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Est de l’Euphrate: fin de la lune de miel Trump-Erdogan

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des soldats turcs patrouillent entre Manbij, au nord de la Syrie et une zone contrôlée par la Turquie, le 18 juin 2018. ©AFP

En plein tapage autour du dossier du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, Recep Tayyip Erdogan reprend ses menaces contre les Kurdes en Syrie et prévoit une offensive militaire imminente contre l’est de l’Euphrate.

L’est de l’Euphrate abrite les plus importantes réserves pétrolières, du point de vue de superficie et de taux de production. À titre d'exemple, le champ pétrolier d’al-Omar produisait environ 300 barils par jour avant le déclenchement de la crise en 2011.

Raqqa détient, à elle seule, 70% des ressources hydriques de la Syrie sans compter les vastes terres fertiles et agricoles. L’est de l’Euphrate, étant une zone hautement stratégique, constitue un tiers de la superficie totale de la Syrie et subvient largement aux besoins du peuple en matière d’économie et de nourriture.

La province de Deir ez-Zor, située dans l’est de l’Euphrate, est la deuxième grande province de la Syrie avec 33 000 km². C’est là que la production du brut bat son plein sans oublier les riches réserves gazières qui s’y trouvent. 90% des revenus pétroliers et gaziers du pays sont assurés grâce à cette région où la culture du blé et du coton a son mot à dire.

Cette importante région qu’est l'est de l’Euphrate s’est transformée, depuis quelque temps, en un théâtre de conflits entre différentes parties dont et surtout la Turquie qui se sent menacée par la domination kurde. Cependant, la Turquie sait bel et bien que toute opération militaire contre les Kurdes l’opposera à la partie américaine, une confrontation qui s'annonce dès à présent difficile.

L’est de l’Euphrate n’est pas uniquement une zone d’opération des Américains et des Kurdes qu’ils soutiennent. Y sont également présents, les terroristes takfiristes de Daech qui ont récemment lancé une série d’attaques contre les positions des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les États-Unis. Les Forces démocratiques syriennes s’enlisent en effet dans une avalanche de difficultés en se battant contre les terroristes de Daech, à savoir les attaques et les prises d'otages.

Les récentes déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan et le ton menaçant qu’il a utilisé dans son discours à l’adresse de ceux qui mettent en péril la sécurité des frontières turques prouvent combien Ankara juge sérieuse la présence des Kurdes à l’est de l’Euphrate et aussi combien il est déterminé à lever ce grand défi.

Une Turquie qui se sent menacée et préoccupée pourrait, d'une certaine manière, garantir différents intérêts de Damas et de Moscou. La Russie, par exemple, pourrait exploiter cette préoccupation au détriment des ambitions kurdes et au profit du gouvernement syrien d’autant plus que la signature d’un accord sur la mise en place d’une zone démilitarisée à Idlib entre Moscou et Ankara a aidé ces deux parties à entretenir des relations plus proches. Rassurée par l’accord de Sotchi sur Idlib, la Turquie s’est permis de se focaliser sur une menace qu’elle jugeait « majeure » : les Kurdes et les régions qu’ils contrôlent dans le nord et le nord-est de la Syrie.

Par ailleurs, la Turquie se sent trompée par les Américains qui n’ont pas rempli leur part du contrat dans le cadre de l’accord de Manbij. Les Kurdes opèrent à Manbij en toute liberté et cette tergiversation de Washington met en colère la Turquie. Celle-ci croit que les États-Unis la distraient via le dossier de Manbij pour ainsi pouvoir renforcer les Kurdes dans le nord et le nord-est de la Syrie.

Les Russes, eux aussi, prêtent une attention toute particulière à la région de l’est de l’Euphrate. Les autorités russes ont récemment commencé à critiquer les Américains pour leurs tentatives destinées à nuire à l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie en instrumentalisant les miliciens kurdes. Dans la foulée, Moscou vient de lever un coin de voile sur les agissements suspects de Washington dans une région qui est sous contrôle de la coalition internationale.

Selon les observateurs, la Russie canalise la préoccupation crescendo d’Ankara envers les ambitions kurdes pour assurer ses intérêts et ceux de son allié syrien. C’est la raison pour laquelle elle se réjouit de tout ce qui pourrait intensifier cette préoccupation.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a récemment déclaré que la Turquie était menacée par une organisation terroriste dans l’est de l’Euphrate et qu’elle ne permettrait à personne de s’approcher de ses frontières. Il a également fait part d’une opération militaire imminente visant le nord de la Syrie notamment dans l’est de l’Euphrate, ajoutant que la Turquie était résolue à détruire tous les nids des terroristes dans cette région.

La Turquie se lancera-t-elle dans un aventurisme à l’est de l’Euphrate ?

Il est peu probable, pour d’aucuns, que la Turquie se laisse impliquer dans un aventurisme aussi vaste que celui du Bouclier de l’Euphrate en 2016 où elle a délogé tous les Kurdes de la ville d’al-Bab, appartenant à la province d’Alep. Une autre opération qui a suivi celle du Bouclier de l’Euphrate s’appelait le Rameau d’olivier qui a permis, en janvier 2018, à la Turquie de prendre le contrôle d’Afrin.

Pourquoi les observateurs jugent-ils la Turquie comme étant incapable d'allumer la mèche d’une nouvelle opération militaire aussi vaste que celle du Bouclier de l’Euphrate ou encore celle du Rameau d’olivier ?

Les raisons se diversifient. Les miliciens des FDS sont, premièrement, beaucoup plus nombreux que les Kurdes qui opéraient à al-Bab et à Afrin. Le nombre d’éléments des FDS qui sont présents dans l’est de l’Euphrate dépasse une centaine de milliers de personnes. Deuxièmement, l’est de l’Euphrate est marqué par la présence des militaires américains, ce qui empêchera certes la Turquie de se lancer dans un grand aventurisme.

Bien que Recep Tayyip Erdogan ne cesse de menacer de déloger les Kurdes dans l’est de l’Euphrate, cet enjeu ne paraît pas si facile aux observateurs et analystes des questions militaires et politiques.

Ce n’est pourtant pas toute l’histoire. La Turquie détient d’autres cartes à jouer à condition qu’elle puisse parvenir à une entente avec Damas; une entente cherchée aussi par Moscou. Sur la même lancée, il faut dire que le gouvernement syrien est résolu à reprendre le contrôle de tous les territoires du pays y compris ceux qui sont actuellement sous le contrôle des Kurdes et il a récemment lancé des avertissements à ce propos et mis en garde les Kurdes quant à la poursuite de leur collaboration avec les États-Unis.

Cette affaire prend une double importance lorsqu'elle ne se borne pas uniquement à une dimension militaire et qu'elle vise également l'aspect politique. Washington réclame que les Kurdes fassent partie du Comité constitutionnel de la Syrie; une initiative pas vraiment saluée par Ankara et Damas.

À présent, la Turquie fulmine contre le soutien militaire et financier des États-Unis aux Kurdes qu’elle considère comme étant une menace sérieuse pour sa sécurité et sa stabilité. Dans l’est de l’Euphrate, la situation s’annonce compliquée.

Il est clair que le président Erdogan n’est pas en mesure de faire grand-chose dans l’est de l’Euphrate sans l'aide et l'assistance de l’Irak, de l’Iran, de la Syrie et de la Russie, mais reste à savoir s’il se décidera finalement à coordonner directement ses agissements avec ces pays.

Cette confrontation opposant la Turquie aux États-Unis dans l’est de l’Euphrate, mettra-t-elle un terme à la lune de miel Trump-Erdogan qui a eu lieu en quelque sorte après la libération par la Turquie du pasteur-espion américain ?

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SOURCE: FRENCH PRESS TV