A dix jours de la fin du mandat du président-putschiste Donald Trump que plus d'un analyste tend à voir, son secrétaire d'État Pompeo annonce qu’il allait inscrire le Mouvement de la Résistance yéménite, Ansarallah sur sa « liste noire ». Est-ce une bonne idée? La totalité de la presse atlantiste qui tout au long des cinq dernières années n'a lésiné sur aucun moyen pour maquiller les crimes de guerre et contre l'humanité commis par la coalition pro-Riyad à l'encontre du peuple yéménite en « action armée contre une rébellion pro-Iran », la mesure est plutôt « mal-déplacée » puisque, dit Middle East Eye, « cela compromettrait les aides humanitaires aux Yéménites ». Evidemment, l'argument humanitaire est bon à mettre à toutes les sauces même s'il contredit de façon flagrante le comportement occidental au Yémen. Ceci étant, en blacklistant Ansarallah, le régime américain qui est un tout, malgré cet apparent front divisé, vient de faire un aveu d'échec, aveu d'échec de taille que l'axe Riyad-Abou Dhabi qui se réjouit du blacklistage de la Résistance a tout intérêt à prendre au sérieux.
C'est pour sauver Israël des eaux troubles yéménites que la mesure a été entreprise. Alors comment compter sur Israël pour faire face à Ansarallah? Ce paradoxe, Riyad et Abou Dhabi devaient bien s'y interroger il y a quelques jours quand l'entité sioniste a annoncé avoir déployé les batteries de missiles Patriot plus les batteries de Dôme de fer à Eilat, par crainte d'avoir l'un de ses quatre, droit à un premier missile balistique de précision Qods ou à une première nuée de drones-missiles de croisière d'Ansarallah. L'axe Abou Dhabi-Riyad qui, orphelin de Trump, mise tout sur Israël, aurait dû aussi se rappeler que le coup de sous-marin qu'Israël a tenté de jouer contre l'Iran fin décembre, juste pour dire qu'il a une marine de guerre digne de ce nom, a fini en queue de poisson, ce sous-marin n'ayant jamais quitté le port d'Eilat, n'ayant jamais osé franchir le détroit de Bab el-Mandeb, là encore par peur de sauter sur les mines marines d'Ansarallah ou de percuter l'un de ces bateaux télécommandés qui ont fait le malheur de Riyad à Djeddah en y faisant fuir les pétroliers occidentaux.
Mais ceci n'est que le côté « golfien » de cette mesure folle: car le département d'État américain qui affirme dans une déclaration au Congrès que le mouvement Ansarallah est une « organisation terroriste étrangère », inclut systématiquement les troupes US et leurs alliés israéliens sur la liste noire de la Résistance yéménite, ce qui ne rend les choses pas trop gérables pour un Israël qui s'apprête à prendre le pignon sur rue de Socotra aux frais des Emirats. Ni non plus pour une Amérique/GB quasi chassée de Maarib qui ont retiré leurs forces de Somalie pour les redéployer à l'est du Yémen, à Mahara dans l'espoir de pouvoir remplacer le pétrole de Maarib par celui de l'Est yéménite.
Car un Ansarallah qui met sens dessous dessus le port de Djeddah par un seul missile Qods-2, qui en chasse les sociétés anglo-saxonnes et qui selon les mauvaises langues ne serait même pas si étranger à la spectaculaire frappe visant tout récemment l'aéroport d'Aden, n'hésiterait pas un seul instant à s'en prendre aux troupes US au Yémen ou aux cargos israéliens en mer Rouge.
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D'ailleurs, les mises en garde en ce sens n'ont cessé d'être multipliées ces derniers jours. La dernière en date, c'est al-Masdar News qui rapporte : « Ansarallah frappera durement des installations sensibles en Israël au cas où l'armée israélienne entreprendrait une aventure militaire au Yémen ».
« Si l'ennemi israélien procède à une action insensée, le peuple yéménite n'hésitera pas à déclarer la guerre et nous aussi, nous ne tarderons pas non plus de frapper les cibles très sensibles de l'ennemi israélien », c’est ce qu’a réaffirmé un membre du bureau politique d’Ansarallah Fadl Abu Talib. Et de poursuivre : « Les responsables criminels d’Israël qualifient de menace le Yémen. Par conséquent, je me permets de rappeler les propos tenus par le dirigeant d’Ansarallah, Abdul-Malik al-Houthi ayant souligné que notre peuple n'hésitait pas à déclarer la guerre contre l'ennemi israélien, et à frapper les cibles les plus sensibles d’Israël s'il serait impliqué dans une folie contre le peuple yéménite. La position d'hostilité envers Israël en tant qu'entité usurpatrice est un engagement humanitaire, moral et religieux de principe ».
Et bien cette mise en garde s'applique par extrapolation aux troupes US, beaucoup trop présentes au sud et à l'est du Yémen, par exemple sur l'île de Perim près du détroit de Bab el-Mandab, « pour protéger les intérêts et assurer la sécurité d’Israël ».
Dans ce contexte, cet appel de JP sioniste est bien révélateur. En allusion à l’importance stratégique du détroit de Bab-el-Mandeb, le journal israélien dit que « le courant saoudo-occidental croit que l'armée et les Comités populaires (Ansarallah) ne devraient pas se rendre maître de ce passage. Tout comme Israël qui de par l'accord d'Abraham est plus ou moins impliqué dans le conflit yéménite ... mais de là à dire qu'Israël s'impliquera directement dans la guerre pour faire face à Ansarallah, il ne le fera jamais »... Une marche arrière de taille face à la toute puissance militaire d'Ansarallah? Certains observateurs diraient qu'en mer Rouge, l'entité sioniste commence à connaitre la même situation qu'au sud du Liban, à savoir « assiégé et pris en otage ». Alors le blacklistage... une bonne idée?