Le président turc et les médias affiliés au parti au pouvoir parlent moins de la Syrie et de l’avenir de ce pays par rapport au passé. L’agence de presse officielle iranienne, Tasnim a abordé dans un article daté du 21 janvier et écrit par Mohammad Ali Dastmali les raisons pour lesquelles Ankara se focalise moins sur la Syrie en faveur du dossier libyen. :
"La couverture médiatique et des analyses brèves et détaillées sur les pourparlers entre Hakan Fidan, chef des services secrets turcs, (le MIT) et Ali Mamlouk, chef du bureau de la sécurité nationale syrienne à Moscou, ont été rapidement oubliées. Maintenant les médias turcs se focalisent davantage sur les nouvelles et les reportages en provenance de la Libye. Il semble que les évolutions en Libye sont plus importantes à leurs yeux que ce qui se passe à Idlib.
Plus aucune allusion aux 3,5 millions de déplacés syriens résidant en Turquie, ni à la poursuite ou à la fin de la présence militaire turque en Syrie, ni même aux tensions occasionnelles opposant, à l’est de l’Euphrate, les milices affiliées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) aux forces turques. Le dirigeant turc, Recep Tayyip Erdogan évoque de temps en temps l’affaire d’Idlib sur fond de pâles menaces contre Damas mais il se dit plutôt inquiet du dossier de l’est méditerranéen et de la Libye ainsi que des ingérences des Émirats arabes unis et de l'Égypte dans ce dossier. Erdogan a même commencé à s'en prendre à Riyad et à ses crimes au Yémen.
Et pourtant le spectre de la crise plane toujours sur Idlib. Contrairement à un certain nombre de pays, la Turquie est toujours aux prises avec la crise syrienne. En effet, un sixième de la population syrienne réside en Turquie avec en amont des problèmes sociaux et frontaliers, d'importantes affaires liées à la sécurité et à la défense, tels que le conflit avec le PKK, le soutien aux groupes armés opérant en Syrie et la présence de troupes turques à l'ouest et à l'est de l'Euphrate. Alors pourquoi ce silence médiatique? A Idlib Ankara s'est fait neutralisé. Politiquement parlant, il se résigne désormais à la Russie et à l'Iran deux "partenaires" dans le processus d'Anstana. Sur le plan militaire, l'armée turque a bien réalisé qu'elle ne saurait tenir tête ni à la Russie ni l'armée syrienne et les frappes intenses aériennes syro-russes le lui ont prouvé.
Erdogan espère pouvoir d'une façon ou d'une autre convaincre Damas à préserver une partie du territoire syrien et on parle déjà des entreprises turques qui y construisent des infrastructures et des maisons. Il compte beaucoup sur ses liens avec Moscou pour arriver à cette fin. Certes, il sait que Damas s'y oppose frontalement mais Ankara fonde tout son espoir sur le comité de rédaction de la Constitution syrienne où sont présents ses "pions". Intégrer plus de deux cents groupes terroristes contre Bachar Assad et les rassembler sous un même parapluie que la Turquie appelle « l’Armée nationale syrienne », n’est pas une petite affaire et constitue un levier de pression important. Même si l'armée turque se retire complètement de l'ouest et de l'est de l'Euphrate, la question des terroristes armés restera un défi majeur pour la Syrie.
Quant au PKK, les attaques d’envergure de l'armée turque et la médiation des Russes et des Américains l'ont rendu inactive. Tout ceci laisse une large latitude pour que Erdogan concentre une grande partie de ses efforts politiques, sécuritaires et diplomatiques sur le dossier libyen. Et puis parler de la Syrie pourrait évoquer les déboires syriens du Sultan qu'il n'a aucun intérêt à faire répéter maintenant qu'il a pour mission de créer une nouvelle Syrie en Libye. Ankara ne parle plus de l’impératif de mettre Bachar Assad à l’écart. Il a sur les bras un "Sarraj" à entretenir et un "Haftar à abattre.