Est-ce un hasard si les forces turques ouvrent le feu sur les militaires russes, mardi, et ce, dans la foulée de l'un des clashs les plus sérieux qu'ils ont connu quelques heures plutôt avec l'armée syrienne avant d'annoncer quelques heures plus tard qu'elles avaient fait prisonniers, 18 soldats syriens? S'il est vrai que le gouvernement turc vient de convoquer l'ambassadeur US en poste à Ankara pour cause de cette résolution du Congrès qui reconnaît le génocide arménien à une majorité écrasante, il est aussi vrai que la Turquie s'est laissée empêtrer dans un dangereux piège.
Des obus d'artillerie tirés, mardi 29 octobre, par l’armée turque se sont abattus non loin des militaires russes et ont failli les frapper alors qu'elles se trouvaient déployées dans la ville frontalière d'al-Darbasiyah. Si les tirs n'avaient pas manqué leur cible, l'affaire aurait pu provoquer une réelle crise entre Moscou et Ankara, et ce, au moment où les représentants des deux parties se trouvaient à Genève pour parler de la Constitution syrienne. Mais les Russes n'ont pas été touchés, néanmoins, ces derniers ont été contraints de se mettre à l’abri.
Une courte vidéo diffusée mardi dans l’après-midi montre que les militaires russes, déployés près du site de l'attaque, n’ont pas riposté à cette provocation turque. Le ministère russe de la Défense a démenti plus tard l'information, sans doute par souci de ne pas jeter de l'ombre sur la réunion de Genève. Cela dit, Moscou a dû en prendre note. Le ministère russe n'a d'ailleurs pas été totalement atone sur ce premier incident puisqu'il a annoncé qu’un engin explosif avait explosé à proximité de l’un des blindés des agents de la police, stationnés au passage, alors qu’ils se préparaient à rencontrer des représentants turcs.
« Aucun agent de la police militaire n'a été blessé et aucun véhicule endommagé dans cette explosion », a toutefois ajouté le porte-parole du ministère russe de la Défense ajoutant que la rencontre avec les militaires turcs avait eu lieu comme prévu malgré cette attaque.
18 soldats syriens capturés ?
Parallèlement, les mercenaires de l'armée turque ont chauffé le front anti syrien, toujours ce mardi 29 octobre : les terroristes, membres de l'Armée syrienne libre (ASL) auraient capturé ainsi 18 soldats de l'armée syrienne dans la région de Ras al-Aïn, chef-lieu d'un district homonyme dans le gouvernorat de Hassaké, située au nord-est de la Syrie, soit la région directement concernée par le mémorandum de Sotchi qui signé avec la Russie, a permis de mettre fin à l'offensive Ankara/Washington/OTAN contre le nord-est syrien sans que le camp atlantiste ait comme il le souhaitait gain cause.
Le ministère turc de la Défense a d'ailleurs été prompte à reconnaître que les 18 soldats, avaient été capturés à Ras al-Aïn : « Il est fort probable que les militaires capturés soient membres de l’armée syrienne », a rapporté l’agence de presse turque, Anadolu citant le ministère turc de la Défense.
« Ces 18 captifs qui prétendent être des soldats de l'armée syrienne ont été retenus prisonniers au cours d'une mission de reconnaissance et de sécurité dans le sud-est de Ras al-Aïn », a-t-on appris de la même source.
Des militants syriens ont également diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux montrant « des terroristes soutenus par la Turquie qui ont capturé de nombreux soldats syriens dans un district de Ras al-Aïn. Ultime provocation, la vidéo montre qu'un certain nombre d'éléments armés affiliés à l'ASL, soutenue par la Turquie, passaient à tabac des captifs. Et puis the last but not the least : ces militaires syriens sont retenus captifs à Ras al-Aïn, alors que les attaques de l'armée turque contre le nord de la Syrie se poursuivent malgré un accord de cessez-le-feu. Quelques heures avant la diffusion de cette nouvelle, la chaîne d’information syrienne Al-Ekhbariya a annoncé que l'armée turque avait visé mardi soir le village d'al-Manajir, dans la périphérie sud de Ras al-Aïn. Selon ce rapport, les attaques des forces turques contre le village précité ont déplacé ses habitants.
À quoi joue la Turquie?
Au conquérant. Son ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a affirmé à Genève que son pays ne se retirerait pas de la Syrie à moins que Damas parvienne à anéantir les "terroristes" c'est-à-dire à éliminer sa population kurde : «Lorsque le temps viendra et que le régime syrien, à la fin de ce processus, sera suffisamment apte à protéger le territoire de son pays et pourra supprimer les organisations terroristes de son territoire, alors l’intégralité du territoire sera remise à la Syrie car il s’agit d’un territoire syrien et nous parlons de l’intégrité territoriale de ce pays», a déclaré le ministre à l’issue des pourparlers tenus le 29 octobre à Genève avec ses homologues russe et iranien.
À travers ces propos, les observateurs ont cru déceler l'écho des recommandations de l'OTAN. À l'heure où les USA et leurs alliés allemands, français et britanniques s'apprêtent à parler d'une occupation définitive du nord de la Syrie, la Turquie saurait difficilement maintenir son "invivable position médiane". Le vote de la Chambre des représentants des USA est un premier avertissement qui pourrait être suivi de bien d'autres. La Chambre des représentants des États-Unis a reconnu formellement ce mardi 29 octobre le "génocide arménien". " C’est la première fois qu’une telle résolution est adoptée en séance plénière de l'une des chambres du Congrès à Washington. Le texte a été adopté par l’écrasante majorité de 405 voix sur 435, avec une rare union entre démocrates et républicains, et seulement onze voix contre. Pour l'heure, " il est non contraignant. Il pourrait le devenir si la Turquie continue à agir dans un sens contraire aux intérêts des USA et de l'OTAN ", estime un expert qui n'écarte pas la possibilité que le premier tir anti-russe de l'OTAN puisse être tiré par la Turquie.