La capitale de la Turquie, Ankara, a été ce jeudi 15 juin la scène d’une manifestation d’envergure en signe de protestation contre l’arrestation d’un député du Parlement.
À l’appel de la principale formation d’opposition, des milliers de personnes ont entamé jeudi à Ankara une longue marche qui doit les mener jusqu’à Istanbul, distante de 400 km, pour appeler à plus de justice au lendemain de l’incarcération d’un député de ce parti d’opposition, rapporte l’AFP.
Kadri Enis Berberoglu, du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), député du Parlement et ancien journaliste turc, a été condamné mercredi à 25 ans de prison, pour avoir fourni au quotidien d’opposition Cumhuriyet des informations confidentielles.
C’est la première fois qu’un député du CHP, parti fondé par le père de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk, est écroué depuis la levée de l’immunité parlementaire l’année dernière.
Enis Berberoglu est accusé d’avoir fourni au quotidien d’opposition Cumhuriyet une vidéo affirmant montrer l’interception, en janvier 2014 à la frontière syrienne, de camions appartenant aux services secrets turcs (MIT) et transportant des armes en Syrie à destination des insurgés.
Cette affaire avait fait scandale et provoqué la fureur du président Recep Tayyip Erdogan, qui avait promis au rédacteur en chef de Cumhuriyet de l’époque, Can Dündar, qu’il en « paierait le prix ».
Le journaliste, exilé en Allemagne, a été condamné l’année dernière à cinq ans et dix mois d’emprisonnement dans cette affaire.
M. Berberoglu, qui comparaissait libre mercredi, a été incarcéré immédiatement après l’annonce du verdict par le tribunal. L’avocat du député a fait appel de cette décision dès jeudi matin, a rapporté l’agence privée Dogan.
Le chef du CHP dans les rangs des manifestants
Le dirigeant du parti, Kemal Kiliçdaroglu, a décidé, en protestation, de parcourir à pied les plus de 400 km qui séparent Ankara d’Istanbul, où le député est incarcéré. Les médias affirmaient que cette marche prendrait entre 20 jours et un mois, avec des pauses régulières sur le trajet.
« S’il y a un prix à payer, je le paierai en premier », a déclaré M. Kiliçdaroglu avant de lancer : « Je vais marcher jusqu’à Istanbul. Et nous poursuivrons notre marche jusqu’à ce qu’il y ait de la justice en Turquie. »
À noter que les détracteurs de Kiliçdaroglu lui reprochent son manque de fermeté contre les décisions du président Recep Tayyip Erdogan.
Le chef du CHP avait condamné le putsch manqué de l’année dernière, faisant preuve, en quelque sorte, de solidarité avec le gouvernement.
Pourtant, les tensions ont monté d’un cran suite au référendum constitutionnel qui renforce les prérogatives du président du pays.
Parmi les rangs des manifestants, Kiliçdaroglu a également appelé « tous ceux qui veulent défendre la justice » à le soutenir. Les images le montraient marchant, chemise blanche et pantalon noir, tenant une pancarte avec le mot « Justice » inscrit en lettres rouges, constate également l’AFP.
Des affrontements ont éclaté en milieu de journée avec des opposants au CHP, sans que cela dégénère.
Des manifestations de soutien ont été organisées dans plusieurs villes de Turquie, ont rapporté les médias locaux. À Istanbul, un rassemblement a réuni plusieurs centaines de personnes, a constaté une autre journaliste de l’AFP.
Avec AFP