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France : remaniement ministériel, tentative ratée de Macron pour sortir de la crise ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Emmanuel Macron dépeint en Louis XIV, après une intervention télévisée jugée arrogante et méprisante par de nombreux manifestants. Paris, 23 mars 2023. ©AP

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Au terme de longues tractations entre le président français et sa Première ministre, les noms sont finalement tombés jeudi 20 juillet. Les départs pressentis sont confirmés mais les grands portefeuilles ne sont pas affectés par ces changements.

On connaît enfin le gouvernement français qui fera face à une rentrée qui s’annonce tendue après la grogne sociale sur les retraites et les violences urbaines. L’Élysée a annoncé le remaniement ministériel tant attendu via un simple communiqué de presse après des semaines de rumeurs et des fuites dans les médias.

L’événement faisait effectivement depuis longtemps l’objet de commentaires dans la presse française. D’autant plus qu’Emmanuel Macron avait annoncé pour le 14 juillet un bilan de ses «100 jours d’apaisement et d’action» dans la foulée des manifestations massives contre la réforme des retraites.

La Première ministre, Elisabeth Borne, confirmée à son poste par l’Élysée le 17 juillet, avait souhaité procéder à des « ajustements » dans son gouvernement, sans remaniement d’envergure. La structure du gouvernement reste donc sensiblement la même mais avec le départ de plusieurs ministres issus de la société civile.

Le ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye, sur la sellette, n’a pas été reconduit lors du remaniement annoncé, quatorze mois après sa prise de fonctions, le 20 mai 2022. Devenu bouc émissaire de la droite et de l'extrême droite, l'historien spécialiste des minorités quitte le gouvernement. Il avait également divisé dans son propre camp en dénigrant la France en septembre 2022 lors d’un voyage aux Etats-Unis. Marlène Schiappa, la sulfureuse secrétaire d’Etat à la Vie associative, est elle aussi démise de ses fonctions. Autre départ marquant : celui du ministre de la Santé, François Braun.

Parmi les personnalités promues figure un proche d’Emmanuel Macron en la personne de Gabriel Attal, qui quitte les Comptes publics pour l’Education nationale. Le ministère de la Santé cède la place à un proche d’Elisabeth Borne, son ancien directeur de cabinet Aurélien Rousseau. La présidente du groupe de la majorité, Renaissance, à l’Assemblée nationale Aurore Bergé obtient quant à elle le portefeuille ministériel des Solidarités.

Parmi les noms moins connus, on a appris l’arrivée de la députée des Bouches-du-Rhône Sabrina Agresti-Roubache comme ministre de la Ville à la place d’Olivier Klein. Fadila Khattabi a elle été nommée ministre déléguée chargée du Handicap. Le député Thomas Cazenave remplace Gabriel Attal au ministère des Comptes publics et le maire divers gauche de Dunkerque Patrice Vergriete est lui nommé ministre du Logement. Enfin, le député MoDem Philippe Vigier est nommé aux Outre-mer.

Depuis des semaines, le sujet d’un remaniement animait la vie politique et les médias, alors que cet outil de la Ve République n’apparaît plus comme un événement.

Les oppositions se sont montrées très hostiles au changement d’équipe. Au Rassemblement national, la députée Caroline Parmentier a évoqué des «nuls» et des «inconnus». Laure Lavalette a quant à elle dénoncé la nomination d’Aurore Bergé, estimant que «la trahison politique» payait, en référence à ses diverses allégeances politiques.

Côté La France Insoumise, la députée Farida Amrani a dénoncé la nomination de la nouvelle ministre de la Ville Sabrina Agresti-Roubache, qu’elle accuse d’être «d'accord avec le constat politique de Jean-Marie Le Pen». Le député Adrien Clouet a lui rappelé  qu’Aurore Bergé, nouvelle ministre des Solidarités, avait voté «contre l'allongement du congé pour enfant décédé». Aucun des ministères régaliens n’a connu de changement de tête à l’occasion de ce remaniement. C’est donc une équipe légèrement renouvelée qui s’est réunie le 21 juillet pour le premier Conseil des ministres de ce gouvernement.

Sous pression depuis les récentes protestations qui ont secoué la France, le président Emmanuel Macron a confirmé le maintien à son poste de la Première ministre Elisabeth Borne, qui voulait procéder à des «ajustements» au sein de son gouvernement.

Les protestations violentes fin juin avaient éloigné la perspective d'un remaniement ministériel. Mais une fois le calme revenu, les rumeurs ont repris de plus belle, allant d'un simple ajustement technique à un changement de Premier ministre.

 «Pour que rien ne change, il ne faut rien changer. Le maintien d'Élisabeth Borne à Matignon traduit la dramatique déconnexion du président de la République qui a perdu tout contact avec le peuple et condamne le pays à l'impuissance et à l'immobilisme», a réagi sur Twitter la dirigeante du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen.

Macron a déclaré lors d'un nouveau conseil des ministres que les violences avaient mis en évidence le « danger de fragmentation et de division profonde entre la nation ». « Nous devons apprendre de ce qui s'est passé et trouver les bonnes réponses », a-t-il déclaré.

Pour le président, se séparer d’Élisabeth Borne, c’était risquer de basculer dans une nouvelle phase du mandat, celle des coalitions, avant l’inévitable bataille de succession en vue de 2027. C’est pourquoi il a préféré attendre.

Le meurtre d'un adolescent de 17 ans, d’origine africaine, par un policier a provoqué de vives protestations contre le comportement raciste de la police française. Cette nouvelle vague de protestations a déclenché des violences urbaines sans précédent depuis 2005. Le remaniement ministériel opéré par Macron a été donc interprété comme un signe de sortie de crise, car en plus des récentes manifestations, la France a également connu des protestations massives contre la réforme des retraites et généralement contre les politiques de Macron.

Deux jours après l'annonce des noms du nouveau cabinet d’Elisabeth Borne, les deux tiers du pays se sont dits insatisfaits de ce remaniement.

Selon le dernier sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, 61% des Français se disent insatisfaits du remaniement annoncé par l’exécutif. Il s’agit là du plus haut niveau d'opinions négatives à l'égard d'un gouvernement jamais mesuré par l’institut depuis la première élection d'Emmanuel Macron, en 2017. Et pour cause, 62% des sondés auraient souhaité que Matignon change de visage et que la première ministre soit remplacée. Les trois quarts des sondés (74%) en déduisent donc que le tout nouveau gouvernement mènera exactement la même politique que le précédent.

Parmi les insatisfaits, les sympathisants du Rassemblement national arrivent en tête avec 79% de mécontents, talonnés par les partisans de La France Insoumise avec 73% et par ceux d'Europe Écologie-Les Verts avec 69%.

Le remaniement ministériel survient alors que la majorité des Français estiment qu’Emmanuel Macron n’a pas atteint les objectifs fixés à l’issue de ses cent jours. Ceci dit, la solution ne passe pas à leurs yeux par le remaniement, mais par un changement d'approche bien plus large.

 

Ghorban-Ali Khodabandeh est journaliste indépendant et analyste politique iranien basé à Téhéran.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV