Peu importe que Biden soit sérieux ou non pour mettre fin à la guerre contre le Yémen, les Saoudiens vivent cette prise de position comme une défaite, pire comme un lâchage.
Le département d’État a parlé, plus d’une fois ces dernières semaines, d’une suspension de la vente d’armements à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis et d’une révision des transactions d’armements avec ces pays. Et cela en plus de l’annonce, un peu plus tôt, du retrait d'Ansarallah de la liste noire.
Pourtant, le président US a annoncé jeudi dernier qu’ils continueraient de soutenir l’Arabie saoudite dans sa « défense de la souveraineté et de l’intégrité territoriale» face à ce qu’il a qualifié de « menaces proférées par les forces soutenues par l’Iran », déclarations qui ont été chaleureusement accueillies par Riyad et qui prouvent de la meilleure manière que l’administration Biden n’entendait absolument pas stopper la vente d’armes à l’Arabie ou aux Émirats mais changer, tout simplement, la raison de cette transaction, ô combien juteuse.
Mais que cache-t-elle cette manœuvre? Les analystes en la matière estiment que Biden cherche deux objectifs à la fois : la vente d’armes dans la pure tradition US à l’Arabie et encaisser les pétrodollars saoudiens et surtout priver les lobbies d'armement proche des républicains et de Trump d'en tirer bénéfice en prévision des futures présidentielles américaines.
La guerre contre le Yémen a été lancée avec le feu vert du démocrate Barak Obama. Pour quelle raison convaincante (!) alors Biden, l’adjoint de ce même Obama, devrait-il décider de la fin de la guerre aujourd’hui ? A cela s’ajoutent de nouvelles bases militaires américaines dressées au Yémen, à Mahra, à Hadramout, et sur les îles de Mion et de Socotra soit tout ce qu'il faut pour avoir une vue sur le détroit de Bab el-Mandeb.
L’analyste yéménite Ali al-Mathouri est convaincu que par cette nouvelle rhétorique, Biden est en pleine manœuvre de diversion à la fois à l'égard de l'opinion US mais surtout à l'endroit du clan Salmane qui a payé l'aventure US/Israël en mer Rouge pour ne récolter qu'une royale défaite militaire, un gouffre financier abyssal et des risques de démembrement réels sur son flanc Sud. D'ailleurs le fait que le CentCom ait décidé de retirer ses troupes du Sud saoudien voire de Riyad pour les redéployer sur la côte Ouest renvoie selon l'analyste à une volonté de faire imploser le royaume. Curieusement, c'est juste après l'annonce de Biden que des manifestations ont éclaté à al-Qassim au nord du royaume à renfort des appels successifs largement partagés sur les réseaux sociaux. Une implosion pétrolifère a-t-elle été le but recherché des Américains dès le début?
Quoi qu’il en soit, les Saoudiens, enlisés qu’ils sont dans le bourbier yéménite, se sont vus obligés de se mettre à la table des négociations avec Ansarallah et cela, dans les circonstances où les Yéménites sont dans une position de force. Mohammed Ali al-Houthi, du Conseil politique suprême yéménite, est aussi sérieux que précis : « Ce que dit Biden ne sont que des paroles. Nous attendons la fin du blocus et de la guerre. Nous ne négocions que dans le cadre des intérêts du Yémen et nous n’acceptons aucune humiliation. Nous exigeons des indemnités de la part des pays agresseurs tout comme les indemnités qu’a données le Koweït à l’Irak. Le peuple yéménite se réserve le droit à l’auto-défense. Nous fabriquons des missiles et des drones et nous sommes les plus expérimentés dans le domaine de combat. »