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France/14 juillet : le rêve d’apaisement qui a tourné au cauchemar pour Macron !

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des personnes regardent des pneus en feu bloquant une rue à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 29 juin 2023. ©Getty Images

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Alors que le président français Emmanuel Macron avait donné rendez-vous le 14 juillet pour dresser un premier bilan des cent jours d'apaisement qu'il avait lui-même décrété le 17 avril, l’incertitude plane toujours sur ses intentions.

En effet, la fête nationale avait été présentée par le locataire de l’Élysée comme la date butoir des « 100 jours de l’apaisement », séquence lancée après l’épisode houleux de la réforme des retraites.

Or, l’Élysée a annoncé mercredi 12 juillet qu’Emmanuel Macron ne s’exprimerait pas à l’occasion de la Fête nationale. Ce n’est pas la première fois que le chef de l’État esquive l’interview du 14-Juillet, une pratique à laquelle il ne s’est prêté que deux fois depuis son arrivée au pouvoir, en 2020 et 2022.

Dès son entrée en fonction, la communication rare, verrouillée et solennelle adoptée par Emmanuel Macron lui vaut le surnom de président « jupitérien ». C'est donc sans véritable surprise qu'il a choisi, deux mois après sa prise de fonction, de renoncer à la tradition de l'interview du 14-Juillet, pour cette année et les suivantes.

Faute d'une communication du chef de l'État, c'est la Première ministre qui s'est chargée de faire publiquement le bilan de cette politique. « Nous avons délivré la feuille de route », a affirmé Elisabeth Borne dans un entretien au journal Le Parisien. Il revient désormais au président d’en tirer les conclusions, alors que bruissent des rumeurs de remaniement.

Il faut finalement attendre la fin du mois de juillet pour, peut-être, entendre le président de la République. L'Élysée s'est contentée d'annoncer une prise de parole prévue « dans les prochains jours », sans plus de précisions.

Le 17 avril 2023, en décrétant « cent jours d’apaisement » et « d’action » pour clore la crise des retraites, le président Macron avait donné rendez-vous le jour de la fête nationale pour « un premier bilan ». Il s’exprimait alors après la promulgation de la réforme des retraites qui avait mis des millions de personnes dans la rue. Sans véritable annonce, la manœuvre visait surtout à tourner la page de la réforme des retraites, au moins symboliquement, surtout dans une France qui reste massivement opposée au recul de l'âge de départ à 64 ans.

Le président français avait alors chargé son gouvernement d’avancer sur plusieurs chantiers dans ce laps de temps. Il avait ainsi appelé à dessiner un nouveau « pacte de la vie au travail », à « renforcer le contrôle de l’immigration illégale », à établir un système de santé « profondément rebâti » ou encore à prendre des mesures pour l’école en vue de la rentrée scolaire.

Depuis le 17 avril dernier, Emmanuel Macron, ballotté de crise en crise, a alterné entre périodes intense et calme. Le président de la République s’est dans un premier temps démultiplié sur le terrain, enchaînant les déplacements sur des sujets variés : réforme des lycées professionnels, ré-industrialisation etc. Certaines de ces visites ont été émaillés - au moins dans les premiers jours - par des concerts de casseroles que les préfectures ont tenté de limiter par tous les moyens possibles.

En termes de popularité, la séquence a visiblement porté ces fruits, avec un rebond de 8 points début juin. Mais la fin de la séquence a pris une tournure dramatique avec la mort, à Nanterre en banlieue parisienne, de Nahel, un adolescent de 17 ans, tué par un tir policier lors d’un contrôle routier. Revenu à Paris, le président de la République a convoqué deux cellules interministérielles de crise et écourté un déplacement européen. Si le calme est revenu après une semaine de protestations violentes un peu partout dans l’Hexagone, l’affaire a fait voler en éclat l’image « d’apaisement » que le président et son gouvernement souhaitaient imposer.

Si le président français ne fait pas de discours ce 14 juillet, c'est certainement parce qu'après les protestations et les troubles qui ont suivi la mort de Nahel, il parait difficile d'évoquer le bilan des « 100 d'apaisement » sans faire le constat d'un échec.

En cas de discours, le fond de la prise de parole d'Emmanuel Macron aurait été minutieusement scruté et aucune erreur n'aurait échappé aux critiques. Il semble dès lors plus simple pour Macron de contourner cette tradition présidentielle, instituée par Valéry Giscard d’Estaing en 1978 et respectée depuis par presque tous les Présidents. D'autant plus qu'un discours censé faire le bilan de l'année écoulée et dresser la nouvelle feuille de route d'Elisabeth Borne après une période d'apaisement semblerait dépourvu de sens au regard des derniers jours du mois de juin secoués par les violences. D’autant plus qu'une reprise des protestations dans le courant de l'été est redoutée par les autorités. Dans une note, le renseignement territorial estime que de nombreux quartiers sensibles pourraient être touchés par de nouveaux épisodes de violences, ou la reprise des actes commis durant les dernières contestations.

Macron a promis d’agir « avec la plus grande détermination » en cas de « débordements », après les violences qui ont secoué plusieurs quartiers et centres-villes dans la foulée de la mort de Nahel tué à Nanterre par un tir policier. Alors qu’à Paris, Gérald Darmanin, détaillait mercredi le dispositif « exceptionnel » prévu pour les 13 et 14 juillet – 45 000 policiers et gendarmes mobilisés chaque soir –, le Président, depuis Vilnius en Lituanie, à l’issue du sommet de l’Otan, a prévenu que le respect de l’ordre républicain, qu’il avait réaffirmé très clairement il y a une centaine de jours, devrait être respecté partout.

Il s’agirait, selon de nombreux analystes, d’une tentative pour contrer les accusations de laxisme ou d'effondrement de l’exécutif venues de la droite et de l'extrême droite. Ces déclarations viseraient aussi à montrer aux Français que l'ordre et la sécurité - qui ont fait un bond selon les enquêtes d'opinion dans leurs préoccupations - sont bien une priorité.

En déplacement à Vilnius pour un sommet de l'OTAN, Macron a par ailleurs préféré entretenir le flou sur la suite, promettant  « de prendre les bonnes décisions dans les mois qui viennent » sur la question des banlieues.

Les événements des derniers mois marquent bien l’échec du président : des Gilets jaunes aux récentes contestations, Emmanuel Macron avance de crise en crise depuis 2017, peinant à réaliser sa promesse de « réconcilier la France ».

En effet, la période de cent jours devant emmener Emmanuel Macron jusqu'au 14 juillet pour apaiser le pays et relancer les chantiers d'un second quinquennat s'est fracassée sur les protestations de grande ampleur et la flambée soudaine de violences après la mort le 27 juin du jeune Nahel.

Avec 45 000 policiers et gendarmes chaque nuit, l'exécutif a mis en place, pendant une semaine, une mobilisation sans précédent et sans commune mesure avec le dispositif déployé lors du mouvement de contestation de 2005. Des milliers de personnes ont été interpellées et Macron a durci le ton face aux protestataires, déclarant qu’il envisageait de sanctionner financièrement les familles des manifestants.

Après les Gilets jaunes, le Covid et la guerre en Ukraine, le mandat de Macron est une nouvelle fois frappé de plein fouet par la crise. La vraie question est de savoir comment il est capable de trouver et d’offrir au pays une solution politique efficace pour mettre fin à quatorze mois de crises qui se poursuivent et s’accélèrent et sauver son quinquennat. Cela étant dit, la suite du quinquennat va s'écrire différemment pour Emmanuel Macron, d’autant plus que l’apaisement n’a jamais semblé aussi loin.

 

Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste indépendant et analyste politique iranien basé à Téhéran.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV