À peine quelques heures après l'annonce par des Kurdes de Syrie de leur disponibilité à rallier les rangs de l'armée syrienne, le Pentagone et Trump jettent le pavé dans la mare : les États-Unis enverront armes et munitions pour protéger « les sites pétroliers syriens ».
Riad Darar, co-président du Conseil démocratique syrien (branche politique des Forces démocratiques syriennes), réaffirme, lors d’un entretien avec le quotidien libanais Al-Akhbar, que l’accord, conclu entre le gouvernement et les Kurdes, permettant à l’armée syrienne de se déployer dans des régions contrôlées par les Kurdes, s’inscrit dans le cadre de la protection de la souveraineté et des frontières du pays. Riad Darar souligne que les Forces démocratiques syriennes (FDS) feront finalement partie intégrante de l’armée régulière.
Le Pentagone a annoncé, jeudi 24 octobre, qu’il allait renforcer son dispositif militaire dans l’Est syrien pour « protéger les champs pétroliers des terroristes de Daech ».
« Les États-Unis sont déterminés à renforcer leurs positions avec des renforts militaires », a indiqué un responsable militaire ayant requis l’anonymat, sans préciser l’ampleur du dispositif prévu.
Plus tôt dans la journée, le sénateur républicain Lindsey Graham a déclaré qu’« un plan est en cours d'élaboration au Pentagone pour empêcher Daech de se réorganiser dans le nord-est de la Syrie et pour éviter que les gisements pétroliers de la région ne tombent aux mains de l'Iran ou de Daech ».
Après une réunion avec des cadres militaires, dont le chef d’état-major des armées américaines à la Maison-Blanche, Lindsey Graham a déclaré que ledit plan contribuait à la réalisation des objectifs des États-Unis en Syrie.
Mercredi 23 octobre, le président américain Donald Trump a déclaré qu’un « petit nombre de soldats » américains resteraient en Syrie, « dans les zones où il y a du pétrole ».
Lors d’une visite à Kaboul, lundi 21 octobre, le chef du Pentagone Mark Esper avait aussi annoncé que les États-Unis pourraient laisser une force résiduelle en Syrie pour y sécuriser les champs de pétrole.
Dans la foulée, le magazine américain Foreign Policy a écrit : « Donald Trump, qui n'a pas cessé de répéter que l’invasion irakienne aurait dû prendre fin par la conquête de ses ressources pétrolières, convoite actuellement les sources d’hydrocarbure syriennes, sous prétexte des risques d’une réapparition de Daech ».
Mercredi 23 octobre, le site web américain The Daily Beast a publié un article intitulé: « Trump annonce un nouveau plan pour la Syrie: du sang pour du pétrole ».
L’article, rédigé par Spencer Ackerman, suppose que « les troupes américaines resteront dans le nord-est de la Syrie - non pas pour lutter contre Daech, mais pour piller le pétrole ».
Et de continuer : « Le président Donald Trump a annoncé mercredi qu’il conserverait un nombre restreint de forces américaines dans le nord-est de la Syrie, alors même qu’il déclinait la responsabilité de la lutte contre Daech. "Laissez quelqu'un d'autre se battre pour ce long sable taché de sang", a déclaré Trump, depuis le bureau ovale, dans ce qui ressemblait à un discours de victoire sur un résultat disputé entre le président russe Vladimir Poutine et le président turc Recep Tayyip Erdogan.
En confirmant l'invasion turque qui a débuté le 9 octobre et qui a déplacé ce que l'UNICEF estime à 80 000 enfants, Trump a annoncé qu'il lèverait de manière permanente "toutes les sanctions imposées" à la Turquie. La décision garantit à Erdogan de ne subir aucune conséquence pour son invasion des zones du nord-est de la Syrie contrôlées auparavant par les forces kurdes combattant aux côtés des États-Unis.
Un responsable américain, proche du dossier syrien, a déclaré que les membres des forces armées resteraient sur des bases proches des gisements de pétrole à Deir ez-Zor. Une autre base américaine durable en Syrie, al-Tanf, se trouve dans le désert syrien du sud-est, loin des champs de pétrole et des oléoducs.
Selon le responsable, la force restante devrait être inférieure à 400 soldats américains, répartis entre Deir ez-Zor et al-Tanf, contre 1 000 au début du mois.
"Nous déciderons quoi faire avec [le pétrole] à l'avenir", a déclaré Trump. Utiliser les forces américaines pour réclamer le pétrole d’une autre nation est susceptible de provoquer une réaction brutale, bien que l’on ignore si les déclarations de Trump, un écho de ses discours de campagne, se traduiront par une véritable politique américaine ».
Dans ce droit fil, Donald Trump a fait paraître jeudi deux tweets aux aspects ambigus.
The Oil Fields discussed in my speech on Turkey/Kurds yesterday were held by ISIS until the United States took them over with the help of the Kurds. We will NEVER let a reconstituted ISIS have those fields!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) October 24, 2019
« Les champs pétroliers évoqués dans mon discours sur la Turquie/les Kurdes hier avaient été pris par l'État islamique [Daech, NDLR] jusqu'à ce que les États-Unis les prennent avec l'aide des Kurdes. Nous ne laisserons JAMAIS un ISIS reconstitué avoir ces champs! »
I really enjoyed my conversation with General @MazloumAbdi. He appreciates what we have done, and I appreciate what the Kurds have done. Perhaps it is time for the Kurds to start heading to the Oil Region!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) October 24, 2019
« J'ai vraiment apprécié ma conversation avec le général Mazloum Abdi. Il apprécie ce que nous avons fait et j'apprécie ce que les Kurdes ont fait. Le moment est peut-être venu pour les Kurdes de se diriger vers la région pétrolière! »
En réaction à ces tweets, Brett McGurk, le plus haut responsable américain à la tête de la coalition internationale jusqu'en janvier, a critiqué les commentaires de Donald Trump.
« Le président des États-Unis semble réclamer une migration massive de Kurdes dans le désert où ils peuvent s'installer sur un minuscule gisement de pétrole. Une ignorance choquante de l'histoire, de la géographie, du droit et des valeurs américaines, de la dignité humaine et de l'honneur », a déploré Brett McGurk.