Comme cela est devenu une habitude, les médias américains ont largement ignoré l’attaque aérienne menée le jour de Noël par Israël contre des cibles près de Damas. Étant donné qu’Israël a bombardé la Syrie plus de deux cents fois, l’attaque elle-même, qui n’a fait que blesser trois soldats dans un entrepôt, n’était pas particulièrement remarquable. Mais ce qui était significatif, c’était le fait que c’était la deuxième fois qu’Israël utilisait d’autres avions pour masquer l’approche de ses propres avions de guerre.
À cette occasion, Israël a utilisé deux avions de ligne civils en train d’atterrir sur les aéroports de Beyrouth et de Damas. Heureusement, la DCA de l’armée syrienne a pris la sage décision de s’abstenir de recourir aux missiles sol-air et au brouillage électronique « pour empêcher une nouvelle tragédie ». Un contrôle avisé du trafic aérien a permis de détourner l’un des avions de passagers, censé atterrir à Damas, vers la base militaire russe de Hmeimim dans le sud de Lattaquié, écrit sur le site Strategic Culture Philip Giraldi, directeur exécutif du Council for the National Interest, un groupe basé à Washington qui promeut la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient conformément aux valeurs et aux intérêts des États-Unis.
Les défenses antiaériennes syriennes ont réussi à intercepter et à abattre quatorze des seize missiles tirés par les six avions de combat F-16 israéliens à l’aide de bombes de petit diamètre (SDB) GBU-39 guidées par GPS et fabriquées par les États-Unis. Si la DCA syrienne avait imprudemment riposté aux F-16 israéliens, elle aurait peut-être frappé un avion de ligne par erreur. Ainsi des centaines de vies auraient été perdues.
Le ministère russe de la Défense, qui a pu reconstituer l’attaque à partir d’images radar, a condamné l’incident, affirmant que « les actes de provocation commis par l’armée de l’air israélienne ont mis en danger deux avions de transport de passagers lorsque six F-16 ont effectué des frappes aériennes en Syrie à partir de l’espace aérien libanais ». La déclaration laconique de la Russie révèle qu’Israël, en plus d’avoir mis en danger la vie de centaines de civils, a commis plusieurs crimes de guerre. Le gouvernement israélien a prétendu avoir voulu détruire une cargaison de roquettes Fajr-5 de fabrication iranienne, prétendument en train d’être livrée au Hezbollah.
Étant donné qu’Israël n’est pas en guerre avec l’Iran, la Syrie ou le Liban mais qu’il continue à attaquer des cibles en Syrie sur la seule base de sa propre perception de menaces, il répond bel et bien à la définition de l’agresseur donnée par les Nations unies. Sa violation de l’espace aérien libanais pour organiser l’attaque contre la Syrie était également un acte d’agression. Ces deux infractions seraient normalement condamnées au Conseil de sécurité des Nations unies sans le veto américain protégeant Israël.
Des analystes ont confirmé que les Israéliens avaient mené les frappes en Syrie en utilisant délibérément des vols réguliers comme couverture pour échapper à la vigilance de la DCA syrienne. Les sources de sécurité de la région estiment désormais que tout vol civil à destination ou en provenance de Damas ou de Beyrouth est potentiellement menacé par cette nouvelle méthode israélienne, qui a clairement choisi de mettre en danger la vie des civils pour masquer les mouvements de ses avions de guerre.
L’aviation israélienne avait également utilisé en septembre dernier un Il-20 russe pour éviter les tris de la DCA syrienne au large des côtes syriennes. Bien entendu, Israël a clamé son innocence, prétextant que c’était les Syriens qui avaient abattu l’avion russe alors que les avions israéliens ne faisaient soi-disant qu’attaquer légitiment une installation de l’armée syrienne « à partir de laquelle des systèmes de fabrication d’armes étaient censés être transférés en Iran et au Hezbollah ».
L’avion russe rentrait à la base aérienne de Hmeimim après une mission au-dessus des côtes syriennes et des eaux de la Méditerranée, surveillant les activités d’un navire de guerre français et d’au moins un avion britannique de la RAF. En tant que gros avion relativement lent à hélices effectuant une mission courante de collecte de renseignements, l’Il-20 russe n’avait aucune raison de dissimuler sa présence. Il se préparait apparemment à atterrir sur la base aérienne de Hmeimim lorsque l’incident s’est produit, lequel s’est soldé par la mort des 15 militaires russes au bord de l’appareil.
La DCA syrienne était en état d’alerte, car Israël avait attaqué la veille des cibles proches de Damas.
Les Israéliens ont utilisé quatre chasseurs-bombardiers F-16 pour organiser l’attaque surprise, prenant pour cible des sites proches de Lattaquié à proximité de la base aérienne russe. Ils sont venus de la mer Méditerranée en se cachant derrière l’avion russe, car ce dernier, du fait de sa signature radar beaucoup plus large, était beaucoup plus vulnérable aux défenses antiaériennes.
Si on jette un œil dans le rétroviseur, les Israéliens et les militaires russes avaient mis en place une ligne téléphonique destinée précisément à éviter les accidents. Israël aurait informé Moscou de l’attaque, mais seulement une minute avant l’incident, ne laissant pas le temps à l’avion russe de se mettre à l’abri.
Le ministère russe de la Défense était furieux. Il considérait que l’instrumentalisation de l’avion de renseignement était une manœuvre à haut risque à laquelle Israël a eu recours en connaissance de cause, ne faisant aucun cas de la vie des militaire russes à bord de l’appareil :
« Nous considérons ces actions provocatrices d’Israël comme un acte hostile. Quinze membres du service militaire russe sont morts à cause des actes irresponsables de l’armée israélienne. C’est absolument contraire à l’esprit du partenariat russo-israélien. Nous nous réservons le droit d’apporter une réponse adéquate. »
C’est la même vieille histoire. Israël fait des choses risquées, comme attaquer ses voisins, en raison d’un sentiment d’impunité que lui procure le soutien de Washington. La destruction de l’Il-20 russe et la mise en danger de deux avions civils ont créé une situation qui pourrait facilement dégénérer. Il n’est dans l’intérêt de personne de laisser cette conjoncture persister.
Philip Giraldi, l’auteur de cet article, est un ancien spécialiste de la lutte antiterroriste de la CIA et officier du renseignement militaire ayant servi dix-neuf ans à l’étranger, en Turquie, en Italie, en Allemagne et en Espagne. Il a été chef de la base de la CIA pour les Jeux olympiques de Barcelone en 1992, mais aussi l’un des premiers Américains à se rendre en Afghanistan en décembre 2001.