De plus en plus le retrait US d'Afghanistan prend l'allure d'une ruse de guerre destinée à déstabiliser par guerre civile interposée les frontières des trois pays que sont l'Iran, la Russie et la Chine. Mais il se peut qu'avec le retrait des forces américaines, la Chine mette, prévoit le journal turc Daily Sabah, en œuvre ses plans concernant l'Afghanistan et tire royalement le tapis sous les pieds US. "Bien que la mesure dans laquelle l'agenda de la Chine puisse être réalisé ne soit pas encore claire, il est certain qu'elle a déjà franchi des pas géants. Bien avant le départ des forces américaines d'Afghanistan après près de deux décennies, la Chine, qui surveille tranquillement la situation en Afghanistan depuis des années en vue d'établir une position stratégique dans le pays, a eu des entretiens informels avec des hommes politiques afghans et des Taliban."
"En effet, le retrait des États-Unis et de l'OTAN a laissé la porte ouverte à la Chine pour tenter de devenir le nouveau joueur du «Grand Jeu». Cela rappelle l'époque où les empires britannique et russe étaient enfermés dans une confrontation politique et diplomatique visant à gagner du pouvoir et de l'influence sur l'Afghanistan et les territoires voisins d'Asie centrale et du Sud.
L'invasion soviétique de l'Afghanistan en décembre 1979 et l'invasion américaine d'octobre 2001 ont tous deux mis fin à ce Grand Jeu."
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Et le journal d'ajouter : "Les États-Unis ont pénétré en Afghanistan pour éradiquer le groupe terroriste Al-Qaïda et les talibans. Mais ils ont fini par se rendre à l'évidence, impossible de gagner la guerre à défaut d'un objectif géostratégique précis. Car contrer la Chine, l'Iran ou la Russie n'est guère une finalité en soi mais une tactique. Or c'est toute autre la perspective chinoise:
Pour la Chine, l'Afghanistan est une étape importante dans son initiative de la nouvelle route de la soie (Belt and Road Initiative), qui vise à renforcer son ancrage dans l'Asie centrale voisine et à étendre sa portée vers l'Europe par rail, route et mer.
Avec le départ des troupes américaines et d'autres troupes occidentales, les hommes politiques afghans se sont également, entre-temps, inclinés vers la Chine."
"Les efforts passés de la Chine pour rallier le gouvernement afghan ont été infructueux en raison de l'influence exercée par les États-Unis sur les gouvernements afghans, qui ont hésité à rejoindre les plans d'extension de l’initiative de la nouvelle route de la soie de la Chine.
En effet, le président afghan Ashraf Ghani, qui, par respect pour les sensibilités américaines, était par le passé réticent à discuter du projet avec les Chinois, devrait désormais s'entretenir avec Pékin après le retrait américain".
"Ghani a désespérément besoin d'une source alternative de financement, d'armes et même de troupes pour contrer tout revirement inattendu des talibans.
Les observateurs américains des démarches chinoises en Afghanistan rappellent que les Chinois avaient eu des entretiens avec le ministre afghan des Affaires étrangères de l'époque, Salahuddin Rabbani, il y a environ cinq ans au sujet d'une éventuelle extension du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) en Afghanistan dans le cadre du réseau de la nouvelle route de la soie.
Le ministre aurait manifesté de l'intérêt mais a changé d'avis lorsqu'un ambassadeur indien a approché l'ambassadeur des États-Unis à Kaboul pour faire pression sur Rabbani pour qu'il abandonne le partenariat proposé avec la Chine.
L'Inde a fait d'énormes investissements dans des projets de développement en Afghanistan, y compris un projet de barrage hydroélectrique et d'irrigation dans le district de Chishti Sharif à Hérat, surnommé le barrage de l'amitié indo-afghan".
L'agenda de la Chine
"La Chine veut attirer l'Afghanistan enclavée avec des investissements promettant de développer et de reconstruire le pays. La situation stratégique de l'Afghanistan, à son tour, aiderait également la Chine à étendre sa portée à travers le monde, l'Afghanistan servant de plaque tournante commerciale avec des liens vers le Moyen-Orient, l'Asie centrale et l'Europe.
Bien que la Chine, par l'intermédiaire du porte-parole de sa ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, ait récemment reconnu qu'elle était engagée dans des pourparlers avec plusieurs parties, dont l'Afghanistan, sur l'extension du corridor économique Chine-Pakistan, combler le vide laissé par les États-Unis et l'Occident ne sera pas une tâche facile pour la Chine".
"Bien que le départ des États-Unis semble avoir supprimé un obstacle majeur sur la voie de la Chine pour établir une position forte en Afghanistan, la Chine ne trouvera pas facile de traiter avec les talibans, qui s’opposent à la présence des étrangers dans le pays", ajoute le journal turc.
"Faire signer un accord de paix aux talibans pourrait être un bon début pour la Chine, mais comment être sûr qu'un taliban aux commandes tiendra parole ? Comment la Chine peut-elle s'assurer que les talibans ne chasseront pas un jour les Chinois d'Afghanistan ?", se demande le journal sans aller jusqu'à se demander la même question à une Turquie qui s'apprête à prendre à l'instigation US le contrôle de l’aéroport de Kaboul, façon de servir comme toujours de paravent aux activités de renseignement et secrètes US, une fois le pseudo-retrait US achevé. Le Sultan Erdogan a-t-il aussi pour mission d'en découdre avec la Chine en Afghanistan ?