Les dirigeants émiratis, qui ne sont pas arrivés à leur objectif de s’emparer de Hudaydah, préparent maintenant le terrain pour retirer toutes leurs forces du Yémen dans les plus brefs délais, afin de réduire les pertes humaines et politiques causées par la guerre.
L’éminent journaliste du monde arabe Abdel Bari Atwan s’est attardé sur les dernières évolutions de la guerre au Yémen, notamment sur l’aveu de l’Arabie saoudite que les forces navales yéménites avaient bien pris pour cible un de ses pétroliers dans le détroit de Bab el-Mandeb. Atwan, qui est l’éditorialiste du journal Rai al-Youm, a précisé que cet incident militaire dangereux avait lieu à un moment où les analyses et les renseignements ont montré que la détermination du gouvernement des EAU à retirer ses troupes du Yémen a augmenté depuis qu’il n’a pas réussi à inverser la tendance sur le terrain, au terme de quatre années de guerre.
Mercredi matin, la chaîne de télévision Al-Masirah a rapporté que des combattants yéménites avaient lancé une attaque au missile sur le navire saoudien Dammam au large de la côte ouest du Yémen.
Dans un autre communiqué publié par l’agence de presse officielle du Yémen SABA plus tard dans la journée, Ansarallah a indiqué qu’ils avaient également pris pour cible un bateau de la coalition au large du district d’al-Durayhmi dans province de Hudaydah.
Une source de la marine yéménite a déclaré qu’un bateau de la coalition transportait des armes et des combattants saoudiens à Hudaydah, qui a fait l’objet d’une offensive militaire de la part des forces émiraties et des groupes armés alliés, soutenus par des raids aériens saoudiens.
De plus, le réseau de télévision libanais Al-Mayadeen a cité le porte-parole de la marine yéménite, qui a déclaré que le bateau avait été détruit et que tout l’équipage avait été tué.
Selon l’éditorialiste de Rai al-Youm, ces évolutions constituent un tournant dans la guerre saoudienne contre le Yémen, ce dernier cherchant à présent à prendre pour cible les pétroliers dans la mer Rouge et à perturber, si nécessaire, le transit des pétroliers.
En même temps, selon différentes sources, les dirigeants émiratis, qui ne sont pas arrivés à s’emparer de Hudaydah, préparent maintenant le terrain pour le retrait de toutes leurs forces du Yémen dans les plus brefs délais, afin de réduire les pertes humaines et politiques causées par la guerre.
Lors d’une réunion avec l’envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, Martin Griffiths, l’ambassadeur émirati à Washington a fait état de la faiblesse de l’armée de l’Arabie saoudite malgré les fortes sommes d’argent dépensées pour renforcer l’armée du pays, ce qui découle selon les sources occidentales de la divergence entre les deux alliés saoudien et émirati, notamment en ce qui concerne le port de Hudaydah.
Yousuf al-Otaiba, l’ambassadeur émirati aux États-Unis, a exprimé son soutien aux efforts déployés par Griffiths et a fait état de la volonté du gouvernement de son pays de se retirer du conflit au Yémen. Il a cependant accusé les États-Unis de ne pas soutenir la coalition dans la guerre du Yémen, comme c’était prévu.
Les propos du ministre de la Défense d’Abou Dhabi, qui est aussi un conseiller proche du prince héritier, sont venus confirmer les remarques d’al-Otaiba. Abel Khaleq Abdollah a affirmé dans une série de messages sur son compte Twitter : « Cette guerre ne se terminera pas par une frappe militaire brutale, mais elle doit se poursuivre pendant encore quatre années et aura un coût politique et humain considérable. Ainsi, s’il existe une possibilité de retour à la table des négociations, alors la solution politique est à privilégier. Mais de quoi parlons-nous et qui sera impliqué ? »
Abdel Bari Atwan estime qu’une telle prise de position du principal conseiller de Mohammed ben Zayed n’est possible qu’avec le consentement du prince héritier d’Abou Dhabi.
Alors que les milieux émiratis reprochent à la coalition de Riyad la dangerosité de la poursuite de la guerre, il semble que la mission de Griffith, l’envoyé de l’ONU, ne se limite pas à mettre fin à la guerre yéménite, mais qu’elle consiste aussi à préparer les conditions pour le retrait des forces émiraties et de leurs alliés du Yémen le plus rapidement possible.
La prise pour cible de deux pétroliers saoudiens en l’espace de quelques heures a poussé le régime de Riyad à suspendre son trafic de pétroliers à travers ce détroit stratégique que contrôle Ansarallah.
Le ministre saoudien de l’Énergie, Khalid al-Falih, a annoncé jeudi que Riyad avait suspendu temporairement toutes les livraisons de pétrole par le détroit stratégique de Bab el-Mandeb. Est-ce un coup de com’ destiné à diaboliser l’adversaire alors que l’Occident commence à revenir sur sa décision de participer à l’offensive contre Hudaydah ?
« Le transit du pétrole par le détroit de Bab el-Mandeb a été temporairement suspendu jusqu’à ce que le trafic maritime dans la zone soit sûr », a déclaré al-Falih dans un communiqué.
Depuis deux mois, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis mènent une offensive d’envergure contre le port stratégique de Hudaydah, qui reste l’unique point d’attache de la population yéménite au monde extérieur. L’offensive, à laquelle ont participé les USA et l’OTAN entre autres, s’est toutefois enlisée.
L’inquiétude est grande en effet du côté de Riyad et d’Abou Dhabi, qui ont été cette semaine témoins de la visite d’une délégation française à Saada ainsi que de l’envoi de lettres par le président du Conseil suprême politique yéménite aux présidents Poutine et Xi Jinping pour les mettre en garde contre la menace qui pèserait sur le trafic maritime via le détroit de Bab el-Mandeb, si le régime de Riyad ou d’Abou Dhabi parvenait à s’emparer de Hudaydah et à occuper définitivement d’autres îles stratégiques yéménites.
En mars 2015, une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite est intervenue au Yémen voisin pour faire revenir au pouvoir le président démissionnaire Abd Rabbo Mansour Hadi. Depuis, le Yémen fait l’objet de vastes attaques aériennes, terrestres et maritimes et d’un blocus inhumain imposé par le régime saoudien et ses alliés. Malgré son enlisement, les forces de la coalition pro-saoudienne s’obstinent à poursuivre leurs offensives militaires contre le Yémen, où plus de 36 000 civils ont été tués ou blessés et plus de 80 % des infrastructures ont été réduites à néant.