Depuis 2011, le régime israélien apporte sa pierre à l’édifice qu’il croit être l’effondrement de l’Etat syrien. Tel-Aviv a affirmé à plus d’une reprise que le « régime Assad » est honni en raison de « ses liens privilégiés avec le Hezbollah ». Mais les évolutions de ces dernières semaines semblent avoir poussé Israël à changer non pas de stratégie en Syrie mais de tactique. Haaretz explique :
« Depuis le début de la guerre en Syrie, Israël a suivi une politique plus ou moins cohérente. Mais les choses devront prendre une nouvelle tournure à présent. A la lumière des succès miliaires du régime Assad, aidé en cela par la Russie et l'Iran, l'approche israélienne est sur le point de changer.
Jusqu'à présent, Israël ne s’est pas engagé directement en Syrie et a réduit sa participation à la portion congrue, en se concentrant plutôt sur la défense de ses intérêts et ce qu'il considère comme «essentiel», mais il est clair que les progrès de l’armée syrienne, combinés à un manque de progrès des forces liées aux pays occidentaux, ne peuvent qu’inquiéter les israéliens et susciter des critiques acerbes à Tel-Aviv.
Israël a promis de riposter militairement à toute attaque contre son territoire. Il a également déclaré qu'il agirait pour contrer toute contrebande d'armes sophistiquées de la Syrie à destination du Hezbollah libanais.
Israël a décidé également d’offrir son aide humanitaire aux villageois résidant au Golan syrien (Le terme « villageois » est utilisé par le journal désigne des terroristes takfiris du front Al-Nosra qu’Israël appuie dans leurs combats contre l’Etat et l’armée syriens : NDLR).
En échange de ces aides, les « milices sunnites rebelles locaux » ( Le journal emploie subtilement le qualificatif « sunnite » pour suggérer à ses lecteurs l’existence d’un conflit sunnite-chiite et le parti pris des sunnites en faveur d’Israël= NDLR) contrôlent les organisations extrémistes qui pourraient s’attaquer à Israël depuis des zones qu’ils contrôlent.
En fait, la guerre en Syrie a largement servi les intérêts d'Israël. La quasi-totalité des stocks d'armes chimiques de la Syrie ont été démantelé suite à un accord américano-russe conclu en été 2013. Et le Hezbollah, principal adversaire d'Israël sur les frontières nord, a investi plus de la moitié de ses forces dans des combats en Syrie aux côtés du régime syrien, et perd des dizaines de ses combattants chaque mois dans des batailles ( Ces chiffres ne sont pas confirmés par les sources proches du Hezbollah : NDLR).
Mais la donne militaire a nettement changé en Syrie après que l’aviation russe soit venue à l'aide d'Assad, fin août 2015 avec en toile de fond de vastes campagnes de bombardements contre les positions de ses opposants.
Ces bombardements ont épuisé les rebelles et ont permis aux forces de l'armée syrienne, assistées par les milices chiites, d’encercler presque complètement Alep dans le nord de la Syrie, de se rapprocher de Dar'aa dans le sud et apparemment aussi de faire des progrès dans la région d'Idlib dans le nord-ouest.
Une victoire d’Assad serait mauvaise pour Israël parce que cela signifierait également la victoire pour ses alliés que sont l'Iran et le Hezbollah. Pour Israël, l'Occident devrait mettre un terme à son inaction et envoyer des aides militaires aux rebelles. Ceci permettra aux responsables de la sécurité israélienne de décrire comme une sorte de troisième force, les rebelles sunnites moins extrêmes et les milices kurdes, les poussant par la même occasion à se lever contre les forces d’Assad ainsi que contre Daech.
Israël voit d’un mauvais œil la victoire d’Assad car elle permettrait de renforcer l'Iran dont la position se trouve nettement réconfortée depuis l'accord sur le nucléaire à Vienne signé en juillet dernier, la levée des sanctions et le réchauffement des relations entre Téhéran et l'Occident.
La prise du contrôle du sud de la Syrie par les forces d'Assad, en particulier les régions frontalières du Golan alors que ces régions sont à 90% sous contrôle des rebelles, serait une fois de plus l'opportunité de créer une ligne de contact directe avec le Hezbollah et les Gardiens de la Révolution iraniens sur le territoire syrien.
Même si les prévisions du renseignement ne sont pas unanimes, les responsables de la sécurité israéliens ont tendance à croire qu'il est trop tôt pour déclarer la victoire d’Assad. La principale conclusion est que le régime s’est stabilisé et la perspective de sa chute, tant que la Russie lui fournira son aide d’ampleur, s’éloigne considérablement.
L'Occident n'a toujours pas formulé une stratégie claire après l'intervention militaire russe en Syrie et s’est axé sur deux objectifs plutôt passifs - stopper la vague des réfugiés vers l'Europe et la prévention des attaques terroristes supplémentaires potentiels que pourraient commettre les groupes djihadistes sunnites dans les pays occidentaux.
Bien que des efforts américains contre Daech en Irak et la Syrie aient porté quelques fruits, Washington et l'Europe sont impuissants à contrer les avancées de l’armée assadiste. La position d'Israël est celle-ci : beaucoup de choses restent à faire en Syrie, mais une intervention plus directe est essentielle pour arrêter les progrès de Bachar al-Assad et le renforcement de la position de l'Iran.