La France joue toutes ses cartes pour persuader son allié américain à rester en Syrie, du moins un peu plus longtemps : le risque d’une attaque à l’arme chimique, la protection de la milice kurde soutenue par les États-Unis, les prétendues tentatives de l’Iran de s’implanter en Syrie et la lutte contre Daech. Les récents commentaires du ministre des Affaires étrangères de la France, dont les forces terrestres seront obligées de se retirer de Syrie si les troupes américaines en font autant, relèvent toutefois d'un faux débat. Yves Le Drian estime en effet qu'en se retirant du nord de la Syrie, les États-Unis laissent une place vacante que l'Iran remplirait au grand dam des intérêts français! Les analystes eux, y voient surtout la crainte de Paris d'avoir à faire face non pas tant avec l'Iran mais surtout avec la Russie.
En effet, dans la foulée du départ précipité des forces US de Raqqa, de plusieurs autres localités du nord de Syrie, la France dont la politique syrienne a consisté à suivre aveuglément "Big Brother" ne sait plus trop où elle en est. Un QG du renseignement français a d'ailleurs été pris pour cible d'une explosion le 12 février, laissant de nombreux morts et blessés sans que l'Élysée ose en parler. L'attaque a laissé bien indifférents les États-Unis dont les forces viennent de se retirer d'une base militaire clé, située à l'ouest de la ville de Qamichli, toujours dans le nord-est de la Syrie. L'info a été confirmée par la télévision libanaise Al-Manar, le vendredi 15 février. Il s'agit du troisième site militaire abandonné ces 10 derniers jours par Washington.
La coalition internationale, dirigée par les États-Unis, et les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui contrôlent le nord-est de la Syrie, n'ont pas encore commenté cette nouvelle. Mais la France y est allée de son commentaire exprimé par son ministre des A.E.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a qualifié, vendredi 15 février, de « mystère » la politique américaine en Syrie : « Il y a pour ma part un point que je ne comprends pas tout à fait dans la politique américaine dans cette région. Comment est-ce que l'on peut être très ferme à l'égard de l'Iran et en même temps abandonner le nord-est de la Syrie alors que l'on sait très bien que la fin de l'histoire risque de favoriser la présence iranienne dans la zone ? Pour moi c'est un mystère », a déclaré Jean-Yves lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, à l'attention du sénateur américain Lindsay Graham.
« Vous avez commencé à éclairer le mystère en disant que les capacités américaines allaient rester. Tant mieux. Je ne le savais pas, je l'apprends, je me réjouis », a-t-il ironisé. Les commentateurs relèvent la quasi absence des "forces pro-iraniennes" au nord est de la Syrie où sont au contraire bien présentes les forces russes. Vendredi 15 février, les forces russes sont entrées pour la première fois depuis le début de la guerre en Syrie en 2011 dans une zone militaire où sont présentes les forces françaises, outre les forces turques. Selon la chaîne en arabe de Russia Today, la police militaire russe a commencé à effectuer des patrouilles dans les zones contrôlées par la Turquie autour de la ville stratégique de Manbij. Or, les troupes françaises seraient déployées dans la ville d'Ain al-Arab (Kobani), dans les districts de Mistanur Hill et de Sarrin, dans la ville d'Ain Issa, à l'usine de béton de Lafarge, dans le village de Harab Isk, sur la base militaire de Raqqa, sur le site militaire de Kahar, sur la base aérienne de Tabqa ainsi que dans certaines parties de Manbij. La Macronie est-elle inquiète d'avoir maille à partir avec la Russie? L'accord de Sotchi a de fortes chances de désarmer totalement Ankara et dès lors il serait difficile pour la France de faire face seule à la Russie.