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Qui fait sauter Beyrouth pour en éloigner la Russie?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Un incendie s'est produit sur le port de Beyrouth, capitale libanaise, le 10 septembre 2020. ©AFP

Incendies et explosions se poursuivent au Levant et ils ne se ressemblent pas ! Jeudi une méga explosion a frappé une base militaire et ses entrepôts en Jordanie, faisant 5 morts et blessés au milieu du déni paniqué d’Amman, alors même qu'au port de Beyrouth où sont toujours amassés depuis 40 jours les armadas de l'OTAN, un entrepôt d'essence brûlait pour le seconde jour consécutif. Le président Aoun qui a déjà laissé entendre que la double explosion du 4 août est l'oeuvre des saboteurs « étrangers » qui se plaisent ces temps-ci à essayer leurs bombes électromagnétiques ou autres outils de guerre dans les pays souverains de la région pour en intimider les États et les nations, y est revenu et a affirmé que c'était là un acte de sabotage ou un accident. Le 7 août dernier, le président libanais avait déjà demandé à la France et aux puissances occidentales de lui fournir des cartes satellites pour que l'enquête soit exacte et que la présence en masse des avions de reconnaissance US et d'Israël juste avant les explosions de Beyrouth prennent sens. Sa nouvelle sortie renvoie toujours à cette exigence que le duo France/USA a cherché à ignorer. 

Les habitants de Beyrouth avaient découvert effarés une fumée noire opaque visible depuis plusieurs quartiers, provoquée par l’incendie de l’entrepôt où étaient stockés des bidons d’huile et des pneus, au moment où en Syrie les sapeurs pompiers font face depuis plusieurs jours déjà aux feux de forets à Lattaquié et à Hama. 

Qui est le vrai pyromane dans tous ces incendies de Natanz aux silos à céréales de Najaf, en passant par le Liban ou encore la Syrie ? Pour ceux des analystes qui ont vu à travers la double explosion de Beyrouth une tentative criminelle de contrer la dynamique de rapprochement des pays de la région envers la Chine ou encore la Russie, la réponse est connue d'avance.

En effet, à Damas, la semaine dernière, la Russie a évoqué avec les autorités syriennes une extension de la base navale de Tartous avec l'intention de contrer la présence USA/OTAN en Méditerranée orientale. Il va sans dire qu'avec un port de Beyrouth dévasté, Tartous trouve une importance de poids pour le Liban. Et la Russie est prête à établir cette connexion.  

Le journal Maariv s'inquiétait il y a peu de « la Russie qui montre une implication croissante au Liban, et que si cette présence est étendue à la dimension militaire, cela créera des difficultés pour la liberté d’action d’Israël ». L'allusion est bien évidemment faite aux liens Hezbollah/Russie qui déjà au Golan donne des grains à moudre aux sionistes. 

À la suite de la puissante explosion qui a détruit de grandes parties de Beyrouth, la Russie a été parmi les premiers à aider le Liban à transférer du matériel et du personnel médical. Cette réponse reflète l’implication croissante de la Russie au Liban, qui démontre les intérêts russes et la manière dont la Russie travaille pour les faire progresser.

L’intérêt de la Russie pour le Liban, pays aux six millions de ressources naturelles, provient principalement de sa situation sur les rives de la Méditerranée. La Russie voit en Méditerranée – et surtout à l’Est – la continuation de la mer Noire: c’est sa route maritime, toute l’année, vers son espace stratégique au Moyen-Orient et en Europe du Sud. De plus, le voisinage avec la Syrie, dans lequel la Russie investit des ressources et des efforts, rend le Liban important aux yeux de Moscou.

Et Maariv d'ajouter : « La Russie opère conformément à la doctrine Grasimov (l’actuel chef d’état-major de la Russie), dont le principal trait est qu’en dehors et avant le recours à la force militaire, tout autre moyen, y compris économique, culturel, psychologique et diplomatique, doit être poursuivi afin d’atteindre des objectifs stratégiques. Il s’agit de mener une activité globale pour atteindre la meilleure base possible pour faire avancer ses objectifs, et Moscou n’est pas pressé d’intervenir militairement au Liban surtout qu'il compte sur le Hezbollah, son puissant partenaire qui lui a déjà ouvert les portes des projets gaziers. » 

Et le texte d'ajouter : « Au Liban, Moscou pourrait même ne pas jouer un jeu "à somme nulle" avec les États-Unis car le Hezbollah a de quoi faire basculer le jeu en faveur de l'Est.

La Chine à qui Nasrallah a déjà fait appelle, tout comme la Russie, le savent et elles attendent leur heure. Pour la Russie, Washington n'aura d'autre choix que de réduire sa présence et seule une absence américaine permettra l’autonomisation de la sphère d’influence de la Russie. » 

Lire plus: «Les sanctions ne feront que renforcer le Hezbollah»

Par rapport à la Russie (qui fait face à des difficultés économiques en raison de la volatilité des prix de l’énergie et des sanctions à son encontre), le levier principal et presque exclusif des États-Unis vis-à-vis du Liban est l’aide économique, surtout compte tenu de l’état lamentable de l’économie libanaise. Si les États-Unis réduisent leur aide au Liban, ce qu'ils sont en train de faire au grand bonheur des anti-Américains dont le Hezbollah, on s’attend à ce qu’il s’affaiblisse considérablement et que le pays se tourne davantage vers les Russes et les Chinois, et l’Iran intensifiera également son implication, que ce soit via le Hezbollah ou directement.

Dans le contexte des événements en Syrie, et étant donné qu’il n’est pas possible d’agir au Liban en ignorant la partie importante prise par le Hezbollah dans le pays, la Russie promeut un dialogue ouvert avec l’organisation en tant qu’interlocuteur légitime. Contrairement à de nombreux pays occidentaux, la Russie sait jauger à sa juste valeur ce précieux dialogue et elle fait tout pour l'élargir. Le Liban a toutes les chances de basculer dans le giron sino-russe au train où vont les événements surtout que les pressions économiques et les sanctions ne font que l'éloigner de l'Occident ?

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV