille de sécurité et de renseignement qu’a lancée il y a plusieurs années l’axe composé d’Israël, de certains pays arabes et des pays occidentaux afin d’empêcher la Syrie de devenir un pôle pétrogazier dans la région.

Il n’est peut-être pas trop tard pour créer des gazoducs reliant l’intérieur du territoire irakien et la ville d’Abou Kamal à Damas et à Palmyre, puis à la côte méditerranéenne. Cet itinéraire est maintenant contrôlé par l’Iran et ses alliés. L’extraction de pétrole dans le désert syrien pourrait ainsi commencer avec un partenariat chinois.

Tout cela aurait pu apparaître au départ comme inimaginable, mais maintenant, avec la victoire du gouvernement syrien et de ses alliés et la formation d’un corridor vers la Méditerranée, les Américains ont dû se résoudre à accepter cette réalité et cherchent à présent à détruire ce projet en imposant de nouvelles sanctions.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV