Quelques heures après le discours très attendu du secrétaire général du Hezbollah sur la situation en cours au Liban où Nasrallah a mis en garde contre une implosion du gouvernement et le vide que cela créera à un des moments les plus sensibles de l'histoire du pays, l'un des courants les plus proches d'Israël, celui de Samir Geagea, retire ses quatre ministres du gouvernement. Ce dimanche, la presse israélienne regorge d'ailleurs d'articles cherchant à dépeindre la révolte des ventres creux libanais, contre de grosses fortunes, celles qui sucent le sang des pauvres comme étant une « révolution » contre « le système Aoun-Hezbollah »! Normal.
Le « système Aoun-Hezbollah » à qui les courants pro-occidentaux au Liban tentent d'imputer les répercussions de quatre décennies de mauvaise gestion économique et politique, est celui qui refuse de voir à travers le Liban le ventre « mou » du Moyen-Orient. C'est un « tandem » qui a doté le Liban de capacités de défense autonomes propres à faire fuir l'aviation militaire d'Israël, et de mener des opérations-éclair sur le sol de l'ennemi, quand ce dernier se permet une agression. À ce «tandem» l'Occident reproche son refus de laisser Israël piller les richesses gazières offshore libanaises ou encore sa volonté de normaliser avec la Syrie.
Dès le premier jour de manifestation, les pro-Riyad et les pro-Tel-Aviv du paysage libanais, ont lancé des appels à la démission du gouvernement sur fond de consigne de sécurité qui fusaient de partout, de Riyad, d'Abou Dhabi, de Paris de Washington. À l'heure qu'il est, l'Arabe saoudite a demandé le départ de ses ressortissants du Liban. L'ambassade a mis en place la première phase de son programme d’urgence avec le regroupement des ressortissants saoudiens à l’aéroport international de Beyrouth. Il s’agit du premier pays qui annonce l’évacuation de ses ressortissants du Liban. Après les appels à la prudence de l'ambassade de France et des États-Unis à leurs citoyens présents au Liban.
Pour l’expert politique libanais Joni Munir, l'Arabie saoudite tente de tirer profit de la détresse d'une population : « Que Saad Hariri continue à travailler avec le Hezbollah, allié de l'Iran, et ce malgré toutes les divergences, cela ne plaît pas à Riyad. C’est pourquoi il cherche à faire pression sur lui en réclamant sa démission ».
Mais les choses vont encore plus loin qu'un simple appel à la démission du gouvernement : « S'il est vrai que certaines parties font tout pour canaliser le mécontentement populaire, il faut aussi comprendre leur focalisation sur certains slogans. La presse israélienne et saoudienne s'en prend désormais au régime politique au pouvoir eu Liban, à ce système tripartite qui représente la diversité confessionnelle d'un pays comme le Liban. C'est là une tournure particulièrement dangereuse qui pourrait remettre en cause la pérennité de l'État libanais. Ce qui se passe au Liban ressemble aux événements de la première semaine du mois d'octobre en Irak où des slogans en faveur d'un changement du régime politique se faisaient entendre », dit l'expert qui renvoie aux avertissements du ministre libanais de l'Information.
Le ministre libanais de l'Information, Jamal Jarrah, estime que les revendications du peuple libanais sont parfaitement légitimes, sans manquer de mettre en garde contre une éventuelle démission du gouvernement.
« On ne sait pas quelles seront les conséquences des slogans des manifestants qui appellent à la démission du gouvernement voire un changement du régime. Tout le monde sait qu’en cas de démission du gouvernement, il n’y aura plus la possibilité de former un autre gouvernement, le pays sera exposé au chaos et à l’instabilité, ce qui éliminera de facto toute occasion destinée à résoudre la crise. Certaines parties au gouvernement bloquent le chemin des réformes, et ces positions sont le résultat de divisions politiques internes. Puisque certains groupes tentent de se venger de certaines mesures de réforme du gouvernement, a souligné le ministre libanais de l’Information qui a émis l'espoir que les groupes libanais, au lieu de faire faux bon et de quitter le navire, reprendraient conscience de la gravité de la situation et ce, après la manifestation de la colère de la population ».
Les vœux du ministre seront-ils entendus ou risquent-t-ils de rester des vœux pieux?