Le président russe Vladimir Poutine a finalement annoncé sa position concernant le conflit meurtrier qui a débuté dans le Haut-Karabakh depuis plusieurs semaines. Il a affirmé que la Russie interviendrait (selon les traités existants), si la guerre éclatait sur le sol arménien. Cette prise de position, même courte, ainsi que le silence relativement long sur la guerre actuelle, contiennent des points importants.
La courte phrase de Poutine contient en premier lieu un avertissement selon lequel l'entrée de l'Azerbaïdjan en Arménie est la ligne rouge de la Russie et entraînera l'intervention de ce pays, mais cette phrase semble également un peu inattendue. Jusqu'à présent l'Azerbaïdjan n'a montré aucun signe de poursuite de la guerre sur le sol arménien, mais cette déclaration signifie qu'une telle possibilité existe pour les Russes, et reste tellement probable que les Russes sont sortis de leur long silence.
En effet, il semble que du point de vue russe, la pleine implication de la Turquie dans le conflit du Haut-Karabakh pourrait aller au-delà du soutien au gouvernement azerbaïdjanais contre les Arméniens. D'après Moscou, la Turquie aurait aussi pour but d'ouvrir une route terrestre directe vers la mer Caspienne et Bakou, riche en pétrole.
Cet accès est bien sûr très important pour la Turquie ainsi que pour d'autres puissances régionales et peut changer la géopolitique de la région. L'accès direct au pétrole de Bakou résout non seulement le problème de la dépendance de la Turquie vis-à-vis du pétrole iranien, irakien et russe, mais crée également une nouvelle route pour l'oléoduc vers l'Europe qui est hors de portée des Russes et réduit la dépendance de l'Europe à l'égard du pipeline russe. De plus, l'intérêt des Européens pour la Turquie n'en sera que plus important.
Le point qui mérite réflexion est la traversé du pipeline de l’Azerbaïdjan passant par la Géorgie, un pipeline guère fiable en raison de l’évolution de la situation dans ce pays et de la domination historique de la Russie sur ses points de passage. Par conséquent, un tel accès est important et même sensible aussi bien pour l’Azerbaïdjan que pour la Turquie, la Russie, l’Iran, l’Europe et même les États-Unis.
Mais un regard sur la carte montre que l'accès direct de la Turquie à Bakou ne sera possible que par le Nakhitchevan, où elle est maintenant présente, et en occupant une petite zone du territoire arménien, impliquant non seulement d'occuper (quoique petit) un morceau de territoire arménien, mais aussi coupant les relations entre l'Iran et l'Arménie, pouvant résulté un changement important et non négligeable pour la région.
Rien ne nous laisse penser que la déclaration de Poutine est basée sur des informations, ou sur une analyse, mais les récentes remarques de Devlet Bahçeli, chef du Parti d’action nationaliste turc, selon lesquelles « l'annexion du Nakhitchevan à la République d'Azerbaïdjan est une question historique, obligatoire et de vie ou de mort », témoignent du fait que cette question est à l’ordre du jour pour des responsables turcs.
En tout état de cause, avec ou sans un tel plan, il semble que les Russes aient envisagé cette possibilité, peut-être au motif que sans un objectif de cette ampleur, la présence à grande échelle et planifiée de la Turquie dans les développements actuels de la région ne se justifie pas. D'autant plus que le conflit dans les montagnes du Haut-Karabakh peut se transformer en guerre érosive et ne pas atteindre ses objectifs
En plus de ce qui précède, le silence de la Russie (malgré les attentes arméniennes) et les remarques de Poutine pourraient être un signe de mécontentement à l'égard de l'Arménie pour ne pas avoir tenté de parvenir à un accord avec l'Azerbaïdjan pour résoudre le conflit du Haut-Karabakh ces dernières années. Le problème qui a conduit à une plus grande intervention turque dans la région, et il est clair que cette intervention et son extension à d'autres républiques turcophones ne sont pas convenables pour la Russie.
La position de Moscou peut également indiquer que les Russes ne sont pas pressés de mettre fin au conflit et qu'ils ne craignent pas que les chefs des deux États relativement désobéissants de la région (dans leur sphère d'influence) soient partiellement punis, à condition que l'intervention étrangère soit limitée.