Des mouvements de protestation spontanés ont éclaté dimanche 27 août à Tripoli, capitale libyenne et dans plusieurs de ses banlieues en signe de refus d'une normalisation avec Israël.
La vague de contestation et condamnation intervient peu après l’annonce par les médias israéliens d’une rencontre, la semaine dernière à Rome, entre le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen et son homologue libyenne Najla al-Mangoush, qui a été alors suspendue par le chef du gouvernement libyen et soumise à une "enquête administrative".
Outre la capitale, les manifestations ont gagné d'autres villes où des jeunes ont coupé les routes, brûlé des pneus et brandi le drapeau palestinien.
Le centre-ville de Tripoli a été paralysé par les manifestants dont un groupe s'est dirigé vers le ministère des Affaires étrangères pour réclamer la démission de Najla al-Mangoush. Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent des manifestants, encouragés par les conducteurs des voitures passant à proximité, qui tentaient de forcer l'enceinte du ministère, brandissant des drapeaux palestiniens.
عاجل | مظاهرات لاهالي #تاجوراء تطالب باسقاط حكومة الدبيبة و محاسبة المنقوش . #العنوان #ليبيا pic.twitter.com/wGWsnLVow0
— صحيفة العنوان الليبية (@address_libya) August 27, 2023
La nouvelle de la réunion sur la normalisation a également suscité des réactions de condamnation au sein des milieux politiques libyens.
Le chef du gouvernement d'unité nationale (GNU) à Tripoli, Abd al-Hamid al-Dabaiba, a ordonné la détention de la ministre des Affaires étrangères Najla al-Manqoush par mesure de précaution et l'a renvoyée pour enquête.
Le Parti de la justice et de la construction (PJC) a dénoncé cette rencontre et appelé "le Premier ministre à démettre immédiatement de ses fonctions la ministre des Affaires étrangères, pour cette réunion suspecte", soulignant que "cette mesure offensante aux sentiments de tous les Libyens nécessite une clarification complète aux médias".
Dans le même contexte, l'ancien chef du Haut conseil d'État et l'un des acteurs politiques les plus importants du pays, Khaled al-Mishri, a estimé que « ce gouvernement doit être renversé » dans la mesure où il « a outrepassé toutes les interdictions religieuses, nationales et juridiques ».
Le Parti Taghyeer (Changement) a appelé le gouvernement à définir sa position sur cette mesure inacceptable, et exigé qu'il prenne les mesures appropriées et présente ses excuses au peuple libyen.
Il a aussi annoncé son rejet catégorique de toute relation avec l'entité sioniste sous quelque prétexte que ce soit.
À son tour, la porte-parole du Conseil présidentiel libyen, Najwa Wahiba, a appelé le gouvernement d'union nationale à clarifier la vérité sur la rencontre du ministre Mangoush avec le ministre des Affaires étrangères du régime d'occupation.
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Dans la foulée, le ministère des Affaires étrangères a réagit dans un communiqué : « Ce qui s'est passé à Rome a été une rencontre fortuite et non officielle, au cours d'une rencontre avec son homologue italien (Antonio Tajani), qui n'a comporté aucune discussion, accord ni consultation. »
La ministre a rappelé « de manière claire et sans ambiguïté la position de la Libye à l'égard de la cause palestinienne », a argué le ministère en assurant que Najla al-Mangoush avait « refusé de s'entretenir avec une quelconque partie représentant l'entité israélienne » et était « restée catégoriquement ferme sur cette position ».
Or, les médias israéliens disent qu’Eli Cohen, avait « rencontré secrètement » la ministre libyenne des Affaires étrangères en Italie, « une première étape visant à discuter des relations entre Israël et la Libye ».
Yaron Abraham, commentateur politique sur la Douzième chaîne, a révélé que la rencontre entre Cohen et Mangoush en Italie « a été précédée de plusieurs appels téléphoniques entre les deux ministres ».
Ceci étant, la Libye est divisée entre le gouvernement de Tripoli dirigé par le Premier ministre Abdul Hamid al-Dabiba et le gouvernement d'Oussama Hammad, qui opère dans l'est avec le soutien du Parlement et du commandant militaire Khalifa Haftar.
Il est à noter que les discussions sur une éventuelle normalisation libyenne avec Israël ne sont pas une nouveauté. En 2021, des rumeurs ont circulé dans les médias israéliens au sujet de « tentatives d'établissement de relations diplomatiques entre Israël et la Libye ».
Le journal officiel Maariv a indiqué que les dirigeants de Tripoli « envisagent la possibilité de faire progresser l'établissement d'un dialogue avec Israël à travers des relations diplomatiques officielles, afin de s'en servir comme d'une carte face à leurs rivaux ».
Al-Dabaiba avait déclaré à l'époque à Maariv que la décision sur la question de l'établissement de relations avec Israël devait être prise par le peuple libyen.