Quelques heures après que le président des États-Unis eut exprimé son inquiétude liée au pacte stratégique sino-iranien, une grande figure du renseignement israélien a affirmé que Tel-Aviv était aussi très préoccupé par ce document.
L’ancien chef de la direction du renseignement militaire israélien a affirmé lundi qu’Israël était « préoccupé par le partenariat stratégique et l’accord d’investissement entre la Chine et l'Iran ».
Dans une interview avec Yediot Aharonot, Amos Yadlin a averti que « l’accord comprendrait des manœuvres militaires conjointes, des activités de recherche et de développement, ainsi qu’une coopération en matière de renseignement ».
« D’une part, la Chine s’oppose à ce que l'Iran possède la bombe atomique, mais d’autre part, cela n’aide pas à l'arrêter », a prétendu Amos Yadlin ; or, Israël est le seul régime en Asie de l’Ouest qui dispose des ogives nucléaires.
Il a également prétendu que l’Iran aurait aussi besoin d’une « protection politique, à travers laquelle la Chine empêcherait les États-Unis de faire pression sur le pays. « Les Chinois sont conscients que l’administration Biden n’est pas l'administration Trump et qu’elle pourrait se comporter d’une façon beaucoup plus agressive », a conclu l’ancien chef du renseignement militaire israélien.
Les signes d’inquiétudes de Tel-Aviv suivent ceux de l’Amérique, une Amérique qui, de l’aveu même des journalistes occidentaux et israéliens, aurait tout perdu de son influence dans la région de l’Asie de l’Ouest à cause du pacte sino-iranien.
À ce propos, l’éditorialiste du journal arabophone londonien Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, rappelle le « très important conseil de Henry Kissinger, cerveau et figure perspicace des relations internationales, à l’adresse des États-Unis, disant : « Les États-Unis vont devoir parvenir à un accord avec la Chine sur un nouvel ordre mondial pour assurer la stabilité (sur la donne des relations bilatérales], sinon le monde devra faire face à une période dangereuse comme celle qui a précédé la Première Guerre mondiale. »
S’exprimant lors d'un événement de Chatham House à Londres via le logiciel de visiophonie Zoom, Kissinger a indiqué que la question ultime était de savoir si les États-Unis et leurs alliés occidentaux pourraient ou non développer un accord avec la Chine sur un nouvel ordre mondial.
« Si nous ne parvenons pas à un accord avec la Chine sur ce point, nous devrions vivre une situation comme ce qui était le cas en période pré-Première Guerre mondiale en Europe, marquée par des conflits perpétuels qui risquent de devenir incontrôlables à un moment donné. (…) Mais à la différence de cette époque-là, aujourd’hui la situation est beaucoup plus dangereuse ; car les armes à haute technologie dont disposent les deux parties [armes nucléaires stratégiques que possèdent les deux camps occidental et chinois] pourraient conduire à un conflit très brutal. »
Mais le journaliste arabe croit que le cri d’avertissement de Kissinger arrive tard ; « car la politique de sanctions excessives que l’administration Trump a adoptée envers ses adversaires, à savoir, la Chine, la Russie, l’Iran et le Venezuela au cours des quatre dernières années, suivie de l’avènement au pouvoir d’un président démocrate faible (Joe Biden) aux États-Unis, a fait naître de nouveaux plans d’alliance mondiaux dont l’exemple le plus exact serait l’alliance Chine-Russie-Corée du Nord-Iran avec en toile de fond des mesures immédiates censées créer un système financier en remplacement du système américano-européen qui domine le monde depuis la Seconde Guerre mondiale sous la houlette des États-Unis ».
L’éditorialiste de Rai al-Youm continue en ces termes :
« Kissinger est celui-même qui avait très tôt réalisé, à l’époque, le danger d’une alliance russo-chinoise pour son pays, et qui a inventé la diplomatie du ping-pong pour empêcher cette alliance, avec la formation d’une forte alliance américano-chinoise face à l’empire soviétique au début des années 70 du siècle dernier. Mais M. Kissinger, âgé de nos jours de 96 ans, pourrait ne pas se rendre compte que le monde a changé, et que la Chine qui l’avais « séduite » et qu’il avait poussée vers une alliance avec les États-Unis n’est pas la Chine d’aujourd’hui, une Chine qui se rapproche rapidement du leadership de l’économie mondiale, mais aussi du leadership mondial du monde avec une vitesse record. »
Faisant allusion au document global de coopération signé entre l’Iran et la Chine, Atwant écrit que « les vrais motifs de cet accord, négocié depuis de nombreuses années entre les deux pays, iraient au-delà d’une simple confrontation avec Washington, et contiennent de vastes horizons commerciaux et militaires, surtout que les besoins de Pékin envers le pétrole étranger dépassent les 6 millions de barils par jour, tandis que l’Iran pourrait se réserver la part de lion, soit, la sécurisation du marché, un énorme échange de marchandises et la promotion du projet économique et stratégique « Ceinture et la Route » ou la nouvelle route de la soie envisagée par la Chine.
« Les Iraniens ont compris que l’équilibre de pouvoir mondial évolue en défaveur de l’Amérique, et ont profité de la concurrence sino-américaine actuelle pour faire annuler les sanctions. Ils [les Iraniens] ont également essayé d’assurer leurs intérêts économiques et politiques à court et à long terme en concluant une alliance avec la Chine, la Russie, la Corée du Nord et le Venezuela Face à l’Alliance nord-atlantique. »
D’après le journal Rai al-Youm, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire en 2018 et la réticence de l’Union européenne à aider l’Iran et à alléger les sanctions américaines imposées au pays ont fourni une occasion en or à la Chine de se rapprocher de l’Iran, un Iran qui, après ayant joué la carte chinoise après la carte russe, ne tardera pas à la faire entrer dans la région.
Signe des temps, la Chine ayant signé le pacte de partenariat stratégique avec l’Iran, se sent tellement confiante qu’elle propose de s’entremettre entre les Arabes et les Israéliens, et d’effacer totalement Américains, toujours selon Abdel Bari Atwan.
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« L’administration Biden a commencé à prendre conscience des prises de position iraniennes et a abandonné la plupart de ses conditions préalables, notamment la négociation d’un nouvel accord alternatif incluant l’arsenal balistique iranien et ses essais de missiles », souligne Atwan, se voulant rassurant sur le fait qu’après la signature du pacte stratégique avec la Chine, l’Iran insistera encore plus sur les positions en rapport avec l’affaire nucléaire.
« La chose la plus importante dans l’accord sino-iranien ne consiste pas seulement à briser le blocus et à contrecarrer les sanctions américaines ; il s’agit aussi et surtout de l’engagement chinois à préserver ses intérêts à Téhéran, à la fois sécuritaires et militaires », précise Atwan d’après lequel « les États-Unis et leurs alliés vont devoir affronter à des jours bien difficiles au Moyen-Orient ».