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Beaucoup plus sûr de manifester à Hong Kong qu'en France !

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Beaucoup plus sûr de manifester à Hong Kong qu’en France !

Ramin Mazaheri est le correspondant principal à Paris pour Press TV et vit en France depuis 2009. Il a été journaliste à un quotidien américain et a réalisé des reportages en Iran, à Cuba, en Égypte, en Tunisie, en Corée du Sud et ailleurs. Il est l’auteur de « Je vais tout gâcher ce que vous êtes : mettre fin à la propagande occidentale sur la Chine rouge » (« I’ll Ruin Everything You Are: Ending Western Propaganda on Red China. »)

NDLR –Cet article a été publié pour la première fois en langue anglaise sur PressTV le 27 juin 2019. Il ne tient donc pas compte du saccage du Parlement par les manifestants de Hong Kong le 1er juillet.

Les différences dans le traitement des récentes manifestations à Hong Kong et des manifestations hebdomadaires en France mettent en lumière un énorme déficit démocratique entre les sociétés occidentales « démocratiques libérales » et les sociétés non occidentales « démocrates socialistes ».

Il est étonnant de voir avec quelle rapidité le gouvernement de Hong Kong — qui, sous le régime « un pays, deux systèmes » du gouvernement chinois (Hong Kong fait officiellement partie de la Chine) — a acquiescé aux demandes de l’opinion publique après seulement deux jours de manifestations modérées.

Je suis choqué. Ce n’est pas parce que je considère à tort Hong Kong ou la Chine en tant que des États « antidémocratiques », mais parce que tous les samedis, depuis des mois, j’évite les gaz lacrymogènes et les balles en caoutchouc en France !

Le gouvernement de Hong Kong s’est retiré après à peine plus d’une semaine de manifestations régulières dans la capitale, alors que la France n’est pas disposée à apaiser un mouvement de protestation qui dure depuis bientôt plus de huit mois.

Presque immédiatement après que les manifestations se furent transformées en violence, Hong Kong a abandonné le projet de loi qui a suscité tant de divisions, et leur chef de l’exécutif s’est même excusé avec « la plus grande sincérité et l’humilité ». Quelle différence avec le président français Emmanuel Macron : non seulement Macron ne s’est jamais excusé, mais il n’a même pas prononcé les mots « Gilets jaunes » en public avant la fin avril. On ne peut compter que sur son ministère de l’Intérieur pour rappeler régulièrement aux Gilets jaunes qu’ils n’ont « aucun regret » quant à la manière dont les manifestations ont été officiellement gérées.

La police de Hong Kong a signalé que 150 cartouches de gaz lacrymogène, plusieurs balles en caoutchouc et 20 projectiles en sachet avaient été tirées au cours de la seule journée de violences graves. Inversement, un rapport annuel accablant publié ce mois-ci par la police française a rapporté que 19 000 balles en caoutchouc avaient été tirées en 2018 (une augmentation de 200 % par rapport à 2017), ainsi que 5 400 grenades à choc (en hausse de 300 %).

Deux choses sont consternantes ici : premièrement, le gouvernement français a tiré plus de 6 000 balles en caoutchouc et 1 500 grenades à choc en 2017, principalement pour des protestations contre l’austérité néolibérale. C’est parfaitement clair — les protestations avec une violence choquante étaient « normales » en France bien avant les Gilets jaunes. Deuxièmement, étant que donné que le mouvement de Gilets jaunes a commencé dans la dernière semaine du mois de novembre, et que la majeure partie du mouvement a eu lieu en 2019, on devrait s’attendre à un chiffre 4 à 5 fois supérieures aux augmentations déjà considérables de 2018.

Selon les dernières statistiques, il y a eu 72 blessés et 30 arrestations à Hong Kong. Cette opération policière lourde a provoqué un choc qui a conduit le gouvernement à prendre des mesures intelligentes pour rétablir l’ordre et le calme.

En France, le nombre de victimes est catastrophique : 850 blessés graves, 300 traumatismes crâniens, 30 mutilations (perte d’un œil, d’une main ou d’un testicule). Une perte de connaissance ou des vomissements ne comptent pas comme une « blessure grave », mais si nous incluions ceux qui ont été blessés par les gaz lacrymogènes, les canons à eau et les matraques de police, le nombre de blessés atteindrait sans doute un nombre à six chiffres, aussi astronomique que cela puisse paraître. En ce qui concerne les arrestations, la France comptait 9 000 personnes le 24 mars et près de la moitié ont été condamnées à des peines de prison. Cependant, ce décompte a été annoncé avant que de nouveaux ordres répressifs soient donnés pour arrêter les manifestants démocratiques encore plus rapidement (plus de détails à ce sujet prochainement). Après avoir interviewé pour PressTV l’un des rares avocats assez courageux pour critiquer ouvertement un système juridique français qui n’est évidemment pas « indépendant », j’estime que plus de 2 000 Gilets jaunes sont déjà devenus des prisonniers politiques. De toute évidence, d’autres attendent leur procès et d’autres procès seront évidemment intentés.

La description de la couverture médiatique occidentale traditionnelle des deux événements est bien décrite par un dicton français : « deux poids, deux mesures ». Les Hongkongais sont des « combattants de la liberté » contre un système chinois « tyrannique » et « totalitaire », tandis que les Gilets jaunes sont régulièrement traités en Occident comme des voyous, des antisémites et des anarchistes insensibles.

Les médias occidentaux n’ont aucun problème à déclarer le taux de participation des organisateurs… s’agissant de Hong Kong. Mais quand il s’agit des « Gilets jaunes », aucun média ne parle des statistiques réelles et quand un syndicat policier courageux et ouvertement anti-Macron publie des chiffres, les médias l’ignorent totalement.

À partir du 23 mars, la France a commencé à déployer l’armée contre les manifestants français, interdisant les manifestations dans les centres urbains du pays (les interdictions dans les zones rurales ont commencé au début du mois de mai), a donné l’ordre choquant aux policiers d’attaquer les manifestants et a également ordonné de procéder à des arrestations plus rapidement. Par conséquent, le chiffre de 9 000 est sans doute obsolète et devrait être considérablement revu à la hausse.

Toute la répression a abouti à ce qui était évidemment prévu : effrayer les manifestants antigouvernementaux français. Les manifestations hebdomadaires ont rassemblé en moyenne un quart de million de personnes du 1er janvier à la mi-mars (estimations du syndicat de la police), mais après l’annonce de la répression sévère jusqu’à aujourd’hui, les manifestations n’ont rassemblé que 65 000 âmes courageuses.

Les ONG occidentales « indépendantes » ne valent pas mieux que les médias occidentaux : dans un rapport publié fin mars, Human Rights Watch, basé aux États-Unis, avait publié 131 articles, rapports et déclarations sur le Venezuela — zéro sur la France. L’ONG reste totalement silencieuse sur la répression française.

La question la plus importante est peut-être celle-ci : qu’est-ce qu’exigent les protestataires ? Sur ce point, il existe une énorme différence entre les manifestants à Hong Kong et en France : les manifestations à Hong Kong portent sur une loi d’extradition de criminels, alors qu’en France, les gens protestent contre l’indigence du poids de l’opinion publique dans les prises de décision relatives à la politique publique.

Les personnes principalement menacées par la loi de Hong Kong sont des criminels financiers — la fonction économique principale de l’île étant de servir de paradis fiscal contrôlé par l’Angleterre. Cela explique pourquoi les magnats « exposés » retirent maintenant en toute hâte leur fortune de Hong Kong. À la base, la principale récrimination était probablement que la loi porterait atteinte au « climat des affaires » de Hong Kong, ce qui explique sans doute pourquoi les médias occidentaux — si favorables au néo-impérialisme et aux pratiques commerciales néolibérales rapaces — étaient si opposés au projet de loi et si en faveur des manifestants.

Les personnes principalement visées par les Gilets jaunes sont également des criminels financiers : banquiers, hommes politiques et journalistes français antipatriotiques, qui se sont associés pour créer une « décennie perdue » de croissance économique encore pire que les deux exemples japonais. Cette décennie de quasi-récession a été considérablement aggravée par les décisions politiques de François Hollande et Macron et par les « réformes » socio-économiques qui affaiblissent le filet de sécurité sociale et les conditions de travail en France, ainsi que la tradition de la France d’être le seul pays néo-impérialiste occidental à mener une politique économique relativement égalitaire (seulement à l’intérieur de ses frontières bien sûr).

Alors, que pouvons-nous apprendre de cette comparaison ? Nous pouvons dire avec justesse que les différences sont « culturelles », c’est-à-dire qu’elles sont liées à leurs valeurs politiques et produites par elles.

D’un côté, nous avons le gouvernement de Hong Kong lié à Pekin — la Chine fonctionne sur un modèle de « démocratie socialiste ». La structure de leur gouvernement, que l’on trouve facilement à la lecture de leur Constitution, a été profondément influencée par les idéaux de l’anti-impérialisme et de la lutte des classes du début du XXe siècle.

La Chine a catégoriquement rejeté le modèle occidental de « démocratie libérale » incarné par la France, qui reste ancré dans les idéaux aristocratiques du XVIIIe siècle et qui manque nécessairement des idéaux modernes d’égalité économique, d’égalité des sexes et des minorités, d’égalité démocratique et de capacité d’empêcher le règne de l’oligarchie des « 1 % ».

Pour ce qui est de la Chine, de Hong Kong et de la France, les chiffres et les données sont tellement unilatéraux que l’on ne doit pas gaspiller beaucoup d’encre pour en tirer une conclusion évidente : le système démocratique socialiste chinois est évidemment bien plus démocratique que de la France.

Le modèle de démocratie chinois et hongkongais est bien plus sensible à la volonté de l’opinion publique et aux besoins fondamentaux de ce dernier que le système politique dépassé, aristocratique et fondamentalement antidémocratique de la France.

Ce n’était peut-être pas le cas il y a 100 ans, mais c’est clairement le cas en 2019.

Cependant, il faudrait utiliser beaucoup d’encre d’autres stylos pour diffuser cette conclusion, en particulier dans les salles de presse hypocrites et délirantes qu’on trouve en France et partout en Occident.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV