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Explication: quelle est la position de l’Iran concernant les voies de transport dans le Caucase?

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Par Ivan Kesic

Alors que les tensions concernant les territoires contestés s’intensifient à nouveau entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, les responsables iraniens ont émis de nombreux avertissements selon lesquels Téhéran n’autoriserait aucun changement de frontière dans le Caucase.

Mardi après-midi, l’Azerbaïdjan a lancé ce qu’il a appelé une « opération antiterroriste » au Karabakh, provoquant des vagues de choc dans toute la région. Bakou a déclaré en avoir informé la Russie et la Turquie.

Dans un communiqué, le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a considéré le retrait complet des forces arméniennes du Karabakh comme étant la « seule voie vers la paix », tandis que l’Arménie a exhorté ses citoyens de la ville Khankendi à se réfugier.

Depuis des semaines, les spéculations allaient bon train autour du fait que les deux voisins séparés ont amassé des armes à la frontière commune et qu’une nouvelle guerre éclaterait sur des couloirs bloqués de Latchine et de Zangezur.

Le 3 septembre, après une rencontre avec son homologue turc Hakan Fidan, le ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran, Hossein Amir Abdollahian, a réitéré la position de Téhéran selon laquelle il ne tolérerait aucun changement géopolitique dans la région du Caucase, notamment le changement des frontières.

Six jours plus tard, à la suite d’une conversation téléphonique avec le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan, le président iranien Ebrahim Raïssi a déclaré que Téhéran était prêt à jouer un rôle efficace pour empêcher de nouveaux affrontements et tout changement des frontières historiques dans la région contestée.

Le 10 septembre, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, a pour sa part déclaré que les responsables azerbaïdjanais ont assuré à Téhéran qu’ils n’avaient pas l’intention de mener une attaque militaire contre l’Arménie et que les récents mouvements constituaient une action militaire conventionnelle avant la saison hivernale.

Le même jour, la République islamique d’Iran a rejeté les allégations sans fondement sur le déploiement de ses troupes à la frontière nord avec l’Azerbaïdjan, et les deux pays ont signé des documents de coopération militaire.

Qu’est-ce que le couloir Zangezur ?

Le corridor de Zangezur, également connu sous les noms de corridor du Nakhitchevan, du Syunik ou du Meghri, est un projet de corridor de transport qui traverse la province arménienne de Syunik, reliant la République d’Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan.

Le couloir a été conçu pour traverser la vallée de la rivière Aras, à l’extrême sud de l’Arménie, le long de la frontière avec l’Iran, et à l’ouest, il continuerait jusqu’à la Turquie, qui a une courte frontière avec le Nakhitchevan.

Depuis que l’Arménie et l’Azerbaïdjan maintiennent un blocus mutuel des voies terrestres en raison de tensions anciennes, la connexion de Bakou avec le Nakhitchevan a été pendant des décennies l’Iran et celle avec la Turquie a été la Géorgie.

Les deux pays ont des points de vue différents sur le concept du corridor, sa définition, l’existence de points de contrôle ainsi que la nationalité des gardes qui les contrôleraient.

Dans le cadre de ses revendications maximalistes, Bakou a demandé un passage sans entrave et sans points de contrôle ; tandis qu’Erevan a refusé de le faire, il a menacé de mettre en œuvre le plan prévu de manière unilatérale, par une intervention militaire et l’occupation du sud de l’Arménie.

L’accord de cessez-le-feu de 2020 qui a mis fin à la dernière guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne prévoyait aucun espace spécifique pour aucun corridor, puisque le point 9 de cet accord appelait uniquement à l’ouverture de liaisons de transport précédemment bloquées.

Les deux pays interprètent également ce point de différentes manières. Bakou y voit une base pour l’ouverture du corridor de Zangezur, tandis que pour Erevan, cela signifie débloquer les liaisons routières et ferroviaires existantes depuis l’ère soviétique.

Forts de la dernière victoire militaire et du soutien de certaines puissances étrangères, des voix bellicistes se font entendre depuis trois ans en Azerbaïdjan en faveur de l’ouverture du couloir par des moyens militaires, à quoi l’Iran s’oppose fermement.

Quelle est la position de l’Iran sur le corridor ?

L’Iran salue l’interconnexion des voies de transport dans le Caucase et dans la région, sans exclure aucun de ses grands ou petits voisins, s’opposant fermement à tout changement du statu quo.

Certains acteurs internationaux anti-iraniens ont qualifié cette position de prétendue hostilité envers l’Azerbaïdjan et la Turquie, alléguant que Téhéran tente de les isoler et de soutenir l’Arménie. Cependant, c’est loin de la vérité.

L’opposition de l’Iran à tout changement dans les frontières existantes n’est pas nouvelle, et ce, fait partie de l’approche officielle de principe déjà observée dans un certain nombre d’autres cas dans la région, notamment en Égypte, en Irak, au Koweït, au Liban, à Oman, au Qatar, en Palestine, en Syrie, en Turquie et au Yémen.

Cette position n’a pas changé, indépendamment du statut différent des relations bilatérales avec les pays mentionnés. Étant donné ce fait, l’Iran entretient aujourd’hui de bonnes relations avec la Russie, mais reconnaît l’intégrité territoriale de la Géorgie et de l’Ukraine.

L’Azerbaïdjan ne fait pas exception puisque la position immuable de Téhéran est que le Haut-Karabakh fait partie de l’Azerbaïdjan, ce qui a été salué par le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev.

L’idée selon laquelle les tentatives de modification des frontières se poursuivent dans le Caucase du Sud, soit dans le cadre des rôles inversés, soit dans le contexte d’un acte de représailles, est inacceptable pour Téhéran car il enflamme une politique revancharde, un armement excessif et alimente de nouveaux conflits.

Dans le cas d’une nouvelle guerre prolongée, les voies de transport de l’Iran avec les deux pays seront coupées et des dizaines de milliers de réfugiés pourraient inonder l’Iran, comme ce fut déjà le cas lors de leur première guerre.

Quelle est la position de l’Iran sur le Haut-Karabakh ?

Téhéran a toujours prôné la réintégration pacifique du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan, tout en respectant les droits de la minorité arménienne (et vice versa), et a évité d’intensifier les tensions ou d’armer l’une des deux parties opposées.

La coopération de l’Iran avec les deux pays se concentre sur la construction d’usines, de barrages, de routes et d’autres infrastructures, ainsi que sur l’inclusion dans les routes internationales pour se connecter avec le monde.

Comme étant indiqué précédemment, l’Iran n’exclut aucun pays de cette connexion : la Turquie le relie à l’Europe, l’Arménie et la Géorgie à la mer Noire et l’Azerbaïdjan à la Russie. Malheureusement, tous ces pays sont favorables au blocage d’au moins un voisin.

Du point de vue de l’Azerbaïdjan, la République islamique d’Iran lui offre une connexion stable avec le Nakhitchevan, une connexion terrestre avec le Turkménistan et l’Asie centrale, ainsi qu’une voie ferrée vers Astara qui le reliera au corridor Nord-Sud vers l’océan Indien.

En mars 2022, l’Iran et l’Azerbaïdjan ont signé un mémorandum d’accord sur le développement du corridor iranien existant vers le Nakhitchevan, comme étant l’alternative au corridor traversant le territoire arménien.

Une autre caractéristique de l’approche iranienne dans la région est la résolution des différends dans le cadre du format 3+3, c’est-à-dire trois petits pays, à savoir l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, et trois grands pays, dont l’Iran, la Russie et la Turquie, sans l’implication de puissances étrangères.

L’Iran est bien conscient des projets britanniques et américains visant à fusionner leurs sphères d’intérêt à travers le Caucase et l’Asie centrale depuis des décennies, ce qui comprend l’assujettissement forcé des trois petits pays de la région et l’isolement de l’Iran et de la Russie.

La vision de Téhéran pour le Caucase est d’en faire les Alpes de la région, tandis que les puissances étrangères veulent en faire les Balkans.

Ivan Kesic est un journaliste et chercheur indépendant spécialisé dans les affaires de l'Asie de l'Ouest.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de PressTV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV