Pour les analystes des questions militaires qui suivent la guerre depuis huit ans, Israël n'aurait jamais pu lancer sa frappe aux missiles GBU-39 contre Alep sans la complicité directe des États-Unis voire ses alliés de l'OTAN. Les avions israéliens auraient même emprunté les couloirs aériens établis par les Américains pour pouvoir s'en prendre à l'aéroport civil d'Alep, à un dépôt de munitions, à un dépôt désaffecté et à quelques immeubles. S'il est vrai que la frappe n'a laissé que des dégâts matériels, elle s'est néanmoins produite non loin de la base aérienne russe Hmeimim. Les États-Unis viennent-ils passer à l’étape supérieure, visant directement les alliés de Damas ?
Vendredi 29 mars, deux des faucons les plus engagés de l’administration Trump, à savoir John Bolton et Elliott Abram ont littéralement menacé la Russie de riposte. S'il est vrai que le cadre du face-à-face militaire qu’ils ont promis à Moscou ne se place pas en Syrie, ce cadre est néanmoins pas trop éloigné. Les experts s’en expliquent.
Dans deux vidéos publiées des suites du raid aérien, les débris de plusieurs bombes de petit diamètre (SDB) GBU-39 fabriquées aux États-Unis sont identifiables à l’intérieur des bâtiments visés. Interrogé par Sputnik, l’expert syrien Kamal Jafa exclut d’emblée la capacité d’Israël à s’infiltrer dans l’espace aérien d’Alep et à y mener seul et sans appui des raids contre les cibles syriennes :
"Il est bien probable que les États-Unis soient à l'origine du raid car Israël n'a pas la possibilité de pénétrer l'espace aérien du nord de la Syrie et ce, pour viser des cibles parfaitement symboliques et sans importance. Les raids aériens ont impliqué surtout des missiles téléguidés de petite taille et on croit y voir surtout un message… Ces engins ont été tirés à moins de 20 kilomètres de distance et leur ogive pesait moins de 15 kilogrammes. Certains d'entre eux contenaient de l'uranium appauvri made in USA", affirme l’expert au micro de Sputnik.
Le recours aux engins de petite taille s'explique surtout par la volonté des pays agresseurs de défier la DCA syrienne, composée essentiellement de S-200, lequel est apte à intercepter des missiles de grande taille.
La surprise aura sans doute été grande quand la DCA syrienne a réussi à repérer puis à détruire bon nombre de missiles GBU-39 tirés contre Alep. Pour Hadi Mohamadi, l’expert d’origine iranienne, l’attaque se produit surtout peu de temps après que les États-Unis eurent reconnu la souveraineté d'Israël sur le plateau du Golan: "Il y a là tout un symbole : outre une tentative destinée à la consommation intérieure à un moment bien sensible où le régime israélien est censé affronter une difficile échéance électorale, l'objectif principal d'Israël dans le raid aérien d'Alep est de prouver à l’Iran bien sûr, mais aussi à la Russie, qu'il est toujours capable de lancer de telles attaques. En réalité, et à moins qu’elles ne se transforment en attaques aériennes massives et continues, ce qu’Israël trouvera extrêmement difficile à réaliser, avec ou sans risque de représailles pouvant atteindre le plus profond d’Israël, des frappes sporadiques n’auront pas beaucoup d’impact sur le terrain ni contre la Syrie elle-même, ni contre l'Iran", affirme l'expert avant de poser la question suivante :
"Alors que cherche Tel-Aviv à travers cette mise en scène ? Je crois que dans l’ombre de Tel-Aviv, ce sont les Américains qui agissent. Alep-ouest est à deux pas de la base aérienne russe à Hmeimim où, on le sait, sont déployés les batteries de missiles S-300 et S-400 russes. Bien que toujours inactives, les batteries antimissiles russes sont devenues un vrai cauchemar pour Israël et les États Unis. En fait, ces batteries, plutôt que d'agir comme une arme, agissent comme une sorte de Cheval de Troie au service de la Russie et de l'extension de sa présence dans des régions où elle était absente ou peu présente jusqu'ici. Au Venezuela, les S-300, d’après les informations, viennent d’être déployés à Caracas."
Et l'analyste de poursuivre: "Pire, certaines sources affirment que l’arsenal militaire qui est arrivé au Venezuela à bord de deux avions militaires la semaine dernière, était parti de Hmeimim. Une frappe même de peu d’envergure, non loin de Hmeimim, ne peut être sans lien avec ce contexte. Plutôt que d’Israël, le coup me paraît signé par les USA. Dans l’esprit des Russes, un conflit aux Caraïbes est potentiellement porteur d'opportunités. Il pourrait leur ouvrir la porte d'une région traditionnellement sous la domination US. Comme cela a été le cas au Moyen-Orient où c’est à la faveur de la crise syrienne que la Russie a pu faire son entrée en scène."