Et puisque les affidés otaniens de Washington ne cessent du retour des démocrates aux affaires, et d’une « recomposition de l’axe transatlantique » après la disparition de Trump du paysage, autant anticiper les impacts surtout au Caucase sud où la bataille de 44 jours déclenchée sur l’instigation de l’axe US/OTAN/Israël a laissé les tourneurs de la machine des guerres sur leur faim, la Russie et l’Iran ayant fini par leur faire barrage, la Russie avec une présence militaire permanente bien large au cœur de la zone du conflit et l’Iran, en montrant d’abord ses muscles avant de mettre largement à profit des affinités civilisationnelles avec les deux parties en lice, Bakou et Erevan. En effet, à Bakou, l’Iran a proposé sa contribution dans la reconstruction des ruines de la guerre tandis qu’à Erevab, il a proposé une présence plus active de ses entreprises, quitte à canaliser les flux commerciaux. Le mot d’ordre, créer une dynamique à six, propre à renforcer la stabilité d’une région stratégique, limitrophe à la fois avec la Chine, la Russie et l’Iran, soit les trois cotes du triangle cible de la nouvelle administration US.
Entre le dimanche 24 janvier et le vendredi 29 janvier, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a effectué une tournée régionale, le conduisant en République d’Azerbaïdjan, en Russie, en Arménie, en Géorgie et en Turquie pour s’entretenir avec ses homologues ainsi que d’autres responsables des pays concernés. C’est le Caucase sud, zone stratégique située au confluent des routes énergétiques qu’aucun acteur régional et international ne peut ignorer. Les entretiens de Zarif ont ainsi été axés sur le renforcement d’une convergence régionale, chose contre quoi l’axe US/Israël/OTAN font tout puisque c’est là que réside la clé du succès de leurs plans de déstabilisation, de leurs projets de révolution colorée, bref, d’un retour du statu quo hanté quand USA/OTAN faisaient la pluie et le beau temps dans l’arrière cour irano-sino-russe.
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Au fait, à l’heure des changements de couleur à Washington, et les craintes des coups fourrés démocrates que sentent la Turquie d’Erdogan et la classe dirigeante pro Trump de la Georgie, l’Iran a voulu rappeler qu’il est faux de compter sur des pays situés à des milliers de kilomètres du Caucase alors que la force se trouve toujours dans l’unité avec ses voisins. Une « coopération à six » qui unirait l’Iran, la Russie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaijan et la Turquie est la bienvenue surtout que la saignée du Haut-Karabakh a bien prouvé aux populations des pays concernés à quel point l’Empire US et ses affidés font peu de cas des peuples de la région, de leur présent, de leur avenir et comment ils se jouent de leur paix et de leur sécurité, ne voyant en eux que des cobayes des laboratoires militaires et des terrains d’essai des usines d’armements.
Alexandre Maryasov, expert du Club Valdai, a estimé dans une interview exclusive avec l’agence de presse iranienne IRNA, que l’Iran et la Russie constituent les deux puissances voisines de la région du Caucase du Sud et de la mer Caspienne et qu’à eu deux, ils sauraient créer une dynamique à six, propre à contrer l’offensive occidentale. La chose est d’autant plus importante que la Russie fait en ce moment l’objet d’une guerre hybride autour de l’affaire Navalny et qu’en mer Noire, l’US Nany ne cesse de multiplier ses provocations. « Ces deux pays (Russie, Iran) assument une importante part de responsabilité pour assurer la stabilité et la prospérité économique de cette région et éviter que les brèches soient exploitées par les Américains et l’OTAN : “la coopération entre l’Iran et la Russie, dans le cadre d’un format à six, pourra remédier aux conséquences désastreuses de la récente guerre de 44 jours entre l’Arménie et la République d’Azerbaïdjan et rendre le terrain propice à la prospérité économique de la région et partant à une reformulation des alliances”.
“Il est grand temps que les discussions entre les coopérations iraniennes et russes au sujet du Haut-Karabakh deviennent un terrain pour transformer les hostilités au Caucase-sud en interactions et coopérations.” D’ailleurs l’Iran marche dans ce même sens : profitant de ses affinités religieuses, culturelles et historique, il agit sur tous les tableaux, en entretenant des liens avec Erevan et Bakou : “Le conflit du Haut-Karabakh avait rendu possible une intervention des forces extrarégionales dans les affaires de cette région, une intervention qui risquait de déstabiliser toute la région de la mer Caspienne. L’ère de Biden sera encore pire et les tentatives interventionnistes US, plus nombreuses. Alors les coopérations irano-russes sont nécessaires autant en Syrie et au Moyen-Orient que dans le Caucase sud. En d’autres termes, un puissant front anti-OTAN/anti US s’impose. Surtout que le nucléaire iranien pourrait être utilisé par les USA pour éloigner l’Iran de la Chine et de la Russie. Le voyage de Zarif a porté la caution pour prouve que l’Iran reste dans le camp Est et qu’il continue à exiger et à œuvre pour un ordre multilatéral”.
D’où sans doute cette union d’idée affichée entre Moscou et Téhéran sur le dossier phare qu’est le nucléaire. Les entretiens de Zarif ne se sont pas limités à des sujets comme la coopération et la convergence régionales ; l’accord nucléaire de 2015 a dominé une bonne partie des discussions entre les chefs de la diplomatie iranienne et russe à Moscou. « Ce qui nous importe quant à la nouvelle administration américaine est que si Joe Biden lève les sanctions que Trump avait imposées à la République islamique d’Iran”, a dit à Moscou Zarif. Il a souligné que si la partie américaine annulait les sanctions anti-iraniennes et qu’elle cessait d’entraver les coopérations économiques entre Téhéran et d’autres pays, l’Iran, lui aussi, retournerait à ses engagements, pris dans le cadre de l’accord nucléaire. Et pas autrement !
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Lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue iranien, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a annoncé que l’Iran et la Russie partageaient la même position quant à l’accord nucléaire. Les sirènes occidentales ne parviendront plus à ensommeiller Téhéran qui s’est érigé en puissance régionale voire en pivot des alliances nouvelles.