Le quotidien français Le Monde a publié, ce dimanche 28 mai, un article dont les trois auteurs ont rejeté les accusations lancées par Donald Trump contre l’Iran.
Quelques jours après que le président des États-Unis Donald Trump a accusé l’Iran d’avoir « organisé et soutenu le terrorisme international », Le Monde a publié un article, signé par un collectif de chercheurs, qui qualifie ces accusations d’« informations purement erronées ».
« Au moment où l’ouverture internationale de l’Iran semble irréversible après la réélection de Hassan Rohani, le président américain vient de décrire l’Iran comme “principal financeur et organisateur du terrorisme international”.
Comment l’Europe et la France, qui sont directement touchées par le terrorisme, peuvent-elles réagir face à cette “vérité alternative” — en français, ces mensonges — dont est coutumier le président américain ?
Dans ce contexte nouveau et désormais durable, quel rôle peut jouer l’Iran dans la région, et notamment dans la lutte contre le terrorisme de l’islamisme radical qui est la priorité absolue de la politique française au Moyen-Orient ? La politique iranienne en Syrie, Liban, Irak ou Yémen peut, certes, être discutée ou contestée, mais elle ne saurait être rejetée par de simples condamnations qui tiennent plus du discours populiste sur “l’impérialisme historique” de l’Iran ou ses ambitions de “domination chiite”. Une réalité vraie s’impose : ce n’est pas l’Iran qui occupe Raqqa ou Mossoul, qui est derrière les attentats du 11 septembre, de Charlie Hebdo ou de Manchester ou qui bombarde le Yémen tuant la population civile. D’autre part, en Syrie comme en Irak, l’Iran est, avec les Kurdes, la seule force militaire régionale combattant l’organisation État islamique [Daech, NDLR] avec ses gardiens de la révolution et ses milices. On peut préférer la politique saoudienne à celle de l’Iran, mais il ne semble plus possible d’accepter que se prolonge le conflit entre les deux nouvelles puissances émergentes du Moyen-Orient.
Que peut faire la France ?
Toutes proportions gardées, Paris se trouve aujourd’hui dans la même situation qu’en 2003 quand Jacques Chirac avait refusé d’entrer en guerre contre l’Irak. Le nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron a clairement donné la priorité à la lutte contre le djihadisme et à la recherche de solutions réalistes et durables des conflits. Les nominations dans les divers cabinets ministériels semblent confirmer cette nouvelle politique. On constate cependant dans cette période le regain d’activité de puissants lobbies, à l’œuvre depuis près de vingt ans, qui rejettent toute solution équilibrée qui donnerait à l’Iran, fût-il démocratique, un rôle pour contribuer à la stabilité d’un Moyen-Orient au bord du chaos et dominé par l’émergence et la prospérité des monarchies pétrolières. L’hostilité de Donald Trump et du gouvernement de Benyamin Netanyahu à l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien a ravivé l’activisme et les espoirs de ces nostalgiques de la politique des néoconservateurs de George W. Bush, dans les partis politiques, les administrations, les médias, les think tanks et même les milieux universitaires français. Derrière un discours policé et savant, ils refusent de constater la réalité des transformations irréversibles qui ont marqué l’Iran. Ils légitiment ainsi des décisions aux effets dramatiques. Espérons seulement que ces lobbies ne réussiront pas à entraver les initiatives que l’on attend de la France pour construire une paix durable au Moyen-Orient, en prenant en compte les vérités vraies et non pas “alternatives” ».