Dans un article signé Bryan Clark et Michael Doran, tous deux maîtres de recherche à l’Institut Hudson, le Wall Street Journal s’attardait récemment sur les raisons du rapprochement de Pékin et Moscou vis-à-vis de Téhéran. L’Iran est le partenaire idéal au Moyen-Orient dans toute alliance censée faire face à l’hégémonie américaine, a écrit le journal américain.
« La crise ukrainienne révèle une faille dans la politique iranienne du président Biden. Washington interagit avec Pékin et Moscou, comme si ces derniers ont les mêmes intérêts fondamentaux que les États-Unis, en ce qui concerne l’Iran ; or, la Chine et la Russie travaillent avec l’Iran, plutôt pour saper l’ordre mondial dirigé par les États-Unis.
C’est certainement ce que disent les responsables de Téhéran. Le porte-parole de la commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Parlement iranien, Mahmoud Abbaszadeh-Meshkini, a affirmé: “Dans le nouvel ordre mondial, un triangle composé de trois puissances -l’Iran, la Russie et la Chine- s’est formé.” Par ce propos, il voulait dire en fait que “ce nouvel arrangement annonce la fin de l’hégémonie inéquitable des États-Unis et de l’Occident”.
« Cependant, l’équipe Biden n’écoute pas », écrit le WSJ, en allusion à une rencontre, le vendredi 21 janvier à Genève, entre le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, « qui a proposé un accord provisoire pour sortir de l’impasse des négociations sur le nucléaire iranien ».
« Le secrétaire d’État en a profité pour prétendre tout simplement que “la Russie semble partager notre sens de l’urgence…, et nous espérons qu’elle saura le faire comprendre également à l’Iran”. Or, pendant que M. Blinken parlait, la Russie organisait des exercices navals conjoints avec la Chine et l’Iran dans l’océan Indien. La veille, le président Vladimir Poutine recevait le président iranien Ebrahim Raïsi à Moscou. Dans un discours devant la Douma, M. Raïssi a évoqué la “résistance” - mouvement mené par l’Iran pour détruire l’ordre dirigé par les États-Unis au Moyen-Orient. La résistance, a-t-il dit, a chassé les Américains d’Afghanistan et d’Irak, et elle a également généré “le modèle réussi de coopération entre l’Iran et la Russie en Syrie”
C’est dans cet esprit que M. Raïssi a reproduit le principal grief de M. Poutine concernant l’Ukraine. “L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a déclaré M. Raissi, cherche à infiltrer diverses zones géographiques avec de nouveaux alibis qui menacent les intérêts communs d’États souverains”. »
« Les bases navales russes à Sébastopol, en Crimée (rattachée en 2014 au territoire russe) et à Tartous, en Syrie, servent de cellules d’opérations pour la présence russe en Méditerranée », ajoute l’article. Toujours selon le WSJ, même si l’on suppose que M. Poutine adhère aux allégations occidentales sur une prétendue nécessité d’empêcher l’Iran de fabriquer son arme nucléaire, « coopérer étroitement avec les États-Unis pour atteindre cet objectif interfère avec la priorité la plus urgente de Moscou qui consiste à affaiblir l’ordre dirigé par les Américains ».
« Pour sa part, le président chinois Xi Jinping fait un ensemble de calculs similaires. Grâce à son parcours qu’on pourrait qualifier de l’un des renforcements militaires les plus rapides de l’histoire, la Chine possède désormais la plus grande armée de l’air en Asie, la plus grande armée du monde en nombre de troupes en service actif et la plus grande marine en termes de nombre de navires.
Selon les dirigeants du Commandement indopacifique des États-Unis, l’armée chinoise sera sur le point d’envahir Taïwan avec succès d’ici 2027. Le Pentagone essaie juste de faire du rattrapage. Il acquiert de nouvelles armes et technologies censées dissuader la Chine, mais celles-ci ne seront pleinement intégrées aux autres composantes de l’armée américaine qu’à la fin de cette décennie.
Le moment idéal pour la Chine de conquérir Taïwan se situera donc entre 2025 et 2030, lorsque sa modernisation militaire culminera, alors que les forces américaines seraient encore en train de s’adapter [à la réalité sur les capacités des forces armées chinoises]. »
« Et cela aussi nous ramène à l’Iran », indique le WSJ, pour dire qu’en cas de guerre à Taïwan, la Chine se tournera vers l’Iran et les forces de résistance qui lui sont proches pour menacer la navigation [américaine dans la région], afin de localiser un ou plusieurs groupes navals américains dans le golfe Persique.
Mais l’importance de la “Résistance” iranienne ne s’arrête pas là. Pékin dépend fortement des importations de pétrole du Moyen-Orient. Il vise par conséquent à protéger ses lignes d’approvisionnement longues et vulnérables en renversant les États-Unis en tant que puissance prééminente de la région, et pour réussir ce défi, la Chine aura besoin de l’appui iranien. »