Actualité en Afrique :
Analyse de la rédaction :
1. Burkina Faso : les terroristes envahissent le Nord !
Au Burkina Faso, deux ponts ont été dynamités par des groupes armés dans la nuit de vendredi 15 au samedi 16 juillet. Après avoir détruit le pont de Woussé, obligeant un convoi censé ravitailler la ville de Djibo à revenir à Kongoussi, c’est celui de Naré qui a subi un second dynamitage. Ces deux attaques pourraient illustrer une nouvelle tactique, selon les analystes : exploser des ponts pour isoler davantage la région du Sahel et particulièrement les régions de la zone des trois frontières.
L’alerte a été donnée par les transporteurs, stoppés dans leur parcours entre Kaya et Dori. « La voie n’est pas praticable, a confié un transporteur à ses collègues tôt samedi. Le pont de Naré a été détruit encore une fois. » L’ouvrage avait été attaqué une première fois le 30 juin dernier, mais des travaux avaient permis aux populations de continuer à emprunter cet axe routier.
Selon des témoignages et des images diffusées sur les réseaux sociaux, il est désormais pratiquement impossible de rallier la capitale à Dori.
L’autre pont concerné est celui situé dans la localité de Woussé, sur l’axe Kongoussi-Bourzanga. La destruction d’une partie de cet ouvrage a obligé le convoi de ravitaillement de la ville de Djibo à faire demi-tour. Le convoi était escorté par les forces de défense et sécurité. « On attendait le convoi depuis quelques jours, explique un habitant de Djibo, mais après les nombreuses alertes, le convoi n’avait pas pu démarrer. »
Sow Abdramane, venu à Ouagadougou pour des raisons professionnelles, est resté bloqué à Kaya, dans le Centre-Nord, en tentant de regagner le Nord : "Nous sommes très inquiets par ce qui se passe, parce que nous avons remarqué qu’actuellement, la stratégie consiste à isoler de plus en plus les villes de la région du Sahel d’autres villes aussi dans le pays. Je suis à Kaya, et actuellement, je me pose des questions sur comment est-ce que je vais rentrer."
Les infrastructures routières deviennent des cibles privilégiées des groupes armés au Burkina Faso
Dans un rapport confidentiel adressé aux autorités de la transition, l’ONG Promediation attirait récemment l’attention sur cette nouvelle stratégie des groupes armés consistant à exercer une pression sur les principaux axes routiers du pays.
« C’était prévisible que, pour couper les accès, ils interdisent les gens d’accéder à ces localités-là, explique Alidou Sawadogo, membre d’une organisation de la société civile à Kongoussi. Si on arrive à sauter des ponts et on menace aussi de couper la circulation entre peut-être le Ghana, le Burkina, le Togo et le Burkina, c’est une pression. Mais il reste encore à voir à quel point. »
Selon la note de Promediation, les axes routiers reliant Niamey et Ouagadougou, soit les principaux axes assurant les importations et les exportations vers les pays du golfe de Guinée, ne sont plus sécurisés.
Fait troublant, en 2019, exactement à la même date, des hommes armés avaient déjà essayé de faire sauter l’ouvrage au petit matin du 18 juillet. Selon les autorités locales, si rien n’est fait dans l’urgence la ville de Djibo sera totalement coupée de la capitale, car le pont est endommagé.
C’est aux environs de trois heures du matin, dans la nuit du 18 au 19 juillet que les populations de Mentao ont entendu une forte déflagration. Dès le matin, les investigations ont permis de savoir que c’est le pont, situé à une dizaine de kilomètres du chef de lieu de province qui était visé.
Mais pourquoi un acharnement sur ces régions ?
Cela fait plusieurs années que les groupes terroristes tentent d’isoler ces régions du reste du pays. Tout d’abord, cela touche l’élevage. Il y a un grand marché aux bestiaux, l’un des plus importants du pays se trouve être dans la ville de Djibo, dans la province de Soum. Il est l’un des trois plus grand de la sous-région ouest-africaine. L’isolement de cette région est donc une catastrophe humanitaire, suite au manque d’approvisionnement en nourriture et en eau, ce qui fait que le bétail meurt. Ce qui représente un énorme coup au niveau économique et cela peut également amener la famine dans la région. Ce qui veut dire que sous le chantage de la faim, les groupes terroristes peuvent faire ce qu’ils veulent des civils. Recruter les jeunes, utiliser les civils comme bouclier humain en cas d’attaque de l’armée nationale et des FDS.
De plus, faire sauter les ponts pourrait viser à empêcher les populations de quitter ces zones militaires et permettre que les terroristes restent confondus à la population et mettent en difficulté l’armée dans ses manœuvres. Outre les ponts, on assiste à une destruction systématique depuis le début de l’année des moyens de communication et aussi d’installations sensibles comme l’aérodrome de Ouahigouya dans le nord, ajoute certaines sources.
En bref, cela fait des années que les régions du Nord sont dans le collimateur des groupes terroristes à la solde des Occidentaux pour pouvoir étouffer le Burkina Faso et le faire plier. Pour l’instant, les Autorités burkinabés perdent énormément de temps à se tourner vers des partenaires sérieux, qui sont prêts à soutenir le Burkina Faso dans la lutte contre le terrorisme. Des partenaires comme le Mali certes, mais également comme l’Iran ou la Russie.
2. Cameroun : Macron pas le bienvenu !
La visite d’Emmanuel Macron au Cameroun se précise. Le service de presse et veille de l’Élysée, en liaison avec l’Association de la presse présidentielle, assure que les dispositions pour le logement et le transport des journalistes ont déjà été prises. De même, plusieurs sources font savoir que des tractations sont en cours pour l’élaboration de l’agenda de cette visite. Et même que certains rendez-vous sont déjà actés.
Le premier rendez-vous concerne bien sûr l’entretien attendu entre Emmanuel Macron et son homologue camerounais, Paul Biya. Selon la presse panafricaine, les deux hommes pourront discuter des nouveaux enjeux sécuritaires dans le Golfe de Guinée, de l’influence de Moscou, de la crise anglophone, de la menace de Boko Haram dans le nord du pays et des questions politiques.
Emmanuel Macron est aussi censé rencontrer certains des jeunes camerounais qui ont assisté au sommet Afrique-France de Montpellier d’octobre 2021 lors d’une séquence consacrée à la société civile. Cette information est confirmée par Paul Joël Kamtchang, le secrétaire technique du Conseil pour le suivi des recommandations du sommet de Montpellier.
Une source proche du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) laisse entendre que tout est prêt pour une rencontre entre Emmanuel Macron et les patrons camerounais. Les contacts entre le patronat et Paris sont d’ailleurs très avancés.
Le 8 juin dernier, Célestin Tawamba a écrit au président français qui présidait alors le Conseil européen. Le président du Gicam sollicitait la tenue d’un sommet Union européenne (UE)-Union africaine (UA), élargie au secteur privé et à la société civile dans le but d’examiner la conjoncture économique internationale. Comme réponse à cette lettre, le 23 juin dernier, Célestin Tawamba a reçu Marie Audouard, la conseillère Afrique et diasporas d’Emmanuel Macron.
Par ailleurs, plusieurs programmes sur cette visite en circulation sur les réseaux sociaux laissent entendre qu’il y aura des tête-à-tête entre Emmanuel Macron et quelques opposants camerounais, à l’instar de Maurice Kamto. Contactée, Luce Delmotte, l’attachée de presse de l’ambassade de France au Cameroun, ne confirme rien. Elle indique qu’il faut attendre que cette visite soit officialisée par l’Élysée et le palais d’Etoudi qui doivent par ailleurs en déterminer le programme.
Le Mouvement Réformateur accuse Emmanuel Macron de venir « perpétuer l’héritage colonial » au Cameroun
Cette formation politique croit connaitre les grandes lignes de l’agenda du chef de l’État français annoncé en visite au Cameroun le 26 juillet prochain.
Depuis l’annonce d’une visite officielle du président français Emmanuel Macron au Cameroun, l’élite intellectuelle et politique rivalisent d’arguments pour exprimer son ressentiment de l’arrivée de l’homme d’Etat, dont l’agenda n’est pas encore rendu officiel, ni par l’Elysée, encore moins par Etoudi. Cependant, le parti politique d’opposition Mouvement Réformateur (MR), croit connaitre les grandes lignes de cette visite d’Emmanuel Macron, et indique qu’elle est essentiellement orientée vers la défense des intérêts français au Cameroun, mais surtout sur les batailles de succession que se livrent certains caciques dans le sérail pour la prendre la place Paul Biya à la tête de l’Etat.
« L’heure est grave. Emmanuel Macron ne vient pas à Yaoundé en villégiature. Mis à part le passage express et sans considération de 6h de François Hollande en juillet 2015, 23 ans après la visite du Président Chirac en juillet 1999, Emmanuel Macron, vient au Cameroun pour perpétuer l’héritage colonial au mépris des aspirations démocratiques du peuple camerounais », a commenté Samuel Billong, le président du MR, dans un communiqué rendu public ce mardi 19 juillet 2022.
Il invite avant toute chose le président français à solder le passif historique qui existe entre le Cameroun et la France, et à « reconnaitre les crimes et massacres commis pendant la guerre d’indépendance dans notre pays », tout en le mettant en garde contre son éventuelle une implication, qui serait jugée « pernicieuse », dans la transition qui s’annonce à la tête du pays.
La panafricaniste Nathalie Yamb rappelle qu’en décembre 2019, le président français Emmanuel Macron avait requis son expulsion de la Côte d’Ivoire avant qu’il n’y mette le pied.
Ironiquement, Nathalie Yamb attend de voir comment il lui sera demandé de quitter le Cameroun avant l’arrivée du président français Emmanuel Macron, comme ce fût le cas en 2019 en Côte d’Ivoire.
« En décembre 2019, Macron avait exigé que je sois expulsée de Côte d’Ivoire avant son arrivée. Il paraît qu’il veut venir au Cameroun qui, rappelons-le, a signé en avril un accord de coopération militaire avec la Russie. Je suis au pays. Je vais voir comment il va me faire expulser cette fois », a-t-elle écrit sur son compte Twitter.
« La France considère toujours le continent africain comme sa propriété. Nous voulons sortir du franc CFA. Nous voulons le démantèlement des bases militaires françaises qui, sous le couvert d’accords de défense bidons, ne servent qu’à permettre le pillage de nos ressources, l’entretien de rebellions, l’entraînement de terroristes, etc. », avait-elle déclaré.
« Ils l’ont mis dans l’avion pour Zurich avec un changement à Paris. Elle a découvert sa destination à l’aéroport. On a pu lui parler brièvement. On lui reproche une activité incompatible avec l’intérêt national, nous a-t-elle dit », avait rapporté Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale et chef de file du parti Lider au sein duquel Yamb militait.
3. Entre les BRICS et le G7, l’Afrique peut-elle bouleverser l’ordre mondial ?
Après l’Iran et l’Argentine, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Egypte pourraient rejoindre le bloc des pays émergents. Alors que l’Afrique est confrontée à l’hostilité occidentale, quels États africains seraient les plus à même de rejoindre les BRICS ?
Du conflit en Ukraine, en passant par la crise gazière et alimentaire, jusqu’à l’explosion des prix des produits de première nécessité et l’effondrement financier, l’Afrique n’a fait que subir les répercussions des manœuvres des puissances occidentales ces derniers mois.
L’Union africaine (UA) se concentre sur les soucis immédiats comme la pénurie de céréales, sans grand succès. Mais il est indéniable que de plus en plus d’États africains s’inscrivent dans l’édification du « nouvel ordre économique » mondial.
Fin juin, les sommets des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et du Groupe des sept (G7) se sont succédé. Des pays africains étaient invités à ces rencontres. Certains, comme l’Afrique du Sud, le Sénégal et l’Egypte, ont assisté aux deux sommets. Ce n’est pas un hasard. Le président de la Coordination de l’Afrique de demain (CADE), Roland Portella, estime que « l’Afrique est au cœur de toutes les décisions économiques aujourd’hui, tout simplement parce qu’on y trouve les marchés de demain ».
Près de trois semaines plus tard, lequel des sommets des BRICS et du G7 a-t-il trouvé le plus d’écho en Afrique, et pourquoi ?
Les BRICS plus importants que le G7 ?
Le conférencier français Idriss Aberkane estime que le dernier sommet des BRICS a été trop peu couvert par les médias. Pourtant, martèle-t-il, « pour la géopolitique mondiale, les BRICS sont beaucoup plus importants que le G7. Ils représentent un pivot géopolitique mondial. Le XXIe siècle va être plus déterminé par les BRICS que par le G7 ».
Dans les chiffres, les BRICS représentent 42 % de la population et 53 % de la croissance économique mondiales. Si l’apport financier des économies des BRICS — à l’exception de la Chine — est relativement bas, le bloc est créateur de richesse et la production des BRICS domine de loin celle des puissances occidentales réunies.
Autant de facteurs qui expliquent pourquoi de plus en plus de pays émergents viennent toquer à la porte de l’organisation née en 2009. La présidente du forum — comprendre la commission — des BRICS, Purnima Anand, a dévoilé au quotidien russe Izvestia que trois pays rejoindraient les BRICS « très bientôt ». Il s’agit, selon la responsable, de la Turquie, de l’Arabie saoudite et de l’Egypte.
Anand précise que l’Arabie saoudite est « sérieusement engagée » dans le processus. L’Egypte, elle, « étudie la possibilité depuis plusieurs années », tout comme la Turquie, de se joindre à l’organisation. Les trois pays semblent donc en passe de suivre l’Iran et l’Argentine, dont les candidatures ont déjà été formellement soumises.
Un enjeu américain d’envergure, alors que les Etats-Unis profitent de la chute de l’euro pour faire flotter les taux de change au bénéfice du dollar. La dévaluation du brut, notamment via l’augmentation de production, devient ainsi une priorité pour Joe Biden, qui ne s’attendait clairement pas à se faire refouler par plusieurs dirigeants dans le monde.
La Chine, qui présidait le dernier sommet des BRICS, a quant à elle trouvé Joe Biden maladroit. En effet, le président américain a déclaré : « Nous ne partirons pas (du Moyen-Orient) pour laisser un vide que la Russie, la Chine et l’Iran combleront ». Une déclaration à laquelle le porte-parole de la diplomatie chinoise Wang Wenbin a répondu : « Les peuples du Moyen-Orient sont les maîtres de la région, et le Moyen-Orient n’est pas l’arrière-cour de quelqu’un, et encore moins un soi-disant ‘vide’ ».
Les BRICS, plus soudés, inviteront-ils l’Afrique au bal ?
Un contexte essentiel pour les perspectives d’alignement géopolitique en Afrique. D’abord, le rapprochement multipartite des pays arabes, de la Turquie, des BRICS et des alliés africains pourrait dépendre de plusieurs facteurs.
L’apport d’aides financières, la coopération diplomatique et commerciale, ainsi que le respect, simplement, de la souveraineté des Etats africains sont des facteurs dont les BRICS sont les préposés. Un concept historique qui date des Indépendances africaines.
Deuxièmement, l’hésitation de nombreuses puissances émergentes à rejoindre les BRICS dénote surtout la crainte de se retrouver coincé au milieu d’un bras de fer entre la Chine, l’Inde et la Russie.
Or, comme l’explique Idriss Aberkane, la Russie « peut devenir un médiateur entre la Chine et l’Inde » et « pourra demain encourager les BRICS à créer une ONU 2.0 ». Et le conférencier de poursuivre : « Pareil, demain si les BRICS devaient décider de créer un panier de devises. Pour l’instant la Chine envisage d’être le FMI numéro 2, ce qu’elle est déjà en Afrique, où elle détient tellement de dettes américaines qu’elle peut se prévaloir d’être un deuxième FMI ».
Il faudrait donc rappeler la création, depuis 2014, de la Nouvelle banque de développement (NDB), par les BRICS. Cette institution financière avait d’ailleurs, en mai, contribué à hauteur de plus de 30 milliards de dollars en devises à l’accélération de projets dans les pays membres, en l’occurrence l’Afrique du Sud. Et se rajoute donc à la China Exim Bank, dont l’équivalent africain, Afreximbank, prend de l’importance, afin de constituer un semblant de Banque mondiale bis.
L’infrastructure financière est donc déjà en place. Et la Chine, qui est devenue le partenaire plus influent de la majorité des Etats africains ces dernières années, a également une image relativement positive en Afrique. Essentiellement lorsqu’on compare la Chine et ses alliés aux Etats-Unis et l’Europe.
Seule question qui reste, donc, en suspens : si l’Egypte franchit le pas, et en considérant que la Chine et la Russie aient aussi des arguments convaincants pour intégrer l’Ethiopie et l’Algérie — rivaux géopolitiques de l’Egypte —, l’alignement sur les BRICS serait-il, en réalité, le vrai enjeu diplomatique et économique de l’Afrique dans un futur proche ?