De trois mois de blocage du système bancaire, assorti d’émeutes téléguidés, d'efforts de déstabilisation, de menace et d'intimidation, tous signés US/alliés, le Liban est sorti vainqueur, doté d’un gouvernement dont la composition a été annoncée, "contre toute attente"; comme le reconnaissent les médias mainstream. Le Sunnite Hassan Diab est parvenu ainsi en, à peine, un mois et deux jours de tomber d'accord avec le Chrétien Aoun et le Chiite Hezbollah pour infliger une royale rebuffade aux Américains et à leurs alliés qui tout au long de la semaine ont cumulé les coups bas pour empêcher cet exploit. Le cabinet en soit est un nouveau : six ministres femmes bien que les médias occidentaux l'ignorent, eux, si d'habitude sensibles sur ce sujet. Et puis une ministre à la tête de la Défense dans un contexte particulièrement sensible où une confrontation militaire avec Israël n'est pas écartée.
Le gouvernement est désormais constitué de la coalition Courant Patriotique Libre (CPL), du Hezbollah, Tashnaq, Mouvement Amal, Parti Démocratique Libanais et Mouvement Marada mais en l’absence du Parti Social National Syrien (PSNS), soit des forces nationalistes et patriotiques qui n'attendent pas des recommandations de telles ou telles ambassades étrangères pour agir ou s'exprimer. Le Courant du 8 mars (le Hezbollah et ses alliés) a déployé beaucoup d’efforts pour maintenir Saad Hariri au pouvoir et former un gouvernement d’union nationale mais les accointances pro Riyad l'ont remporté sur le nationalisme. Idem pour les Forces libanaises de Samir Geagea et la formation du chef druze Walid Jumblatt qui ont organisé des manifestations, le 21 janvier, contre le gouvernement avant même que sa composition soit connue. Peine perdue.
Depuis octobre 2019, Washington a tout fait pour d'abord provoquer puis exploiter des manifestations populaires afin de retirer le Hezbollah du gouvernement. Même après la nomination de Diab, la Maison-Blanche n’a cessés ses ingérences, multipliant chantage, menace, blacklistage sans pour autant pouvoir vaincre Diab qui a poursuit sans relâche ses rencontres et ses consultations et a eu enfin gain cause.
« Certains partis sont opposés à participer au gouvernement, quitte à mettre le feu à la poudrière des contestations afin de les exploiter comme levier de pression contre d’autres parties notamment l’axe de la Résistance. Mais c'est là un pari perdu d'avance, le gouvernement est né et il veut travailler et la rue finira par lui en accorder l'occasion», estime Fadi al-Seyyed, le directeur du Centre des études intellectuelles et stratégiques du Liban qui relève que le plus grand perdant de ce jeu dangereux reste "les parties qui ont prêté l'oreille aux diktats étrangers" : « Saad Hariri est le plus grand perdant de cette équation. Même la plupart des pays arabes sont aujourd'hui insatisfaits du comportement de Saad Hariri. Cela signifie qu'il a perdu aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Lorsque le secrétaire général des Nations unies soutient le nouveau Premier ministre pour résoudre les crises politiques et économiques, cela signifie que la position internationale est en faveur de la formation du gouvernement et qu’il soutient ce gouvernement, dirigé par Hassan Diab. Cela signifie qu'aujourd'hui Hariri n'a pas d'outils pour obstruer, il jouait avec des cartes de rue, mais la nature de cette carte diffère après la mise sur pied du gouvernement. »
Et l'analyste ne croit pas si bien dire : le camp occidental, soudé jusqu'ici contre la Résistance vient de se fissurer, les États-Unis et la Grande-Bretagne ayant de facto perdu le soutien de leurs alliés européens. Surtout avec un gouvernement libanais si unique : un quart des ministres sont des femmes, ce qui est en soi révolutionnaire. Aucun ministre n’était présent dans le gouvernement précédent. Et point très particulier : deux ministre sont membres du Hezbollah malgré la menace de sanctions formulées par la Grande-Bretagne. Cela veut dire que le Liban n'est pas prêt à céder aux pressions US/Israël sur aucun des dossiers en cours: celui du gaz par exemple auquel a fait allusion le secrétaire général du Hezbollah dans l'un de ses derniers discours au moins de décembre. Pour une Amérique qui au même mois de décembre avait envoyé son émissaire imposer au Liban "les frontières maritimes décidées à Tel-Aviv", c'est forcément une très mauvaise nouvelle.