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Discours de politique étrangère de Macron : la voix inaudible de la France dans le monde !

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Le président français Emmanuel Macron a exposé, lundi 6 janvier, à Paris, aux ambassadeurs français ses priorités de politique étrangère en 2025, sur fond de multiples crises dans le monde.

Dans une démonstration de force diplomatique tous azimuts, Emmanuel Macron vient de lancer une série d'offensives communicationnelles qui dessinent les contours d'une France en déclin soucieuse de peser sur l'échiquier mondial.

Sur le dossier ukrainien, Macron a prévenu qu'il n'y aurait pas de solution rapide et facile en Ukraine, alors que le président élu des Etats-Unis Donald Trump avait promis un règlement express.

Face à un Donald Trump politiquement renforcé, Emmanuel Macron, affaibli par sept ans de pouvoir, a tenté de réactiver une relation transatlantique déjà marquée par des échecs.

Le chef de l'État français a par ailleurs prétendu que le programme nucléaire iranien approche d’un point potentiellement irréversible.

Sur la Syrie, Macron a appelé à « regarder sans naïveté le changement de régime », et promis de ne pas abandonner les combattants kurdes alliés des Occidentaux dans la soi-disant lutte contre le terrorisme.

Et enfin, Macron a refusé d’admettre ses échecs en Afrique, affirmant que la France a eu raison d'intervenir militairement sur ce continent depuis 2013.

Revirement spectaculaire de Macron sur l’Ukraine

Sur le dossier ukrainien, changement de ton radical. Celui qui fut l'un des plus ardents défenseurs de l'intégrité territoriale de Kiev adopte désormais une posture de « Realpolitik ». En appelant à des discussions réalistes sur les questions territoriales, Macron esquisse les contours d'une nouvelle approche diplomatique, plus pragmatique que dogmatique.

La résolution du conflit russo-ukrainien ne sera ni rapide ni facile et nécessitera que Kiev affronte la question du territoire, a averti le président français.

« Les Ukrainiens doivent tenir une discussion réaliste sur les questions territoriales et eux seuls peuvent le faire », a déclaré Emmanuel Macron.

« Les États-Unis d’Amérique doivent nous aider à changer la nature de la situation et à convaincre la Russie de venir à la table des négociations », tandis que les membres européens de l'OTAN ont la responsabilité d'élaborer des garanties de sécurité pour l'Ukraine, a ajouté Macron.

Bien qu’aucune proposition de paix spécifique n’ait été rendue publique, des rumeurs dans les médias ont suggéré que le président élu américain Donald Trump avait l’intention de proposer un cessez-le-feu qui « gèlerait » le conflit le long de la ligne de front actuelle. Certains gouvernements occidentaux ont cherché à gérer les objections attendues de Kiev à ce sujet en offrant à l’Ukraine des garanties de sécurité, tout en évitant l’adhésion à l’OTAN.

 « Le nouveau président américain lui-même sait que les États-Unis n’ont aucune chance de gagner quoi que ce soit si l’Ukraine perd », a déclaré Macron, ajoutant que « la capitulation de l’Ukraine ne peut pas être bonne pour les Européens et les Américains ».

L'arrivée imminente de Donald Trump à la Maison blanche et sa déclaration de campagne selon laquelle il pourrait ramener la paix quelques jours après son retour à la Maison Blanche - a suscité des craintes que Kiev soit poussé à faire des concessions territoriales douloureuses.

Macron appelle l'Europe à ne pas être « faible et défaitiste » face à Trump

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche offre une occasion à Emmanuel Macron de se positionner internationalement. Il ne s’en est pas privé, lundi à l’Elysée, devant les ambassadeurs français réunis pour la traditionnelle rentrée diplomatique.

A quelques jours de l'investiture du nouveau président américain, l'Europe peut-elle résister à l'arrivée de Donald Trump ? « On se posait les mêmes questions il y a huit ans et il y avait le Brexit en plus », rappelle Emmanuel Macron.

« De 2016 à 2020, la France a su travailler avec le président Trump », a souligné le chef de l'État français. « Si on décide d'être faible et défaitiste, il y a peu de chances d'être respecté par les États-Unis d'Amérique du président Trump. À nous de savoir coopérer avec le choix qui a été fait par le peuple américain », a-t-il ajouté lors de la réunion annuelle des ambassadeurs français.

En ce qui concerne l'économie et le commerce, le président français a fait valoir que l'Europe est confrontée à un risque réel de décalage avec les États-Unis et la Chine et qu'elle devrait elle aussi renoncer à des règles établies qu'elle est la seule à respecter aujourd'hui, Washington et Pékin étant beaucoup plus protectionnistes à l'égard de leurs industries.

La France et l'Europe ont pu travailler avec la première administration Trump et la décision du président élu d'effectuer son premier voyage international à Paris le mois dernier, où une discussion stratégique a commencé entre les deux dirigeants, est la preuve que le Vieux Continent reste un partenaire clé pour Washington, a poursuivi le président français.

Depuis l'élection du milliardaire début novembre, Emmanuel Macron tente de rééditer le scénario de 2017, surjouant l'entente avec son homologue. Il a été le premier à l'accueillir à l'étranger, pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame début décembre.

Il y a huit ans, cette stratégie n'avait pas empêché Donald Trump de retirer Washington d'accords cruciaux, sur le climat ou le programme nucléaire iranien.

Programme nucléaire iranien : Macron brandit le spectre d’un point de non-retour     

Le président français a par ailleurs prétendu que l'Iran constituait le principal défi stratégique et sécuritaire au Moyen-Orient, et serait une question prioritaire dans le dialogue qu'il engagera avec la nouvelle administration américaine de Donald Trump.

« L'Iran, c'est le principal défi stratégique et sécuritaire pour la France, les Européens, toute la région et bien au-delà », a déclaré Emmanuel Macron.

Lors de son discours aux ambassadeurs français à Paris, Emmanuel Macron a déclaré que le programme nucléaire iranien approchait d’un point potentiellement irréversible et qu'il fallait avoir un dialogue stratégique avec l’administration Trump sur l'Iran.

Pour rappel, après le retrait des États-Unis du JCPOA (Plan global d'action conjoint) en mai 2018, l’Iran a dans un premier temps pleinement respecté ses obligations. Cependant, en réponse à la violation du JCPOA par les États-Unis et au non-respect des obligations des parties restantes, l'Iran a entamé des mesures progressives pour réduire ses obligations à partir de mai 2019.

Ces mesures comprenaient l'augmentation de la capacité d'enrichissement de l'uranium, le non-respect des limites existantes sur les stocks d'uranium enrichi et le lancement de nouvelles activités dans les installations nucléaires.

Jusqu’en décembre 2020, l’Iran continuait de respecter certains de ses engagements dans le cadre du JCPOA, mais les mesures visant à réduire ses obligations se poursuivaient. Au cours de cette période, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a publié plusieurs rapports dans lesquels elle reconnaît que l’Iran respecte toujours certains de ses engagements nucléaires dans le cadre du JCPOA. Parmi les rapports de l'Agence confirmant le respect par l’Iran de l’accord nucléaire, au cours de cette période, on peut citer les rapports publiés mi-2019 et 2020, qui indiquaient que l'Iran adhère toujours à certaines restrictions sur l'enrichissement de l'uranium et ses réserves, précisant qu’il a abandonné certaines restrictions dans le domaine de la recherche et du développement.

Macron dit vouloir regarder sans naïveté le changement de régime en Syrie

La Conférence annuelle des ambassadeurs a été également une occasion pour le président français de s’exprimer sur la situation en Asie de l’Ouest.

« Nous avons, en effet, réussi à empêcher la mise en place d'un califat territorial qui aurait menacé les intérêts de la France et sa sécurité. Et nous avons œuvré, et continuons de le faire, dans le cadre de l'opération Inherent Resolve contre le terrorisme au Levant, avec là aussi un engagement exemplaire », a annoncé Macron à propos des menaces terroristes dans la région.

« Sur la Syrie, la France accompagnera dans la durée la transition en faveur d'une Syrie souveraine, libre et respectueuse de sa pluralité ethnique, politique et confessionnelle, et s'engage à rester fidèle aux combattants de la liberté, comme les Kurdes qui luttent contre le terrorisme », a-t-il souligné.

La France, très active dans la mise en place des sanctions anti-syriennes, envisage une levée « progressive et conditionnée », précise une source diplomatique. Depuis les locaux de l’ambassade de France à Damas, fermée depuis le 6 mars 2012, l’ambassadeur français a annoncé que « la France préparerait, de façon graduelle et conditionnée, les modalités de son retour en Syrie ».

Ce positionnement s'inscrit dans un contexte marqué par la chute du gouvernement de Bachar al-Assad, après la prise de Damas par des opposants armés. Dans ce cadre, la France insiste sur la nécessité de respecter les engagements internationaux. « La souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent être respectées », a souligné le Quai d’Orsay.

Depuis la chute de Bachar el-Assad en décembre 2024, Damas est devenu un centre diplomatique mondial. La France, l’Union Européenne, les États-Unis, la Turquie, le Qatar, l'Ukraine et bien d'autres se pressent pour engager des discussions avec le gouvernement provisoire syrien, dirigé par le Premier ministre en charge de la transition, Mohammed al-Bachir du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC). Ces visites abordent des sujets variés : enjeux géopolitiques, reconstruction économique, protection des minorités ou encore lutte contre le terrorisme.

Les puissances mondiales cherchent à sécuriser des intérêts stratégiques, tout en tentant de limiter l'influence d’autres puissances en Syrie. Cependant, un paradoxe demeure concernant HTC, toujours perçu comme une organisation terroriste par de nombreux pays et organisations.

Les dirigeants africains dénoncent les propos d'Emmanuel Macron

Enfin, dans un coup d'éclat qui n'a pas manqué de faire réagir, Macron revendique sans complexe l'héritage de l'intervention française au Sahel. Avec une pointe d'amertume à peine voilée, il attend toujours les remerciements des États sahéliens pour avoir, selon ses mots, empêché leur basculement aux mains des terroristes. Une sortie qui a provoqué l'ire immédiate du Tchad et du Sénégal, dénonçant une « attitude méprisante ».

La France a eu raison d'intervenir militairement en Afrique contre le terrorisme depuis 2013, mais les dirigeants africains ont oublié de nous dire merci, a déclaré le chef de l'État, estimant qu'aucun d'entre eux ne serait aujourd'hui avec un pays souverain si l'armée française ne s'était pas déployée.

« C'est pas grave, ça viendra avec le temps », a-t-il ironisé. « Non, la France n'est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide, elle se réorganise », a-t-il plaidé.

Dans un communiqué, le ministre tachadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a dénoncé «une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains», affirmant que «les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain».

«Au lieu de s’en prendre à l’Afrique, le président Macron devrait concentrer ses efforts sur la résolution des problèmes qui préoccupent le peuple français», a conclu le ministre tchadien.

Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a quant à lui contesté lundi que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait donné lieu à des négociations entre Paris et Dakar et s'est inscrit en faux avec virulence contre des propos du président Emmanuel Macron sur l'engagement militaire français en Afrique.

Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires.

Le mois dernier, à quelques heures d'intervalle, le Sénégal et le Tchad ont à leur tour annoncé le départ des militaires français de leur sol et officialisé une « réorganisation ». En janvier, la Côte d'Ivoire a également annoncé que la base militaire française de Port-Bouet près d'Abidjan serait rétrocédée au pays.

Le discours de Macron semble dessiner les contours d'une diplomatie française qui, à l'aube de 2025, cherche à s'imposer comme une voix incontournable dans le monde. Reste à savoir si cette guerre de communication de Macron permettra à la France de renforcer son influence ou si elle risque, au contraire, d'isoler davantage Paris sur la scène internationale.

Ghorban-Ali Khodabandeh est journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV