À l’annonce du retrait US de Syrie dont le décret vient d’être signé par le secrétaire à la défense sortant, James Mattis, se succèdent des mouvements de troupes bien perceptibles de la Turquie sur les frontières nord de la Syrie. Opex360, site militaire français fait même ce constat :
« Les soldats américains présents aux côtés des milices kurdes syriennes qu’ils conseillent dans le cadre des opérations menées contre Daech ne sont pas encore partis que les forces turques se mettent en mouvement.....En effet, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], qui dispose d’un vaste réseau d’informateurs dans le pays, « quelque 35 chars et autres armes lourdes, transportés à bord de porte-chars, ont traversé en début de soirée le poste-frontière de Jarablus». Le 21 décembre, et ayant désormais les mains libres après l’annonce de M. Trump de retirer les forces américaines de Syrie, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a une nouvelle fois évoqué le lancement d’une nouvelle offensive de ses troupes contre les milices kurdes. »
À ce constat largement médiatisé depuis le fameux tweet de Trump s’ajoutent les propos tenus à la veille de Noël et depuis N’jamena par le président français Emmanuelle Macron. Ce dernier qui se dit profondément déçu d’avoir été abandonné par un allié « non fiable » qu’est Trump en Syrie, ramène tout aux Kurdes et dit : « Ceux qui sur le terrain étaient arme au poing pour lutter contre les terroristes […], c’étaient les Forces démocratiques syriennes (FDS) et c’étaient les Kurdes en Syrie, et donc j’appelle chacun à la responsabilité sur ce sujet et à ne pas oublier ce que nous leur devons ».
À en croire le président français, les FDS seraient les seuls acteurs de la lutte contre Daech en Syrie, qu’aucune conscience responsable ne pourrait abandonner. Et bien c’est dans ce contexte qu’il faudrait analyser l’annonce du retrait US, la mobilisation des troupes turques et les propos du président français : « La France à qui les Kurdes ont demandé de mettre en place une zone d’exclusion aérienne dans le nord se fait indirectement appuyée par une Turquie qui se montre « menaçante » dans le strict objectif de fournir à ses alliés de l’OTAN, à savoir la France et la Grande-Bretagne, le prétexte nécessaire à une action militaire directe en Syrie. Tout ceci ne pourrait avoir été mis en scène sans l’aval des Américains dont le retrait relève du pur spectacle.
C’est donc dans ce contexte que la Turquie otanienne envoie des renforts à sa frontière syrienne, ainsi que le rapporte dimanche l’agence de presse turque Demirören (DHA) laquelle ajoute qu’une centaine de véhicules y compris des camionnettes et des armes ont été transférés vers la région.
Ces agissements militaires accrus interviennent quelques jours après que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, eut annoncé que son pays reporterait une opération militaire prévue contre les Unités de protection du peuple (YPG) dans le nord de la Syrie après l’annonce du retrait US de Syrie.
« La semaine dernière, nous avons décidé d’entamer une opération à l’est de l’Euphrate et de l’annoncer publiquement. Mais un entretien téléphonique avec le président Donald Trump, les contacts entre diplomates et services secrets, ainsi que les déclarations américaines nous incitent à attendre un peu», a-t-il indiqué, cité par Sabah.
Selon la DHA, le convoi turc en direction du district frontalier de Kilis, situé dans la province méridionale de Hatay, comprenait des bus transportant des commandos, des chars et des pièces d’artillerie pour les unités des forces spéciales.
Une partie du matériel et du personnel militaires doivent être placés à des postes le long de la frontière, tandis que d’autres ont été transférés aux zones frontalières de la Syrie contrôlées par les forces armées turques et l’Armée syrienne libre (ASL) qui y ont été déployées depuis 2016 où l’opération de l’Euphrate a été lancée. Ces zones sont situées près de Manbij qui est sous le contrôle des éléments kurdes.
Kilis est une ville du sud-est de la Turquie, chef-lieu de la province du même nom, près de la frontière turco-syrienne. Ankara considère les forces des YPG, soutenues par les États-Unis, comme une organisation terroriste liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection en Turquie depuis les années 1980.
Certains analystes estiment que l’annonce du président US qui se fait sur fond d’apparents mous de désapprobation de la France et de la Grande-Bretagne, est un plan destiné à pousser la France et la Grande-Bretagne à rentrer en plein conflit. Reste à savoir ce pas de deux auquel s’apprêtent la Turquie d’une part, la France et la Grande-Bretagne de l’autre sous l’œil bienveillant des États-Unis sera oui ou non en mesure de changer la donne en défaveur de l’armée syrienne et de ses alliés russe et iranien.