Le président français Emmanuel Macron a été stoppé net suite à l’échec d’un projet de loi phare sur l’immigration qui montre à quel point il sera désormais difficile de diriger la France sans la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Lundi, l’Assemblée nationale a rejeté son projet de loi phare sur l’immigration lors d’un vote dramatique qui a pris de court le gouvernement. La défaite a été rendue encore plus humiliante par le fait que les législateurs n’ont même pas débattu du texte, mais l’ont rejeté lors d’un vote préliminaire.
Ce bouleversement a provoqué une onde de choc au sein de l’establishment politique et interroge sur la gestion de la France.
« Cela pourrait signifier que nous arrivons plus vite que prévu à la fin de son mandat, que nous entrons dans la fin du règne d’Emmanuel Macron. Il s’essouffle et aura de plus en plus de mal à contrôler ses députés », a déclaré l’analyste politique Chloé Morin, cité par Politico.
Les doutes sur la capacité de Macron à gouverner la France se multiplient depuis qu’il a perdu les élections législatives de l’année dernière. Même si sa coalition centriste restait le groupe le plus important à l’Assemblée nationale, il ne disposait plus de la majorité absolue pour adopter des lois.
Après avoir initialement lancé l’idée que la France apprendrait les arts de la politique de coalition, le président a opté pour une politique de se débrouiller avec des accords ponctuels avec l’opposition conservatrice Les Républicains.
Le gouvernement a réussi à parvenir à des compromis dans certains domaines consensuels, notamment une législation pour renforcer le pouvoir d’achat et lutter contre le chômage. Et lorsque cela n’a pas fonctionné, Macron a utilisé le bazooka, utilisant une manœuvre constitutionnelle controversée qui lui permet de contourner le Parlement, par exemple pour faire adopter sa réforme controversée des retraites.
Mais la débâcle spectaculaire sur le projet de loi sur l’immigration a fait exploser la méthode de gouvernement de Macron.
« Le gouvernement atteint la limite de sa méthode du "en même temps" », a déclaré Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale. « Le gouvernement doit choisir son équipe », a-t-il ajouté dans une interview à la chaîne de télévision LCI que ce soit pour durcir ou assouplir la facture de l’immigration.
Les répercussions du vote de lundi 11 décembrese feront sentir largement, avec les partis d’opposition réclamant déjà la démission du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et de nouvelles élections.
La défaite du gouvernement français lundi a été un choc d’autant plus qu’il prépare minutieusement le projet de loi sur l’immigration depuis des mois. À la suite de la défaite parlementaire de l’année dernière, elle a été reportée à plusieurs reprises, augmentant à chaque fois les enjeux pour le gouvernement Macron.
On espérait que la législation, qui vise à accélérer l’expulsion des étrangers ayant commis des crimes sur le sol français et comprend des mesures visant à légaliser les travailleurs sans papiers dans certains cas, obtiendrait le soutien des conservateurs et des centristes de gauche.
Mais les premières étapes du débat sur le projet de loi sur l’immigration ont été chaotiques. La législation a été durcie lors de sa première lecture au Sénat, dominé par le centre-droit, puis assouplie lorsqu’elle a atteint l’étape de la commission parlementaire de l’Assemblée nationale.
Pourtant, la défaite a été une surprise. Le gouvernement espérait que les conservateurs seraient contraints de voter en faveur d’un projet de loi sur l’un de leurs principaux enjeux : l’immigration. Avant le vote, Darmanin a poussé les conservateurs à voter en faveur du projet de loi. « Imaginez si vous rejetiez cette législation », a-t-il prévenu la semaine dernière, « et qu’ensuite un délinquant étranger commettait un crime. La responsabilité du [Les Républicains] serait énorme ».
Le gouvernement français espérait également que le parti d’extrême gauche France Insoumise et le parti d’extrême droite Rassemblement National refuseraient d’unir leurs voix contre la coalition de Macron. Mais lundi, leur tactique consistant à diviser pour régner a échoué.
Le vote « montre que, compte tenu de la composition de l’Assemblée nationale, il est impossible d’atteindre un consensus sur un sujet aussi controversé que l’immigration… il existe une ligne de fracture politique très importante », a déclaré Morin.
Pour le président français, la défaite est un réveil brutal et un retour misérable de la haute diplomatie internationale sur la politique intérieure. Pour tenter de se protéger des bouleversements liés au fait de gouverner sans majorité claire, il avait pour la plupart délégué le travail quotidien de diriger le gouvernement à sa Première ministre Élisabeth Borne. Mais il ne peut pas ignorer la crise actuelle.
Les anciens présidents Charles de Gaulle et François Mitterrand avaient choisi d’organiser de nouvelles élections lorsqu’ils étaient confrontés à des parlements hostiles ou ingouvernables au cours de leur mandat.
Mais mardi, Macron a déclaré que « le vote d'hier ne révèle pas l'existence d'une majorité de substitution », mais vise « à bloquer le pays ». La vérité est qu’avec la montée du Rassemblement national d’extrême droite ces derniers mois, ni le parti Renaissance de Macron, ni les conservateurs ni la gauche ne veulent affronter une nouvelle raclée dans les sondages.
Le président français cherche désormais désespérément un moyen de sortir de l’impasse sur son projet de loi sur l’immigration. Le gouvernement va convoquer « au plus vite » une commission mixte paritaire, composée de députés et de sénateurs, pour tenter de trouver une issue à la crise politique. Mais la pression monte sur Macron pour qu’il réagisse. « Il est difficile d’imaginer que le général de Gaulle subisse une telle défaite et ne fasse rien », a déclaré Chloé Morin.