Cela fait trois ans que la Russie vit sous la coupe des sanctions : l’État russe est-il parvenu à tenir le coup ? Sous prétexte d’avoir à contrer l’expansionnisme de la Russie à qui ils reprochent « l’annexion de la Crimée », les Américains, suivis de l’Europe, sanctionnent Moscou depuis 2014.
Combinées à la baisse du prix du baril de pétrole, ces sanctions n’en ont pas moins placé l’économie russe dans une situation difficile. Cela étant dit, Moscou n’a pas été totalement désarmé et le régime de sanctions collectives adopté à l’encontre de la population de la Russie n’a pas porté les fruits escomptés. Pour preuve : le Sénat vient de re-sanctionner Moscou, signe que la vis serrée autour des Russes n’a pas trop bien fonctionné.
Mais comment le Kremlin a-t-il pu amortir le choc ?
On cite au nombre des raisons du succès de la Russie l’initiative du président Poutine de diversifier les partenaires économiques de Moscou : le Kremlin a choisi de tourner le dos à l’Europe pour s’ouvrir davantage à l’Asie. La Turquie et l’Égypte sont devenues ainsi des partenaires à la fois économiques et militaires.
Des contrats d’une valeur totale de plusieurs milliards de dollars ont été conclus avec la Chine, principal acheteur de gaz russe, ou encore avec l’Inde qui cherche à se doter de capacités nucléaires renforcées. Des contrats d’armements ont été par ailleurs signés avec l’Iran, l’Inde et la Turquie. Mais les experts affirment que si ces efforts ont pu suffire à court terme, il faudrait toutefois d’autres mesures pour obvier aux risques qui pèsent de tout leur poids sur l’économie russe, à défaut de quoi l’État pourrait être confronté d’ici quelque temps à des manifestations de rue.
Mais quel plan pour éviter l’effondrement ? Le soutien à Trump n’a pas été de grand secours pour Poutine. Reste à l’homme fort du Kremlin l’option des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghai. Dans les deux cas, la Russie se devra de coopérer avec la Chine et de régler ses interactions avec les puissances asiatiques.
Aussi bien Moscou que Washington savent que le géant économique chinois pèsera de tout son poids dans la querelle qu’ils se sont livrée. La Chine détient de multiples entreprises aux États-Unis et investit à fond en Russie. Elle pâtira sans doute d’un affaiblissement de l’économie russe. Mais peut-elle aller trop loin dans son soutien à la Russie ? La présence militaire US en mer de Chine a poussé pendant un certain temps à un rapprochement de Pékin avec Moscou. Mais cette dynamique de rapprochement a été quelque peu ralentie par une Amérique « trumpiste » qui semble avoir fait beaucoup de promesses à Pékin. Ce dernier sait éminemment qu’une mise au pas de la Russie n’irait pas du tout dans ses intérêts : sans l’épouvantail russe, les États-Unis ne manifesteraient pas un si grand intérêt pour la Chine et la lune de miel sino-américaine ferait long feu.
Quelle démarche donc adopter ? La Chine devra souffler le chaud et le froid comme elle l’a fait pendant la crise ukrainienne en s’abstenant de voter en faveur de la résolution anti-russe. Quant à la Russie, elle a bien montré qu’elle la peau dure et qu’elle ne se fléchira pas au premier vent hostile.
L’histoire russe a prouvé d’ailleurs l’inefficacité des pressions et des sanctions sur les Russes, surtout s’il s’agit de pressions de nature militaire. Moscou devra donc préparer un vaste programme prévoyant sa connexion à l’économie asiatique. Il devrait agir dans le sens de la formation d’un bloc avec les pays puissants qui paient eux aussi le prix de leur indépendance et l’Iran en est un. Et l’urgence pour les Russes consiste à ne pas faire confiance aux Américains et à ne pas se laisser emporter dans des considérations conjoncturelles qui ont parfois dicté les démarches russes.